L’actrice québécoise Charlotte Le Bon, qui a partagé l’écran avec une multitude de vedettes américaines et françaises, et qu’on a également pu voir plus tôt cette année dans Fresh, nous offre un premier long-métrage en tant que réalisatrice: Falcon Lake, présenté en ouverture de la 51e édition du Festival du Nouveau Cinéma qui débute aujourd’hui.
Le film raconte l’histoire de deux adolescents qui développeront un lien particulier durant des vacances d’été près d’un lac où plane la légende d’un fantôme.
Horreur Québec s’est entretenu avec la cinéaste lors de son passage au festival:
Horreur Québec: vous êtes établie comme actrice et vous avez joué dans de grosses productions avec des vedettes. Est-ce que ce n’était pas un saut terrifiant que de vous lancer dans la réalisation d’un film québécois indépendant?
Charlotte Le Bon: Je crois que je vais avoir peur toute ma vie. C’était une nécessité pour moi. J’ai vécu beaucoup de frustration en tant qu’artiste et actrice. J’ai tourné dans beaucoup de films en très peu de temps, ce qui veut dire avec plusieurs cinéastes différents. Souvent, j’ai été déçue par les résultats. Mais à la base, je viens des arts visuels. J’ai toujours souhaité raconter des histoires avec des images. Avoir eu cette carrière courte, mais très intense en tant qu’actrice devenait une façon de lier les deux. J’avais ce besoin de réaliser et je l’ai fait avec un court-métrage. Ensuite, je voulais plonger pour un film plus long. C’est durant le montage que je suis tombée sur la BD qui m’a inspiré pour Falcon Lake.
HQ: La surprise est quand même de ne pas vous voir tenir un rôle dans votre film. À un certain moment, vous n’avez pas eu envie de vous glisser devant la caméra, ne serait-ce que pour quelques minutes?
CLB: Jouer dans mes films, c’est un exercice qui ne m’intéresse pas du tout. Ce sont deux casquettes différentes. Le rôle d’un réalisateur est d’être en contrôle, alors que celui de l’acteur est de se laisser aller et être vulnérable. Je n’ai présentement pas la capacité de faire les deux. Il y a aussi le fait que je suis incapable de me voir à l’écran. J’ai joué dans plein de films que je n’ai pas vus. Je joue présentement dans C’est comme ça que je t’aime. C’est tragique pour moi, car j’adore la série et je ne pourrai pas la regarder, car je suis dedans. Je crois que si un jour je joue dans un de mes films, ce sera pour me dépanner si une actrice me plante à la dernière minute.
Horreur Québec: Même si le synopsis de Falcon Lake ne semble a priori contenir que très peu d’horreur, le film possède une aura inquiétante d’un bout à l’autre.
CLB: Ce n’est pas arrivé tout de suite dans ma démarche. Le roman graphique se passe en Bretagne sur le bord de la mer. Je souhaitais le tourner au Québec, mais sans ce côté étrange. J’ai rédigé deux premières versions du scénario et c’était impossible de trouver du financement, probablement parce qu’on trouvait le sujet banal, ou que c’était du déjà vu. Quand je me suis éloigné de la BD pour y inclure des éléments qui me plaisaient, le macabre est venu. Il y a aussi le fait que mes plus grands chocs cinématographiques comme spectatrice viennent du cinéma d’horreur. En même temps, je ne voulais pas ajouter cela de façon farfelue ou accessoire, comme un sapin qui a trop de décorations. Je voulais raconter mon histoire par le biais de ces éléments, et que ça ait du sens.
La figure du fantôme s’est imposée rapidement parce que j’adore les fantômes et je trouvais ça intéressant d’y mettre nos paysages. J’ai grandi dans les Laurentides et je trouve que la nature ici est grandiose. Notre été est court, mais il est puissant. Nos paysages sont à double tranchant et ambigus, je trouve. Nos lacs sont beaux et enveloppants, mais on ne voit jamais le fond qui est très noir. C’est une sorte de miroir dans le film avec les premières émotions et pulsions sexuelles de Bastien qui est à la fois attiré, mais un peu terrifié.
HQ: La nature qui devrait être idyllique et belle est d’ailleurs toujours inquiétante dans Falcon Lake. Je pense à un plan où on voit Bastien rouler à vélo en forêt et où l’ambiance l’entourant nous fait presque supposer qu’il est observé.
CLB: Il vient d’affronter sa pire peur de l’eau dans la scène dont vous parlez et plus il s’enfonce dans sa peur, plus Chloé se dénude. Je voulais créer ces plans où il semble petit dans l’image. Il est dans un état où lui-même est terrifié.
HQ: Dans Falcon Lake, le plafond de la chambre des jeunes est décoré d’affiches de vieux films d’horreur dont Psycho. Encore ici, vous faites référence à un maître au niveau de la construction du suspense. Est-ce qu’il faut y déceler un indice de la direction du film?
CLB: Dans le cas d’Hitchcock, ce que j’aimais souligner, c’est qu’il a toujours su mettre une série de petits détails et de petits indices sur la destinée de ses personnages. Je me suis amusé à essayer de faire la même chose.
HQ: Est-ce qu’il y a d’autres cinéastes qui vous ont inspiré?
CLB: J’en ai plusieurs, mais pas un en particulier. Au niveau du récit initiatique, j’ai beaucoup été touchée par Call Me By Your Name. La mise en scène était pudique et aucunement prétentieuse, ce que je souhaitais faire. Je ne voulais pas que ma mise en scène prenne l’emprise sur mon histoire. Pour le côté horrifique, je crois que c’est le film Take Shelter de Jeff Nichols qui m’a le plus inspiré. L’ambiguïté au niveau du rêve ou du fantasme me fascine dans ce film. Il y a aussi la facture onirique du long-métrage A Ghost Story de David Lowry avec cette image du fantôme. J’ajouterais également le film American Honey d’Andrea Arnold dans mes inspirations.
HQ: Pouvez-vous nous parler de votre prochain projet comme réalisatrice?
CLB: Je vais affronter le genre de manière beaucoup plus frontale pour mon prochain long-métrage. Cette fois, je m’inspire de l’histoire d’un ami qui a vécu durant trois mois dans un appartement hanté.
Falcon Lake prend également l’affiche en salle le 14 octobre prochain.
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