On l’a écrit des dizaines de fois : l’offre horrifique de Netflix est épouvantable — littéralement. Que la plateforme se soit procuré It’s What’s Inside (Jeu intérieur), premier long métrage du cinéaste Greg Jardin, qui paraît ce vendredi dans son catalogue, pour 17 millions de dollars US n’impressionne plus personne, surtout pas après l’infect The Deliverance à 65 millions d’août dernier. Mais force est d’admettre que quelqu’un quelque part chez le streamer a enfin pris une bonne décision.
Le couple de Shelby (Brittany O'Grady, In Our Blood, Black Christmas 2019) bat de l'aile. Après huit ans, son copain (James Morosini, American Horror Story) est plus intéressé par ses sites cochons qu'à bâtir une véritable relation. Un week-end entre amis pourrait toutefois changer la donne. Les deux se rendent à des retrouvailles avant un mariage et expérimentent lors de la soirée un jeu étrange qui transformera leurs perspectives — littéralement.
Sorte de croisement entre Talk to Me et Bodies Bodies Bodies pour son aspect ludique, mais avec une twist originale, It’s What’s Inside impressionne pour un premier film. Il faut dire que Greg Jardin cumule déjà plus d’une dizaine de productions à son actif, incluant une poignée de vidéoclips; expériences qui auront assurément servi ici.
En effet, It’s What’s Inside est aussi looké et rythmé que le dernier clip de Charli XCX et vous empêchera de consulter votre Messenger pendant exactement 103 minutes. Sans trop en dévoiler, le jeu en question forcera ces Gen Z à expérimenter le point de vue de leur voisin dans une mécanique qui deviendra éventuellement plutôt complexe, mais il s’agit ici d’un point positif. Même si des polaroïds nous aident éventuellement, la gymnastique d’identification constante des personnages devient excessivement stimulante et le montage effréné de l’ensemble ne laisse aucun répit. En simple : prenez un texto et vous êtes mort.
La réalisation s’inspire des anaglyphes, ces images composées de couleurs complémentaires superposées présentant deux sujets différents qui se révèlent selon le filtre de couleur disposé devant nos yeux (l’exemple bien connu à Montréal). L’idée d’utiliser l’effet comme traitement visuel est pour ainsi dire géniale. En plus de nous aider à remettre les morceaux du casse-tête en place, le style génère une explosion de couleurs devant nos yeux — cette demeure funky dans laquelle nous sommes et qui appartenait à une artiste contemporaine en ajoute une couche. Avec les splits screens et autres effets de miroirs utilisés, le manège devient éventuellement visuellement très chargé, mais nos yeux surstimulés par le scrolling de réseaux sociaux sont certainement capables d’en prendre pour le court laps de temps.
L’exercice d’It’s What’s Inside requiert toutefois des personnages munis de personnalités très typées pour permettre leur identification rapide (la bonne fille, la grano, le rappeur, le geek, etc.), en plus d’un angle exclusivement « cis-hétéro ». Les sexes ne se mêlent effectivement à peu près pas et aucune perspective homosexuelle n’est envisagée, ce qui aurait pu être plutôt intéressant. Mais ces éléments, qui pourraient être attribués à un manque de profondeur ou à des occasions ratées, demeurent en quelque sorte essentiels pour adoucir la complexité de la chose, qui désire rester de l’ordre du pur divertissement.
Néanmoins, certaines idées en lien avec l’identité et l’engagement véhiculées à travers It’s What’s Inside intéressent, même si la relation entre Shelby et son copain Cyrus aurait gagné à être mieux définie. Au final, les possibilités s’avèrent infinies si on considère celles d’identités sexuelles ou d’expressions de genres mentionnées plus tôt ou encore l’aspect racial rapidement esquissé au scénario. Bref, Greg Jardin tient certainement entre les mains un concept qui pourrait être décliné de plusieurs façons.
Non, pas une goutte de sang n’est versée dans It’s What’s Inside, mais le nouveau jeu Netflix est suffisamment disjoncté et amusant pour obtenir une place de choix dans votre marathon d’octobre.
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.