Certaines personnes sont nées pour faire du cinéma et vont y arriver coûte que coûte, en projetant un beau gros doigt d’honneur aux institutions de financement qui leur disent non. C’est le cas d’Alice Maio Mackay, réalisatrice de Carnage for Christmas, dont c’est le cinquième long métrage à seulement 19 ans. Si la chose est impressionnante, encore faut-il que le film en question soit un minimum qualitatif.
Femme trans et baladodiffuseuse de true crime, Lola retourne dans sa ville natale pour la première fois depuis sa transition. Si elle s'attendait à des conversations malaisantes avec famille et connaissances, le tueur en série déguisé en Père Noël qui débarque aussi en ville est plus surprenant. Lola devra donc mener l'enquête et découvrir l'identité du meurtrier avant que celui-ci ne massacre toute la communauté.
Contrairement à ce que son titre indique, Carnage for Christmas n’est pas un sanglant slasher enveloppé de guirlandes du temps des fêtes, même s’il en reprend certains codes. En réalité, le film de Mackay est plutôt un whodunnit queer étonnamment bien ficelé.
On y aborde, bien entendu, la transphobie et les nombreux préjugés envers les personnes trans. Comme les meurtres commencent après l’arrivée de Lola, elle est presque immédiatement suspectée, et il suffit d’écouter le dédain dans la voix des personnages lorsqu’ils utilisent des pronoms féminins envers elle pour comprendre que ces suspicions ne reposent sur aucune preuve. Le tout est soutenu par de très solides performances de la part de la distribution, en particulier Jeremy Moineau dans le rôle de Lola, qui est immédiatement attachante et dont le charisme transparaît à l’écran.
Nous allons maintenant abattre l’éléphant dans la pièce : le microbudget du film rend plusieurs scènes réellement problématiques. Que ce soit au niveau de l’éclairage, dont l’artificialité est très apparente d’une scène à l’autre, sur ou sous-exposant les sujets, ou encore la prise de son parfois médiocre, qui rend la compréhension de plusieurs dialogues compliquée. Si le maquillage est plutôt réussi, on ne peut pas en dire autant des effets visuels qui manquent de crédibilité, en particulier les projections de sang numérique, qui donnent l’impression qu’on a simplement fait apparaître un fichier JPEG d’éclaboussure rouge au moment des impacts.
C’est là que la créativité de l’équipe entre en jeu. Presque chaque moment qui pourrait être ruiné par le manque d’argent est sauvé par des effets de montage bien pensés et un découpage frénétique qui procurent un sentiment d’urgence et de malaise. Mais c’est vraiment l’utilisation des couleurs qui donne à Carnage for Christmas son panache visuel, du moins lors des scènes intérieures. Sans être criardes, les couleurs du temps des fêtes sont omniprésentes et rappellent souvent le giallo des années 60, genre qui semble avoir inspiré la majorité du métrage.
Tout le récit culmine en un climax vraiment jouissif, autant dans le dénouement intelligent et très comique du mystère que dans sa mise en scène très bien exécutée. Il est d’ailleurs fantastique de voir un film de genre produit entièrement par une équipe de personnes queer. Son inclusion à Fantasia donne espoir que la visibilité de cette communauté au cinéma ne fera que s’agrandir au fil du temps, et on peut à la fois remercier et féliciter Alice Maio Mackay d’en être une talentueuse représentante.
Au final, malgré les problèmes de budget qui lui nuisent, Carnage for Christmas est un petit film rempli de charme et de fun, qui est tout autant une critique de la transphobie qu’une célébration de la vie des principaux intéressé·e·s. Après tout, n’est-ce pas ça, l’esprit de Noël?
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