On présentait la semaine dernière les premières images de The Curse of Aurore Gagnon (La Malédiction d’Aurore Gagnon, en version sous-titrée française); un nouveau found footage pour le moins surprenant que plusieurs remettaient en question sur nos réseaux sociaux.
En effet, le cinéaste américain Mehran Torgoley et la co-scénariste Llana Barron – cette dernière tenant également la vedette – s’inspirent pour leur film d’horreur de l’histoire québécoise bien connue de la petite Aurore Gagnon, «l’enfant martyre» victime de maltraitance de la part de sa belle-mère à Fortierville au début des années 1900 et dont on soulignait le centième anniversaire de décès cette année. The Curse of Aurore Gagnon prend l’affiche exclusivement dans les cinémas Guzzo de Montréal ce vendredi 24 juillet.
Opportunisme effronté ou marketing trompeur? On a rencontré les deux cinéastes question d’en savoir d’avantage:
Horreur Québec: Comment avez-vous découvert l’histoire d’Aurore Gagnon?
Llana Barron: Ma famille vient du Québec. Ma mère est québécoise et sa grand-mère venait de Sainte-Sophie-de-Lévrad, qui se trouve juste à côté de Fortierville. J’ai grandi au Massachusetts. Ma mère a quitté le Québec lorsqu’elle s’est mariée dans sa vingtaine, mais ses frères et soeurs sont tous encore au Québec. On voyageait donc souvent pour venir voir la famille. Ma mère possède toujours le chalet familial de Sainte-Sophie et chaque année, la famille s’y réunit.
Ça fait maintenant 10 ans que j’écris des scénario avec Mehran et l’horreur est mon genre préféré. J’adore les sujets sombres et j’ai toujours voulu tourner quelque chose à propos de cette région du Québec. C’est tellement magnifique! Les fermes sont très belles, mais aussi un peu effrayantes à l’hiver. C’est très cinématographique. J’ai donc commencé à faire des recherches sur l’histoire de Sainte-Sophie et je suis tombée sur l’histoire d’Aurore de la ville voisine. Une fois que j’ai lu tout ce que je pouvais trouver sur le sujet, que j’ai vu l’adaptation de 2005 et même lu la transcription du procès de Télesphore Gagnon et Marie-Anne Houde, j’ai trouvé tragique qu’ils aient simplement été relâchés après ce qu’ils lui ont fait. Cette histoire d’injustice en quelque sorte inachevée m’intéressait.
HQ: Et comment est-ce devenu un film d’horreur?
LB: Ça a été la partie difficile. Après avoir exploré plusieurs avenues, on s’est dit: «Pourquoi on n’écrirait pas un scénario à propos de nous en train de faire ce film?».
Mehran Torgoley: Oui, nous avons cette conversation l’an dernier. Llana était là-bas en visite et c’est devenu ce film à propos de ces gens qui explorent cette histoire et ce qui se produit lorsqu’on fouille là où on ne devrait pas.
LB: À partir de ce moment, et en incorporant des éléments de fiction, l’écriture a été plus facile. Le titre «La Malédiction d’Aurore Gagnon» laisse croire qu’elle est cause de cette malédiction, et je ne veux pas trop en révéler, mais avant de juger, si vous croyez que c’est ce dont il s’agit, allez voir le film. Croyez-moi, je sais personnellement qui est véritable le villain dans la véritable et tragique histoire.
HQ: En effet, lorsque nous avons posté la bande-annonce sur nos réseaux sociaux, beaucoup de commentaires désapprouvaient l’idée.
LB: Ma famille habite là et je ne veux surtout pas leur faire honte, ni aux habitants de la ville. Nous avons essayé d’être le plus respectueux possible. C’était très important pour moi.
MT: En effet, ça a été important pour nous dès le début de nos recherches de ne pas exploiter cette histoire. L’histoire d’Aurore est vraiment uniquement le point de départ du film, qui traite vraiment de ces cinéastes et de leur expérience sur le terrain.
HQ: Le tournage d’un film d’horreur impliquant l’histoire d’Aurore était donc bien perçu par la population?
LB: Nous sommes allés en septembre dernier pour faire du repérage et les gens étaient très heureux d’accepter de nous prêter leurs commerces ou leurs églises, en plus que nous aidions à faire rouler un peu plus qu’à l’habitude l’économie du village. Lorsque nous sommes arrivés à la fin du mois d’octobre pour le tournage, que nous avons commencé à en discuter davantage avec le voisinage et que nous leurs avons dit que nous cherchions des gens pour s’impliquer à la figuration ou autre, ils sont devenus vraiment enthousiastes et à la fin, tout le monde nous serrait dans leurs bras et nous disait qu’ils avaient eu une belle expérience! Comme nous avons fait la majorité du tournage à Sainte-Sophie, nous avons discuté avec Jean-Guy Beaudet, le maire de la municipalité. Il avait déjà fait de la figuration dans le passé et nous a demandé d’être dans le film. Nous avons tourné à la maison de son frère et, c’est un homme incroyable, il était très fébrile aussi.
Nous avons aussi des scènes sur la tombe d’Aurore et, évidemment, nous avons demandé l’autorisation à l’Église de Sainte-Philomène de Fortierville avant de filmer. Il existe une sorte de comité concernant les décisions impliquant les événements autour de l’histoire d’Aurore. Vous savez, sa tombe est constamment recouverte de jouets et fleurs et ils rangent le tout au sous-sol durant la saison froide pour les ressortir au printemps. C’est très touchant à voir. Nous leur avons expliqué notre projet et, non seulement ils nous ont donné la permission, mais, ont décidé de redécorer son monument spécialement pour notre tournage, comme nous étions en novembre.
HQ: De ton côté Mehran, es-tu aussi un fan d’horreur? Lorsqu’on regarde la bande-annonce du film, on pense tout de suite au Blair Witch Project, à cause de l’aspect found footage oui, mais aussi de ces cinéastes en train de fouiller une histoire locale.
MT: Oui, je le suis! J’ai grandi à Chicago et mon oncle avec un projecteur 16mm. Avant l’époque DVD et même VHS, il se procurait des pellicules et j’ai pu voir, beaucoup trop jeune, des films comme Night of the Living Dead, The Exorcist et House on Haunted Hill. J’adorais ça.
Blair Witch a définitivement été une inspiration pour ce film et nous l’avons fait dans ce style pour plusieurs raisons. D’ailleurs, je ne sais pas si je définirais The Curse of Aurore Gagnon comme un found footage. Ces aspects s’estompent au fil du film, il s’agit uniquement d’une fenêtre. Nous voulions faire quelque chose pour nous, avec une équipe réduite et comme je vous disais, j’ai écouté beaucoup de films d’horreur dans ma vie et ils ne m’effraient plus vraiment (sauf peut-être The Exorcist). Mais lorsque vous enlevez ce filtre cinématographique, vous obtenez une expérience un peu plus vraie et un peu plus effrayante. D’ailleurs 95% des scènes sont tournées par les acteurs eux-mêmes. En tant que spectateur, ça vous fait vraiment sentir comme si vous faisiez également partie de leur équipe.
LB: J’adore Blair Witch et Paranormal Activity et j’ai beaucoup écouté ces références en écrivant pour m’assurer, en premier lieu, que nous ne les copions pas. Il y a aussi cette introduction qu’on voit au début de la bande-annonce et il s’agit d’une véritable chaîne YouTube, Mind Seed TV de Caisey Nolan, et il a réalisé ce unboxing mystère avec tous les items de notre film! La vidéo a presque un million de vues. Certains se demandent toujours de quoi il s’agit et qui est Aurore. Son histoire est déployée à travers le monde.
HQ: Comment avez-vous été mis en contact avec l’équipe de Guzzo?
MT: Notre producteur Kevin Pardo les a contactés en leur disant qu’on avait un film qui pourrait être spécifique au marché québécois.
HQ: Le film est donc présenté en première mondiale au Québec en quelque sorte?
MT: Oui, il s’agit de la première mondiale! À cause de la situation avec la COVID-19 à travers le monde, le film ne peut prendre l’affiche ailleurs.
LB: Les cinéma ici [aux États-Unis] sont toujours fermés et nous ignorons quand ils rouvriront. Je pense que Vincent [Guzzo] a vu quelque chose dans la bande-annonce qui serait bon pour ses cinémas. Et comme nous soulignons les cent ans du décès d’Aurore cette année, je crois qu’il a voulu également synchroniser la sortie avec cet événement. Nous sommes chanceux en quelque sorte, car nous voulions la première au Québec puisqu’il s’agit d’une histoire québécoise. Oui, c’est fait par des Américains, mais au moins l’une d’entre eux provient d’une famille canadienne francophone. Notre famille et les habitants de ces villes, qui ont aussi participé au film, ont très hâte!
MT: Concernant la sortie américaine, nous discutons présentement avec les distributeurs, mais rien n’est encore décidé. Après la durée d’exploitation en salle, les Cinémas Guzzo distribueront toutefois le film en vidéo sur demande au Québec!
Encore une fois, je sais que les gens sont perplexes, mais je pense que leurs inquiétudes s’envoleront lorsqu’ils auront vu le film!
Le duo Mehran Torgoley et Llana Barron nous promettent qu’on reverra leur nom rattaché à d’autres productions horrifiques dans le futur alors qu’ils développent présentement de nouvelles idées en ce temps de COVID-19, en plus d’une comédie qu’ils ont terminé l’an dernier et qu’ils espèrent voir distribuée très prochainement.
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