Le moins qu’on puisse dire, c’est que cette refonte de Salem’s Lot nous ait fait languir. Annoncé en avril 2019, le film doit être écrit par Gary Dauberman (Annabelle Comes Home), qui a aussi scénarisé la série Swamp Thing et surtout les deux volets de la refonte d’It, mais aussi les trois Annabelle et The Nun pour James Wan (les franchises Saw et The Conjuring), qui doit produire le film.
Le tournage du long métrage se déroule finalement au Massachusetts en pleine crise de COVID à l’automne 2021, suivi de reshoots au printemps suivant. Cette co-production d’Atomic Monster (la compagnie de Wan) et de plusieurs autres (Warner Bros. Pictures, New Line Cinema, etc.) doit sortir normalement en septembre 2022.
Mais ça, c’était avant d’être reporté en avril 2023, puis tabletté lorsque WB décida plutôt de sortir Evil Dead Rise à sa place. Six mois plus tard, on chuchote que le film doit atterrir sur la plateforme Max d’HBO, distribué ici sur Crave. Or, c’était avant qu’on doive encore attendre presque un an (soit jusqu’en août 2024) pour obtenir une date de sortie (le 3 octobre). Vous comprenez maintenant pourquoi on n’était pas si pressé·e·s de publier cette critique (dont le titre vous divulgâche un peu notre chute, alias sa note).
Cependant, on se disait que l’interminable attente semblait avoir valu la chandelle, rassuré à la vue de ses premières images figurant dans l’alléchant et bien vendeur trailer de cette énième adaptation de ‘Salem’s Lot. Les plus anciens se souviennent que cette influente et jadis rafraichissante histoire de vampire, écrite par Stephen King (le roman est paru en 1975), avait d’abord été mise en image par le regretté Tobe Hooper (sous forme de minisérie). Pour celles et ceux n’étant pas familiers avec la prémisse :
C’est l’histoire de Ben Mears, un romancier originaire du village de Jerusalem’s Lot, qui décide de revenir dans son patelin en quête d’inspiration, ayant toujours été intrigué par la mystérieuse maison des Marsten. Inoccupée depuis de nombreuses années, l’impénétrable immeuble vient d’ailleurs d’être acheté par un étranger et son associé, qui sont aussi derrière la nouvelle boutique d'antiques du village, Barlow & Straker, qui doit ouvrir sous peu. C’est alors que des enfants se mettent à disparaître, semant l’émoi et l’effroi dans cette petite communauté tissée serrée. Afin de trouver et combattre la menace, Ben unit ses forces à celles de sa nouvelle flamme Susan, du jeune Mark Petrie (un immense fana d’horreur nouvellement déménagé), de Docteure Cody et de Matt Burke, professeur à l’école secondaire.
Une belle distribution…
Au générique, on reconnait quelques visages, alors que de prime abord l’ensemble semble bien choisi et plutôt crédible. On retrouve dans le rôle de Ben un certain Lewis Pullman (fils de Bill, vu dans Top Gun : Maverick et The Strangers : Prey at Night) et Susan est jouée par Makenzie Leigh (la série Gotham), accompagnés de Bill « Matt » Camp (Birdman, Joker, Boston Strangler) et du bon William « Shérif Gillepsie » Sadler (la franchise Bill & Ted, The Mist, Demon Knight).
De plus, on note qu’on a féminisé le personnage du Docteur Cody, interprétée ici par Afre Woodard (Scrooged, Annabelle, True Blood). Pour jouer Mark, on a choisi Jordan Preston Carter (DMZ, Shaft 2019), alors que Pilou Asbaek (Game of Thrones) joue un rajeuni et moustachu Straker et qu’Alexander Ward (Annabelle Comes Home, Studio 666) est Barlow sous une tonne de maquillage.
On salue l’effort de diversifier et d’actualiser la distribution qui, dans la version des années 1970, était plus blanche que du lait pasteurisé, alors que les femmes étaient reléguées à ne jouer que des rôles de potiches. Bien que ce ne soit hélas pas suffisant pour sauver le film du naufrage. Ce qui est d’autant plus dommage, le film commençant plutôt bien, en jouant correctement la carte du fan-service. Comme le récit suit globalement la trame de la série originale (qui omettait plusieurs segments du roman, bien évidemment), on ne jouera pas trop ici au jeu des comparaisons, car ce n’est pas tant là où le bât blesse.
D’emblée, on nous offre un magnifique générique où on reconnait les noms de lieux et de personnages qui sur termine par le logo original et bien vintage du roman de King, confirmant que le film de déroule en 1975. On débute notre visite de ‘Salem’s Lot à l’intérieur de la boutique d’antiques Barlow & Straker, où ce dernier somme un barbu d’aller chercher une large caisse, qu’on devine abritant son maître (en bon Renfield comme dans Dracula!). À son arrivée dans le joli petit bled champêtre qui l’a vu naître, Ben croise le sympathique Shérif, alors qu’on aperçoit dans un garage une magnifique Plymouth Fury d’une autre époque et aussi écarlate que la Christine de King. Lorsque les enfants se promènent dans les bois, on pense évidemment à d’autres classiques de l’auteur, soit Stand by Me et It (mais aussi à Stranger Things).
Pour titiller le public cible, lorsqu’on visite la chambre à coucher, on peut voir des affiches de séries B, comme Trog et Sugar Hill (avec la plantureuse icône black Pam Grier), sur les murs de la chambre de Mark, avant que Ben et Susan n’aillent flirter au cinéparc. Au niveau du folk rock d’époque de la soundtrack nostalgique, on tente de se la jouer Tarantino, jusqu’au jingle de la featured presentation. Et la maison des Marsten (celle d’Hooper a été reproduite à l’identique) est suffisamment lugubre, surtout éclairée à la chandelle.
…gaspillée
Si les premiers meurtres sont plutôt timides (car hors champ, comme dans la première version télé, par ailleurs), les suivants brassent un peu plus, rappelant le temps où Freddy fracassait de l’adolescent sur les murs de leur chambre à coucher. Sauf qu’ici, les rôles sont inversés : c’est la foi de Dieu qui repousse les croquemitaines aux dents pointues et yeux brillants. Ces derniers sont d’abord inquiétants, avec leurs râles en forme de cillement, hypnotisant les vivants. Ici, les crucifix deviennent étrangement éblouissants lorsqu’à proximité des suceurs de sang. La prestance de ces derniers rappelle par moment celles de ceux du premier Blade (avec les mêmes veines bleutées, mais moins le fun), de From Dusk Till Dawn (aussi cons, mais moins marrants) et de 30 Days of Night (aussi voraces, mais salement moins terrifiants). Et en beaucoup moins réussi aussi, hein.
Malgré quelques meurtres plus ou moins efficaces et sanglants (et une superbe cinématographie du Métal Maniaque BJ « Studio 666 » McDonnell), on ne peut que décrocher en s’enfonçant de plus en plus dans la médiocrité. C’est que les dialogues finissent par tomber à plat, désincarnés. Ratage qu’on attribue principalement à un scénario peu inspiré et surtout à une direction d’acteur bancale, alors qu’Afre, Makenzie et les gars semblent tous livrés à eux-mêmes et complètement perdus, comme si plus personne n’y croit, nous aussi.
Et ce n’est pas faute d’avoir essayé, à renfort d’une puissante partition orchestrale, magnifiée d’une inquiétante chorale, le tout hélas barbouillé d’effets sonores tonitruants, forçant la peur sans jamais y parvenir réellement. Jusqu’à une jolie finale, qui ne réussit qu’à n’embraser qu’un feu de paille arrivé en retard… comme ce vilain canard de film, bâtard.
Aussitôt vu, aussitôt oublié
So, est-ce que ça valait la peine de déterrer encore Barlow? Hell no. ‘Faut arrêter ça, OK là? Laissez-le donc ce pauvre mort-vivant enfin reposer en paix. Pour vrai, ça aurait peut-être pris une bonne dose d’humour pour rendre ce retour à ‘Salem’s Lot plus agréable et, surtout, mémorable. Car au final, Salem’s Lot n’est qu’un long métrage peu efficace, bien que ponctué de fort belles images… dépourvues d’âme. Eh oui, une autre des innombrables adaptations du King qu’on doit classer sous oubliable et franchement inutile.
Or, le pire, c’est véritablement de nous avoir fait patienter aussi longtemps pour enfin voir un film désavoué par ses financiers et qui n’arrive qu’à décevoir. Bref, on va clairement devoir se (re)taper le roman et la série d’antan, afin de conserver en récente mémoire un meilleur souvenir de cette pourtant puissante histoire.
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