Avec le nouveau film qui bat tous les records au box-office et l’automne qui est à nos portes, pourquoi ne pas en profiter pour revisiter la version papier du roman à succès Ça (It) de Stephen King!
Un de nos lecteurs, Alexandre Roy-Lachance a voulu nous partager ses impressions sur sa lecture!
Ma première rencontre avec le roman culte de Stephen King s’est déroulée dans les années 90, alors que j’avais 9 ou 10 ans. En visite à l’aéroport, je suis tombé sur l’édition de poche publiée chez J’ai lu en trois volumes. Les illustrations en couverture dépeignaient d’horribles scènes de démembrement présidées par un clown à l’allure inquiétante. Le manque de subtilité et le caractère racoleur de cette présentation ont évidemment échappé à ma tête d’enfant facilement impressionnable. J’étais à la fois fasciné et rebuté par ces images horribles. Avance rapide jusqu’à l’été 2003 dans une bouquinerie quelconque. Je tombe sur cette même édition de poche. Je la trouve plutôt moche, puis l’idée d’un clown tueur me paraît fort banale. J’achète tout de même le coffret par nostalgie, mais je l’envoie aux rebuts quelques années plus tard sans avoir lu une page.
Au fil des ans, je lis Le Fléau, je lis Shining, Salem, Carrie… Je me rends compte qu’au sommet de sa forme, Stephen King est un écrivain admirable qui mérite d’être lu sérieusement. Malgré tout, Ça m’attire toujours aussi peu. Je le regarde souvent dans les librairies, je le pèse dans ma main, j’essaie de me convaincre en vain qu’une histoire de méchant clown peut m’intéresser… Puis je l’achète finalement, pour le laisser dormir encore deux ans dans ma bibliothèque. C’est la sortie récente de sa deuxième adaptation cinématographique qui m’a extirpé de ma torpeur. Le film me paraissait prometteur, réalisé avec style et interprété par de jeunes acteurs de talent. Pour mieux profiter de l’expérience, je me suis enfin décidé à plonger dans l’oeuvre originale.
J’ai rapidement dû admettre que mes impressions malavisées m’ont longtemps privé d’un récit fabuleux. Ça vous accroche dès la première scène, magistralement décrite par un Stephen King au plus haut de son inspiration. L’écriture est si puissante qu’elle évoque des images vives et angoissantes qui semblent projetées directement dans l’esprit du lecteur. King soutient ce tour de force pendant la quasi-totalité des 1 500 pages, qui se dévorent sans lourdeur et sans ennui. Je me suis souvent retrouvé plongé si profondément dans l’univers du roman que j’avais l’impression de regarder un film et que l’acte de lecture devenait presque automatique, voire inconscient.
Ça est surtout l’un des meilleurs livres sur l’enfance qu’il m’ait été donné de lire. King dépeint avec humanité les joies, les peines, les craintes et les règles particulières de l’enfance, l’intensité incomparable des amitiés et des haines, à travers une galerie de personnages crédibles et attachants qui ont tous la possibilité d’être développés comme ils le méritent. Il n’y a pas de personnages secondaires dans le roman de King, parce qu’il comprend que le lecteur doit les connaître intimement pour s’intéresser à leur sort. Résultat, Ça pourrait tenir sur ses jambes même en évacuant les éléments surnaturels.
Ce qui m’amène à Pennywise, l’arbre qui cache la forêt. Bien des gens feront sans doute la même erreur que moi et s’arrêteront à considérer Ça comme une histoire de clown tueur un peu ringarde. Les éditeurs sont sans doute à blâmer, ainsi que les responsables du marketing des studios de cinéma. En vérité, le clown Pennywise n’est qu’une manifestation de Ça, une entité éternelle aux visages multiples qui apparaît sous la forme la plus terrifiante pour la personne qui se trouve devant lui. Certains verront un loup-garou, alors que d’autres verront leur belle-mère. Dans tous les cas, c’est un personnage plus complexe qu’on ne pourrait le croire en s’arrêtant aux différentes images promotionnelles.
À mon sens, tout le côté surnaturel, les apparitions de Pennywise et les passages de mythologie sont globalement les moments les moins intéressants du roman. On sent que l’auteur lui-même semble s’essouffler pour la confrontation finale, somme toute banale et décevante et qui ne rend surtout pas justice à toute la tension des quelques 1 000 pages précédentes. King commet vers la fin du récit certains dérapages malheureux qui empêchent Ça d’être un roman d’horreur immaculé, mais c’est tout de même une grande leçon d’écriture et de construction de personnages de la part d’un auteur qui est parfois injustement snobé malgré son grand talent.
Lisez notre critique de la nouvelle adaptation cinématographique, présentement à l’affiche.
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.