Le cinéaste Michel Hazanavicius, lauréat d’un Oscar pour son film The Artist en 2012, était de passage au Québec cette semaine pour nous présenter sa nouvelle comédie d’horreur Coupez!, maintenant en salle.
Le film raconte les déboires d’une équipe de tournage devant tourner un film de zombies qui tourne rapidement à la catastrophe. Il s’agit du remake du célèbre film japonais One Cut of the Dead, datant de 2017.
Horreur Québec en a profité pour s’entretenir avec le cinéaste.
Horreur Québec: On peut lire que c’est votre producteur qui vous a fait connaître le film japonais original, mais comment est-ce que ça s’est déroulé?
Michel Hazanavicius: Je travaillais sur un film qui aurait été une comédie se déroulant sur un tournage. Je lui ai raconté mon histoire et il a enchaîné qu’il venait d’acquérir les droits d’un film et que ça lui se ressemblait beaucoup.
HQ: De cette manière, vous vous lanciez tout de même dans la reprise d’un film qui a eu un grand succès. Aviez-vous une approche particulière pour maintenir une certaine originalité?
Mon approche n’a pas été de cacher le film original, mais de souligner son existence et lui rendre hommage. Mon personnage fait un remake du film japonais et j’ai utilisé les vraies images de ce long-métrage. Je ne le montre pas comme un film raté, mais comme un succès et j’ai essayé d’en tirer un film personnel.
HQ: Est-ce qu’avec la vague de remake douteux qu’on voit actuellement, vous n’avez pas voulu vous moquer de ce procédé qu’est le remake?
MH: Je n’ai pas volontairement mis cette dimension dans mes priorités, ou c’est alors de manière plus inconsciente. J’aimais bien l’idée du producteur qui mentionne se foutre de tout. Il est cynique et se dit que si ça a marché au Japon, ça va marcher en France.
HQ: Vous avez mis en scène un réalisateur qui devient excessif et pète un peu les plombs durant son tournage. Je me demande jusqu’à quel point vous y avez mis un peu de vos propres excès. Offrez-vous une caricature de vous-même un peu?
MH: Je n’ai pas essayé de me raconter à tout prix, mais il y a certaines choses qui concordent. J’ai toujours l’impression de courir sur un plateau et d’être contre le temps. J’en fais donc quand même un personnage qui est une projection de moi.
Romain [Duris] me regardait beaucoup sur le plateau et m’imitait. Il prenait des manies que j’avais. Je le voyais reproduire mes gestes. C’est certain qu’avec le fait que sa femme dans le film soit jouée par ma femme et que sa fille soit jouée par ma fille, je ne peux pas nier qu’il y a une sorte d’identification.
HQ: Vous avez gagné un Oscar avec The Artist, et je me demandais si revenir ensuite à Cannes avec un film de zombies, surtout que la première partie est volontairement mauvaise, ça ne vous a pas créé une certaine appréhension?
MH: Un peu. Je me disais que j’allais peut-être me faire siffler dans les vingt premières minutes. Ils peuvent être durs à Cannes. Je me disais que j’allais les avoir à la fin. J’étais content des longs silences où je sentais que les gens trouvaient ça moins bien. Vous savez à Cannes, les premiers rangs sont les rangs avec les invités et les vedettes. Honnêtement, je vous avoue que je voyais leur tête et que je comprenais qu’ils trouvaient ça merdique. Mais, je savais qu’ils allaient comprendre par la suite. En même temps, plus on est déconcertés au début et plus la satisfaction est grande durant la finale.
HQ: On voit dans votre filmographie que vous affectionnez particulièrement mettre en scène le cinéma. Qu’il s’agisse de The Artist, Le redoutable et maintenant Coupez!, vous semblez fasciné à parler du milieu cinématographique dans vos films.
MH: C’est la première fois où j’en fais le sujet exclusif. D’habitude le cinéma est plus l’objet. Par exemple dans The Artist, c’était moins le sujet de l’histoire qui me fascinait, mais la forme du cinéma muet. J’essaie quand même de créer une bonne histoire en corrélation avec la forme que j’ai choisie. Pour Godard, j’étais fasciné par ce moment de crise politique. Cette fois-ci, avec Coupez!, le cinéma est le sujet de mon histoire. Je recrée un film de série Z, mais je m’amuse à montrer le côté bras cassé et presque héroïque des artistes. C’est pratiquement lyrique. Les artistes sont peut-être des nuls, mais ils font tout leur possible pour amuser, divertir ou faire peur. Les gens du film finissent par être liés. Le groupe est toujours plus fort que la somme des individus.
HQ: Vous avez travaillé plusieurs fois avec Jean Dujardin, dont le jeu est toujours en parfait accord avec vos films, et je me demandais si à un moment ou à un autre vous avez eu envie de lui donner un rôle dans Coupez!?
MH: Non, pas vraiment. Il a son propre trajet. Ça faisait très longtemps que j’avais envie de travailler avec Romain Duris et il a dit oui tout de suite.
HQ: Romain est un acteur assez exceptionnel à l’écran dans tout ce qu’il fait, mais je vous avoue que ce fut une surprise de le voir au générique d’un film de zombies.
MH: J’adore Romain et j’avais vraiment envie de travailler avec lui. Comme tout le monde, je l’avais découvert dans le très beau film de Cédric Klapisch Le péril jeune, dans lequel je l’avais trouvé très bon. J’ai adoré travailler avec lui.
HQ: Est-ce que c’est plus facile de diriger des acteurs pour qu’ils soient mauvais à l’écran ou qu’ils soient bons?
MH: Pour moi, ils ne jouent pas mal. C’est drôle, car sur le plateau, ils me disaient qu’ils jouaient mal. Ils jouent des acteurs sans accessoire et c’est ce que je leur disais. Ils sont en panne. En tant que spectateur, on les trouve d’abord mauvais dans la première partie, mais si on le revoit, on trouve qu’ils sont très bons.
HQ: Vous avez rendu hommage au cinéma d’espionnage, au cinéma muet et aux films de zombies, et connaissant vos films je ne peux m’empêcher de vous demander si vous aimeriez tourner un suspense qui rendrait hommage à Hitchcock. Vous n’avez pas une approche si différente de lui.
MH: J’ai inclus Hitchcock le plus possible dans mes OSS. C’est la période Vistavision et la conception de certaines scènes s’y rapprochait. Cela dit, j’adorerais faire un vrai film de suspense. Ce que j’adore chez Hitchcock, c’est que c’est un cinéaste extrêmement visuel qui se sert du dialogue de manière décalé et rempli de double sens. Il vient du muet et ça se sent.
HQ: Vous êtes aussi un cinéaste extrêmement visuel, c’est en partie pour cela que j’y faisais référence.
MH: Oui, c’est vrai. Je fais beaucoup de storyboards, ou du moins j’essaie.
HQ: Jusqu’à tout récemment, on pouvait lire que votre prochain projet était un film mettant en vedette Gérard Depardieu et Jean-Louis Trintignant, qui nous a quittés tout récemment. Est-ce que le projet verra quand même le jour?
MH: Je suis en train de le faire, tout est enregistré. Trintignant a eu le temps de le terminer, et il adorait ce projet. Je suis malheureux qu’il n’ait pas eu la chance de le voir terminé, mais il le savait.
Coupez! prend l’affiche au Québec le 21 octobre. Lisez notre critique du film.
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