Brillamment adapté au cinéma, Misery, roman classique de Stephen King, a eu droit à son adaptation théâtrale en 2015. Originalement conçue par William Goldberg sur Broadway, la pièce mettait en vedette Bruce Willis (Glass) et Laurie Metcalf (Scream 2). Lorsque la nouvelle fut annoncée qu’elle serait montée ici et, en plus, avec une traduction québécoise, les amateurs d’horreur et de l’écrivain ne pouvaient qu’être excités.
Paul Sheldon (Robert Toupin, Martyrs, District 31), célèbre auteur de romans à l’eau de rose dont le personnage principal se nomme Misery, se réveille dans une chambre, couché dans un lit, les jambes estropiées. Il fait la connaissance d’Annie Wilkes (Andrée Pelletier, L’homme à tout faire, Matusalem) qui s’autoproclame sa plus grande admiratrice et lui explique qu’il a eu un accident sur la route lors de la tempête de neige. C’est elle qui l’a extirpé de ce malheureux pétrin, et, comme les routes sont impraticables et qu’elle est infirmière de métier, elle le confine à sa demeure afin qu’il reprenne des forces. Quelques jours plus tard, elle met la main sur le tout dernier roman de Paul fraîchement sorti en magasin. Choquée, elle apprend la mort de son héroïne préférée et devient folle de rage. Elle l’oblige alors à écrire une nouvelle histoire et il fera tout pour survivre à sa fan numéro un.
C’est un projet audacieux de présenter cette histoire classique de Stephen King dans le cadre d’un théâtre d’été. Dès le départ, on se trouve plongé dans cette chambre mythique où le célèbre huis clos angoissant prendra place. La pièce repose entièrement sur la prestation des acteurs pour reconstituer cette descente aux enfers. Dans cette adaptation pour la scène, très collée au film de Rob Reiner, les acteurs et l’ensemble de la pièce souffrent de la comparaison au long-métrage.
Andrée Pelletier a la lourde tâche de nous faire oublier Kathy Bates (American Horror Story), récipiendaire d’un Oscar pour son interprétation. Malgré quelques fourvoiements dans ses répliques, elle tire tout de même son épingle du jeu en créant des moments de tension extrêmement efficaces. En jouant dans une toute petite salle, le spectateur peut voir de près la folie s’installer dans ses yeux tout au long du récit. Elle brille particulièrement dans la scène où Annie raconte ses nombreuses visites au cinéma lorsqu’elle était enfant. Robert Toupin nous offre un Paul Sheldon tout à fait crédible et solide et la chimie passe définitivement bien entre les deux acteurs. On ne peut pas en dire autant pour Michel Fradette qui tient le rôle du policier. Moins à l’aise dans son rôle, il donne l’impression d’être peu expérimenté et sa présence nous fait tout simplement décrocher.
Par ailleurs, pour la première fois à la mise en scène, Jean-François Pichette (L’Heure Bleue, Being at Home with Claude) fait quelques bévues qui font sourciller. Les moments très intenses du récit sont appuyés par la lumière d’un stroboscope, donnant un aspect plus comique à la pièce. Par contre, on comprend la difficulté de bien reproduire certaines scènes clés, comme celle de la massue. Est-ce que suggérer la chose au lieu de la reproduire aurait été plus efficace? Probablement, car à proximité de la scène, on voit bien que les coups ne sont pas donnés directement sur les mollets (avec raison). De plus, l’entracte ruine l’ambiance angoissante de la première partie en brisant le rythme.
Soulignons que la traduction québécoise, approuvée par le maître de l’horreur lui-même, a été réalisée par les deux comédiens avec la participation de Louise Pelletier. Cette version inédite du texte fonctionne à merveille et donne un ton naturel à l’interprétation des acteurs. On se surprend à sourire lorsqu’Annie surnomme Paul «mon minou».
Misery de Jean-François Pichette est loin de l’oeuvre classique que l’on connaît au grand écran, mais reste tout de même divertissante. Finalement, on s’en voudrait de ne pas saluer le courage de présenter une pièce de théâtre basée sur une histoire d’horreur, car on souhaite ardemment que cela donne envie à d’autres metteurs en scène québécois de s’adonner à l’épouvante.
La pièce est présentée du 27 juin au 10 août à la salle Alec Gérard Pelletier à Sutton. Pour plus d’informations, visitez le site de la salle: salleagpelletier.com
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