(Note: Nous avons hésité à inclure Dr. Caligari dans cette liste. C’est un film d’horreur… entre autres. C’est surtout un film bizarre, voire troublant, qui entre difficilement dans un genre. Gros avertissement donc: cœurs sensibles s’abstenir, public adulte, averti, vacciné, etc.)
Mme Van Houtten (Laura Albert) a été internée par son mari M. Van Houtten (Gene Zerna) pour la maladie, ô combien sordide, d’avoir une libido. Mais l’hôpital psychiatrique est géré par la flegmatique docteure Caligari (Madelayne Reynal), qui profite de sa position pour conduire des expériences tordues. Il incombe à deux employés (David Parry et Jennifer Balgobin) de sauver Mme Van Houtten avant qu’il ne soit trop tard.
Rien à voir avec Le Cabinet du docteur Caligari (Robert Wiene, 1920), Dr. Caligari (1989) est l’œuvre de Stephen Sayadian, qui avait, jusque-là, réalisé des films X aussi étranges (ex.: Café Flesh, 1982). La légende dit que le studio était prêt à le financer, tant que le mot «Caligari» apparaissait dans le titre, et Sayadian serait parti avec le fric tout en faisant à sa tête. Le script est coécrit par Jerry Stahl, un auteur avec un parcours tout aussi tortueux.
Le film est aussitôt tombé dans l’obscurité et il ne reste que des transferts VHS d’une qualité audio moyenne, qui occultent certains dialogues et ajoutent au mystère.
Pourquoi on l’aime
Il serait difficile de décrire cette énigme sans s’étendre, alors retenons ce qui nous a marqué, ou pourquoi on pense qu’il vaut la peine de choquer vos mœurs chrétiennes.
Dr. Caligari est essentiellement composé d’une série de vignettes surréalistes. Chaque set est construit à la main sur fond noir: portes qui tiennent tout seul, fleurs de plastique, papier maché, néons, télés avec statique. Tout est croche. Les costumes ont des couleurs vives: rose bonbon, jaune serin. Les acteurs se lancent des lignes cryptiques et bougent comme des automates, chorégraphiés à la Bob Fosse. Tout cela confère aux dialogues une sorte de rythme jazzé, cool, irréel.
Tout s’imbrique comme dans un cauchemar: la direction photo, les costumes, la musique électronique. Le jeu des acteurs et des actrices est totalement absorbé, notons d’ailleurs la performance de Laura Albert, qui a ensuite fait carrière comme cascadeuse. Comme résultat, chaque scène semble calibrée tantôt pour attirer, tantôt pour repousser, toujours pour décontenancer. Les points de repère normaux d’une intrigue, d’une arche de personnage ou de toute logique s’estompent dans la folie de l’asile.
Il va sans dire que le film pèse beaucoup sur la thématique psychosexuelle. La critique plutôt facile de la libido d’une femme perçue comme une maladie (l’«hystérie» classique) sert de tremplin pour aborder d’autres thèmes comme l’identité sexuelle, voire de genre, la psychiatrie, la consommation de viande…
Du moins, c’est ce qu’on déduit. D’autres diraient que Dr. Caligari n’est qu’une excuse élaborée pour montrer de la peau, que c’est terriblement sleazy et ne mérite pas le culte qui semble lui être dévoué dans les recoins obscurs du Web. Et ces personnes auraient probablement raison. Mais le fait qu’on ne puisse pas vraiment trouver l’équivalent dans toute l’histoire du 7e art est aussi parlant.
Pour le meilleur ou pour le pire, Dr. Caligari est toute une aventure.
Notre citation préférée: «Chinchilla! Chinchilla! Chinchilla!»
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