Level 16 est le premier scénario que Danishka Esterhazy a écrit depuis sa sortie du Centre canadien du film… en 2007! Il aura fallu toutes ces années pour que la cinéaste canadienne voit enfin son idée se concrétiser. Elle savait qu’il y avait un public pour son film — elle est elle-même fan de cinéma de genre — mais il aura fallu beaucoup de temps pour que les producteurs partagent sa vision.
«Je voulais faire un film qui se penche sur la façon dont nous élevons les jeunes femmes, la façon dont la société restreint et diminue les jeunes femmes avec des attentes inégales en matière de comportement et d’apparence. La pression pour plaire — plutôt que pour réussir — prive les femmes de tout leur potentiel», nous a-t-elle expliqué en entrevue.
«Quand j’étais adolescente, je plaisantais en disant que l’école secondaire essayait de me tuer. Pour Level 16, je me suis inspirée de ce sentiment pour créer un monde dystopique dans lequel les filles ont vraiment besoin de se battre pour survivre».
Chaque détail compte
Avant de faire carrière dans le milieu du cinéma, Danishka Esterhazy a étudié en histoire. Toutes ces années d’études enrichissent visiblement le travail de la cinéaste. Cette influence se ressent dès le scénario.
«Quand j’ai eu mon diplôme en histoire, je pensais que je ne l’utiliserais jamais! Mais, cette formation a réellement influencé toute mon écriture. J’écris toujours une histoire approfondie pour mes personnages avec des chronologies, des lieux spécifiques et un contexte culturel. Je fais mes recherches. J’explore les sources primaires».
«Pour Level 16, j’ai lu des dizaines de manuels d’étiquette de la période victorienne jusqu’au milieu du siècle. Ces manuels pour femmes ont inspiré les vertus féminines de l’Académie Vestalis», précise-t-elle.
Cette attention aux détails se reflète aussi dans la réalisation et la cinématographie de Level 16. On ressent l’isolement et la claustrophobie tout au long du film. Comme le scénario se déroule entièrement dans l’Académie Vestalis, il fallait relever un important défi tant au niveau de la cinématographie que de la production:
«Nous avons créé une palette de couleurs très spécifique et limitée, qui évolue tout au long du film. Les couleurs de chaque niveau, de chaque pièce changent pour refléter l’esprit d’éveil de Vivien. À mesure que les filles apprennent davantage, les couleurs deviennent plus saturées et plus variées».
«Et nous avons utilisé des lentilles anamorphiques pour souligner les lignes, l’état des lieux et la claustrophobie. J’ai également utilisé le vide et un cadrage dans le quadrant inférieur pour souligner l’isolement émotionnel de Vivien. Alors que Vivien et Sophia commencent à se connecter, j’ai introduit un cadrage plus conventionnel et suis passée d’une vue sans perspective à une ligne des yeux plus naturelle, pour montrer la croissance de leur amitié».
Faire preuve de résilience
La cinéaste a dû faire preuve de «résilience» pour réaliser son film et ne jamais baisser les bras devant les nombreux refus des bailleurs de fonds et des distributeurs:
«Il y a dix ans, personne ne voulait financer une histoire dystopique axée sur des femmes. Aujourd’hui, l’industrie du film est en train de changer», a-t-elle souligné.
Danishka a tout de même dû insister pour que son personnage principal ne soit pas au centre d’une histoire d’amour ou de désir sexuel:
«Des producteurs et des bailleurs de fonds estimaient que le seul moyen de financer une histoire sur les jeunes femmes serait de mettre l’accent sur leur attrait sexuel», a déploré la cinéaste.
«Mais je voulais raconter une histoire sur l’expérience intellectuelle et émotionnelle d’être une fille de 16 ans. Une histoire inspirée par ma propre expérience d’être une fille de 16 ans. Je ne m’intéressais pas au regard masculin».
Les mouvements comme #TimesUp et #MeToo ont certainement contribué à ce qu’un réel changement se fasse d’après Danishka, même s’il reste encore du chemin à faire:
«Ces deux mouvements ont certainement eu un impact sur l’industrie. L’industrie cinématographique a été si peu accueillante pour les femmes cinéastes. À tous les niveaux et de toutes les manières. Le manque d’emplois, le manque de financement, le manque de distribution, le manque de respect critique. Ce n’est pas un terrain de jeu égal et les barrières sont toujours redoutables», critique la réalisatrice.
«Mais parler de cette inégalité est la première étape. Il est temps de défoncer le patriarcat du monde du cinéma. Et il est temps pour eux de financer les femmes réalisatrices au même niveau que les hommes. J’ai hâte de voir cela arriver!»
Une histoire d’amitié avant tout
Level 16 est donc un film qui aborde l’éducation, mais aussi le patriarcat et les inégalités. Pour la réalisatrice, c’est avant tout une belle histoire d’amitié.
«Au cœur de l’histoire se trouve l’amitié entre Vivien et Sophia. J’espère que les gens seront émus par leur histoire. J’espère que le public les encouragera. J’espère que le public se souviendra d’elles».
Level 16 arrive en vidéo sur demande le 2 avril prochain.
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