C’est le 24 mars dernier que nous avons appris, avec tristesse, le décès du grand Stuart Gordon. Ceux de ma génération pourront se rappeler qu’il a donné ses lettres de noblesse à l’époque du club vidéo. J’ai découvert la plupart de ses trésors lors de mes cueillettes hebdomadaires de cassettes vidéo et déjà très jeune, je me suis mis à reconnaître son nom.
Plusieurs parmi nous avons eu la chance d’échanger avec lui lors d’une de ses visites à Fantasia. Pouvant sembler intimidant avec sa stature et les chemises hawaïennes qu’il portait souvent, il était extrêmement sociable. Il avait été très surpris de me voir lui demander une signature d’un poster de Dolls qui, je l’ai compris, était moins aimé chez ses fans. Il était drôle, courtois, mais aussi extrêmement talentueux. Qui ne se souvient pas de cette projection anniversaire de Re-animator que le festival nous avait offert? Mon voisin et moi récitions à voix haute les répliques du film quand elles arrivaient sur les lèvres des acteurs. Nous n’étions évidemment pas les seuls.
Pour terminer sur une note humoristique, parce que son oeuvre en est rempli, on se souvient également de notre agréable surprise à le voir endosser en 2009 le rôle de Walter Finkelstein, père de Shelly, dans le documenteur The Crystal Lake Massacres Revisited. On y représentait avec humour le mythe de Jason perçu par les habitants des lieux où il a sévi. Je ne suis certainement pas le seul amateur de la franchise Friday the 13th à avoir savouré la présence de Gordon à l’écran.
Horreur Québec a souhaité souligner son héritage en vous rappelant quelque unes de ses pépites, qu’on vous conseille de découvrir ou de revoir.
Re-Animator (1985)
S’ouvrant sur un générique hommage à Psycho où la musique de Richard Band calque amicalement les cordes de Bernard Herrmann, tout en offrant une conception visuelle rappelant trop bien l’ouverture dessinée par Saul Bass pour Vertigo, ce classique de Stuart Gordon ne renifle pas seulement chez Hitchcock, mais sur pleins d’autres œuvres cinématographiques majeurs, dont le Frankenstein de James Whale. On comprend vite que le metteur en scène ici connaît ses classiques, et jamais il ne perd sa touche en tentant de les imiter sérieusement. S’inspirant très librement de Lovecraft, l’ensemble fonctionne à merveille. Le mélange de gore, d’humour, et de tabous font bon ménage et si Barbara Crampton a le physique de l’emploi, la prestation de Jeffrey Combs est une révélation. À voir et à revoir.
Dolls (1987)
Il y a quelque chose de féerique dans ce petit film dont la prémisse d’ouverture rappelle The Old Dark House avec ces étrangers allant trouver refuge dans un manoir durant une pluie diluvienne. Non seulement l’histoire est captivante, mais la réalisation de Gordon fait place à une kyrielle d’innovations pour camoufler le budget anémique. Chaque subterfuge utilisé pour nous faire croire à l’animation des poupées devient un tour de force. Les meurtres sont également créatifs et les personnages sont dignes d’intérêt.
From Beyond (1986)
S’inspirant une fois de plus de Lovecraft, ce film-ci amuse autant par sa conception volontairement superficielle de la psychanalyse que par une multitude de scènes loufoques. Moins fignolé que Re-Animator, ce petit bijou demeure tout de même inoubliable. On aime les créatures qui nous donnent l’impression de regarder une version bon marché de The Thing. Reprenant Jeffrey Combs et Barbara Crampton pour incarner les premiers rôles, ceux-ci demeurent délectables.
Dagon (2001)
Pigeant une fois encore dans le répertoire de Lovecraft, et combinant cette fois les textes Dagon et The Shadow Over Innsmouth, Dagon est un film sans pareil où le spectateur doit plonger littéralement dans un autre univers. Alors qu’ils trouvent refuge sur un petit village côtier suite à un naufrage, un jeune couple atterrit dans un véritable cauchemar. Visuellement très beau, le cinéaste utilise à merveilles ses décors macabres.
Fortress (1993)
Se déroulant en 2017 alors que la terre est surpeuplée, un couple est enfermé pour avoir dérogé à la règle de n’avoir qu’un seul enfant. Proposant une sorte de remake futuriste et survolté de Escape from Alcatraz, Stuart Gordon réussit le pari de construire un suspense haletant. Le scénario est rempli de surprises, le visuel est très stylisé et Christophe Lambert est crédible dans le rôle de John Brennick.
Castle Freak (1995)
Difficile de croire que plusieurs fans du cinéaste n’adhèrent pas à cette petite merveille. Lorsque l’héritier d’une duchesse hérite de son vieux manoir et qu’il décide d’y emménager avec sa famille, il est loin de se douter que la progéniture monstrueuse de la défunte habite les lieux. Il s’agit encore une fois d’un récit inspiré par Lovecraft, mais qui s’éloigne tout de même de la nouvelle. Filmé dans un superbe château italien qui appartenait au producteur Charles Band, où Gordon avait tourné auparavant The Pit and the Pendulum, le cinéaste sait utiliser le potentiel de l’endroit. L’histoire est classique, mais divertissante au possible, et le maquillage de la créature est aussi réussi. Jeffrey Combs et Barbara Crampton affichent une complicité à l’écran.
The Pit and the Pendulum (1990)
C’est d’Edgar Allen Poe dont s’inspire cette histoire dure et cruelle sur l’inquisition espagnole. Comme à son habitude, le maître fait des miracles avec un petit budget. Il s’éloigne de son style habituel sans perdre son savoir-faire. Hormis un circuit festivalier, le film a été surtout découvert à travers le marché de la vidéo. Dans le rôle du diabolique prêtre prenant plaisir à torturer et à infliger des sévices, Lance Henriksen est tout simplement phénoménal. Dans un second rôle, l’acteur fétiche de Gordon, Jeffrey Combs, est aussi en grande forme.
King of the Ants (2003)
On a l’impression que les films cultes du réalisateur ont conquis les amateurs à l’ère du VHS, ce qui explique peut-être que King of the Ants soit moins connu. Cette histoire policière se transforme rapidement en un récit de vengeance assez étonnant. Les scènes de violence adoptent un ton très sérieux et nous font comprendre que même lorsqu’il change de registre, le cinéaste fait preuve d’une stratégie horrifique. La présence du toujours excellent George Wendt (House) rehausse également l’ensemble.
Masters of Horror: The Black Cat (2007)
Cet épisode de la célèbre série met en vedette Jeffrey Combs dans le rôle du célèbre Edgar Allen Poe et il est impossible de passer cette prestation intense sous silence. Qui plus est, voir le destin du célèbre écrivain aux prises avec l’alcoolisme, la pauvreté, et la maladie de sa femme est extrêmement captivant. Mais comme il fallait s’y attendre, le metteur en scène mâtine habilement l’ensemble d’horreur.
Fear Itself: Eater (2008)
Quand une policière est assignée pour surveiller durant un quart de nuit un psychopathe cannibale incarcéré, elle est loin de s’attendre à un pareil sort. Stuart Gordon a signé l’un des meilleurs épisodes de cette série, qui tentait de reprendre le flambeau de Masters of Horror. Rempli de suspense et de moments intenses, le film met en vedette Elizabeth Moss (The Invisible Man) dans le premier rôle face à l’acteur Stephen R. Hart (Resident Evil: Apocalypse), qui joue son démoniaque adversaire.
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