Né dans les années 1970, ce n’est réellement qu’en 1981 que le slasher est devenu une tendance populaire au sein du 7e art. Eh oui, déjà 40 années ont passé depuis la plus grande cuvée du sous-genre horrifique. Ainsi, Kristof G. passe en mode « On rembobine », afin de revisiter pour vous une douzaine des plus excitants, stressants et sanglants slashers sortis en 1981. Rendez-vous chaque dernier vendredi du mois, pour bien débuter votre «week-end de terreur» Comme c’est la Saint-Valentin aujourd’hui, on déroge exceptionnellement de l’initial plan, pour vous offrir de l’amour sanglant. <3
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Amour à pic
Après The Burning, on s’attaque évidemment à My Bloody Valentine. Pas le groupe shoegaze irlandais fondé en 1983. LE slasher préféré — canadien de surcroît — du grand Quentin Tarantino, toi chose. Ben oui, lors d’une entrevue en 2006 discutant de Grindhouse, le cool diptyque qu’il réalisa avec son pote Robert Rodriguez, Mister Q mentionna nonchalamment MBV comme étant son slasher préféré. Surtout qu’à sa sortie, le film avait été distribué par Paramount Pictures et était dans tous les clubs vidéo du monde entier.
MBV s’inscrit dans cette récurrente tendance du slasher qu’on pourrait qualifier de festive, en se déroulant à un jour précis du calendrier, après Black Christmas (1974), Halloween (1978), New Year’s Evil (1980) et Friday the 13th (1980). Au niveau synopsis, encore une fois, on reste en terrain connu avec cette production Cinepix: 20 ans après qu’une petite communauté fut traumatisée par des événements tragiques, une entité aussi mystérieuse que maléfique reprend du service pour trucider pas mal de gens, une vengeance qui fera épancher tout plein de (faux) sang, avant une finale à twist chère au giallo italien d’antan (car on sait tous et toutes que les racines du slasher sont transalpines, hein?).
Cependant, c’est plutôt au niveau personnage que MBV innovait. Ses protagonistes étaient un peu plus âgés que la moyenne des victimes habituelles des croquemitaines de l’époque, avec ses trentenaires cols bleus issus de la classe moyenne (à la manière d’Alien), qu’on voit déconner au boulot, qu’ils quittent le visage barbouillé avec leurs vieilles bagnoles déglinguées. De plus, après la banlieue d’Haddonfield et la forêt de Crystal Lake, on se retrouve dans un joli et tout petit bled minier, le bien nommé Valentine Bluffs, où on trippait solide sur la fête hivernale des amoureux (avec des décorations rose-rouge partout-partout), avant qu’un terrible accident provoque des actes violents.
Ce qui se passe à Valentine Bluffs…
AVERTISSEMENT : si vous n’avez pas vu le film, on vous suggère d’arrêter votre lecture dès maintenant et d’aller illico le visionner (la version non censurée est dispo en Blu-ray chez Scream Factory : vous pouvez lire notre dissection complète ici!), car on débute la dissection du synopsis.
En 1960, après qu’une négligence engendre une explosion dans la mine, Harry Warden (Peter Cowper) a dû se rabattre sur le cannibalisme afin de survivre dans les décombres, avant de devenir complètement cinglé. Un an plus tard, avec son masque à gaz, son casque équipé de lampe frontale, son survêtement une-pièce, ses gants et ses bottes à cap, le gars s’en est allé empaler les responsables de l’explosion avec sa pioche effilée. Tout un look, noir comme son âme.
L’eau ayant coulé sous les ponts, on décide deux décennies plus tard de ramener la traditionnelle soirée dansante, au grand bonheur des villageois. Or, ça ne fait vraiment pas l’affaire d’un mystérieux mineur, qui rappelle étrangement beaucoup ce psychopathe d’Harry Warden. C’est que les cadavres ont recommencé à s’empiler, au grand dam du maire (Larry Reynolds; Killer Workout) et du chef de police (Don Francks, qui aurait prêté sa voix au tout premier Boba Fett dans l’infâme Star Wars Holiday Special de 1978!). Étonnamment, la paire fait ici équipe, contrairement à ceux de Jaws, afin d’éviter que les meurtres continuent… en vain.
Après qu’un petit prologue coquin voit la fameuse pioche transpercer un tatouage en forme de cœur, on fait rapidement la connaissance de nos protagonistes, soit le couple formé d’Axel (Neil Affleck; aperçu dans Scanners et Visiting Hours, avant qu’il ne réalise plusieurs épisodes des populaires séries animées The Simpsons et Family Guy!) et Sarah (Lori Hallier), de même que T.J. (Paul Kelman; Black Roses), l’ex-chum de cette dernière, qui est de retour après avoir vécu plusieurs années à l’extérieur. Mais celui qu’on reconnaît surtout, c’est Pierre Lambert! Ben oui, l’étoile du National de Québec (de la série Lance et Compte, les jeunes!) — ou Carl Marotte pour sa maman. Il incarne Dave, un gars de la gang bossant lui aussi à la mine, qui n’avait hélas pas beaucoup de lignes au scénario.
En revisitant le film quatre décennies plus tard, on sourit en pensant que certaines scènes anticipent des films cultes des années 1980, notamment lorsqu’on voit ce sympathique joufflu-moustachu d’Hollis (Keith Knight; Meatballs) jouer avec un couteau comme Bishop dans Aliens (1986), ou encore en riant des niaiseries d’Howard (Alf Humphreys; Rambo, X-Men 2) préfigurant celles de cet enfoiré de Shelly dans Friday the 13th part 3 (1982). D’ailleurs, Happy (Jack Van Evera; Black Christmas, Incubus), le barman, délire avec ses avertissements de vieux fou pareil comme Crazy Ralph dans les deux premiers Vendredi 13.
Lorsque Maritimes rime avec hémoglobine
Enfin un film tourné au pays qui ne fait pas semblant de se dérouler aux États-Unis. Premièrement, il y a de la Moosehead en masse. On peut voir des caisses et bouteilles vertes de cette bière néo-brunswickoise partout dans le film. Car les boys aiment bien en descendre plusieurs dans leurs temps libres, que ça soit dans une cour à scrap, ou encore à The Cage, la taverne du coin. D’ailleurs, Valentine Bluffs, ça se trouve à être en fait Sydney Mines, un petit village de même pas 15 000 âmes situé sur l’Île du Cap-Breton en Nouvelle-Écosse, non loin de la forteresse de Louisbourg.
Par ailleurs, de nombreux talents canadiens se retrouvent autant devant que derrière la caméra. Juste après avoir réalisé son premier long métrage (Pinball Summer), le réalisateur canado-hongrois George Mihalka (qui réalisa ensuite Scandale, The Blue Man, et La Florida, notamment) fut approché pour réaliser MBV. Il en a profité pour rappeler une partie du casting de son précédent film, soit Helene Udy, Thomas Kovacs et le susmentionné Marotte.
On retrouve également au générique un habitué des productions Cinepix, soit Jean Lafleur (réalisateur d’Ilsa Tigresse de Sibérie et monteur de Rabid, notamment), qui fut superviseur du montage. À la musique, on a le compositeur torontois Paul Zaza, qui sortait à peine de la trame sonore de Prom Night (1980) et qui a enchaîné par la suite tout plein de classiques cultes (Porky’s, Curtains, American Nightmare, The Vindicator, The Brain…). Il a une bien belle feuille de route, ce récipiendaire de plusieurs Emmy, ayant même été nommé aux Oscars pour Scrooged (1988).
On doit les effets spéciaux de MBV à l’américain Thomas R. Burman, qui a bossé sur des films comme Happy Birthday to Me et Halloween III, en plus des productions de mégapointures du 7e art (tels que Steven Spielberg, Brian De Palma, Richard Donner, John McTiernan, Francis For Coppola…).
Ô Canada, MPAA, et cetera
Malheureusement, plusieurs de ses plus sanglants effets ont dû être charcutés avant la sortie au cinéma du long métrage. On raconte que Milhalka a eu maille à partir avec la censure, alors que la MPAA (pour Motion Picture Association of America) ne lui accorda une cote non-X qu’après qu’il ait coupé pas moins de 9 minutes des scènes les plus violentes.
Avec son inquiétante respiration à la Darth Vador, notre terrifiant et brutal croquemitaine se la joue parfois Michael Myers, lorsqu’on voit à travers ses yeux style FPS, alors qu’il aveugle ses victimes avec sa frontale, avant de les assassiner toujours de façon fort créative. Car de l’écrapou, il y en a. On a droit à plusieurs cœurs humains dans des boîtes de chocolat (la signature d’Harry Warden), beaucoup d’empalements à la pioche (en plus de celle fort originale avec un pommeau de douche!), une énucléation oculaire, un meurtre au fusil à clou, une décapitation, quelques cadavres sur des crochets de boucher, une grande brûlée dans une sécheuse industrielle de buanderie (oh que oui) et même un gars mort ébouillanté avec des saucisses à hot-dog, avec en prime un plan depuis le fond de la casserole! Eh oui, Dave y’est magané, ce qui nous a toujours fait bien marrer. Tout comme les réactions de surprises peu crédibles de certains personnages découvrant des cadavres encore chauds. Du bonbon!
Y’a aussi de l’amour, de la jalousie, de la baston et du mystère aussi… parfois, on se croirait même dans Dynastie (hi hi), avant que bang, un cadavre bien cramoisi nous tombe dessus, sans crier gare, chers amis. Et que dire du climax dans la mine, stressant comme la fuite de scream queens, avant la folle finale pas du tout banale!
Harry Warden, 18 ans plus tard
Les années 2000 ont vu apparaître sur les écrans tout plein de refontes de plusieurs classiques du sous-genre horrifique. Après The Texas Chainsaw Massacre (2003), Black Christmas (2006) et la paire de The Hills Have Eyes (2006-2007), MBV a connu le même sort en 2009. L’adage “toujours plus que l’original” fut parfaitement appliqué: des actrices et acteurs plus jolis, plus de gore (mais en 2009, ça voulait hélas aussi dire plus de CGI), plus de meurtres (30 contre 16 pour l’original) et oui, plus de sexe. Car au niveau nudité, le film de 1981 était plutôt prude (un soutif au prologue et puis c’est tout), alors que les seules poitrines dénudées qu’on peut y voir sont celles, poilues, des gars dans la douche de la mine. Cependant, en plus d’agresser ses spectateurs avec une pioche sortant incessamment de l’écran, My Bloody Valentine 3D a tenté de plaire aux plus lubriques spectateurs, avec un seul moment sexy, mais tout un. En fait, la scène du motel est probablement l’une des plus ridicules jamais vue de l’histoire de la série B.
Pendant sept longues minutes (7!), on suit les derniers moments d’une blonde bimbo (Betsy Rue; Halloween II) qui, après avoir baisé un camionneur pas très réglo (Todd Farmer, également scénariste du film, à qui l’on doit aussi le script de Jason X), tente de se sauver de notre mineur masqué en ne portant que des talons hauts. Vous avez bien lu : c’est flambant nue que la madame court pour sa vie, avant d’être témoin d’une improbable rencontre (dans le désordre, entre une pioche, un plafond suspendu la tronche de la tenancière de motel — qui se trouve à être une petite personne) pour finir accrochée au mur avec ladite pioche. C’est d’un niaiseux… c’en est gênant.
Armée de cette belle petite gimmick qu’est la 3D (on en voyait beaucoup sur les écrans dans cette période), cette production Lionsgate était dotée d’une distribution inepte, rehaussée seulement par la présence à bord d’un vieux de la vieille, Tom Atkins (Halloween III, The Fog, Night of the Creeps) dans le rôle du chef de police retraité. Ce dernier n’en revient tellement pas de figurer dans une aussi mièvre refonte que sa mâchoire en décroche. Non sans avoir donné la réplique à une couple de gars de Dawson Creek (Jensen Supernatural Ackles et Kerr Final Destination Smith), qui se chicanent pour l’attention de la belle Jaime King (Sin City, The Tripper, Mother’s Day).
Bien que le synopsis reprenne grosso modo les grandes lignes du film original (et certaines scènes, comme les uniformes dansants au vestiaire, la sécheuse torride, le pétage d’ampoules dans la mine), les personnages sont si peu attachants que rendu à la finale révélation, on s’en sacre vraiment de savoir qui est donc le meurtrier dans le fond. Globalement, le film n’est pas très inspiré et c’est la faute à Patrick Lussier. Ben oui, celui qui a longtemps été le monteur attitré de Wes Craven (de New Nightmares à Red Eye), et qui n’a jamais excellé en tant que réalisateur (Dracula 2000 et ses deux suites, Drive Angry), ni comme scénariste (Terminator Genisys). Si vous ne l’avez jamais visionné, sachez que vous ne manquez pas grand-chose. Rendez-vous service et (re)donner plutôt un peu de love à l’original.
P.S. Et dire que feu John Dunning (qui fonda Cinepix avec Andre Link) avait écrit lui-même une suite de l’original, The Return of the Miner, qui fut achetée, mais aussitôt tablettée par Lionsgate… qui préféra plutôt produire cette insipide refonte. M’enfin.
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