On se souvient qu’à l’automne dernier, le cinéaste québécois Éric Falardeau avait mis en place une campagne ULULE pour récolter un budget nécessaire afin de compléter son court-métrage rempli d’effets spéciaux traditionnels.
Asmodeus raconte l’histoire d’un homme qui effectue un rituel, où il sera visité par trois entités féminines.
Entre son dérangeant premier long-métrage Thanatamorphose, le survol qu’il a dressé sur l’émission Blue Nuit, en collaboration avec Simon Laperrière et l’essai Le corps souillé: gore, pornographie et fluids corporels, on peut facilement affirmer qu’Asmodeus s’inscrit dans une continuité pour Éric Falardeau.
Le contrat du court-métrage est d’essayer de nous faire oublier sa durée en offrant une œuvre qui se complète elle-même. Il est impossible de visionner Asmodeus et d’obtenir le précuit habituel qu’on livre trop souvent. Il s’agit au contraire d’un exercice à décortiquer, pour notre bon plaisir, et le discours ne se ferme pas à la tombée du rideau.
Asmodeus, ou Asmodée, est un prince des ténèbres que l’on associe à la luxure, et dont la représentation peut faire écho au monde entrevu dans le film, de même que le sceau qu’on nous révélait déjà sur l’affiche. Ce personnage masculin tente donc de percevoir la jouissance physique, sans toutefois ne jamais l’obtenir, alors que ces dames semblent au contraire exploser de bonheur.
Ce court-métrage est pour le moins transgressif. Le simple fait que le cinéaste se mette lui-même en scène dans des scènes sexuellement explicites pourrait causer un malaise, mais ne laissez pas cette surprise gâcher le voyage. Il y a un réel travail technique derrière Asmodeus. On nous bombarde de références et de liens avec les arts et le cinéma.
Pourtant, cette infraction de nos habitudes s’effectue aussi dans la construction visuelle. Tourné dans un splendide noir et blanc en Super 8 par le directeur photo Luc Desjardins, l’emballage granuleux pourrait toutefois en déconcerter certains. Par ailleurs, le montage offre un collage d’images délicieusement désorientant, ou l’alternance de jouissance et de monstruosité font un drôle de mélange. L’équipe de AntonFX Studio donne naissance à des effets extrêmement efficaces, et la musique créée par le groupe de Falardeau, The SerVant, forme une sorte d’adéquation avec le reste.
Difficile de ne pas faire un rapprochement entre ce film et les premières tournées de manivelles du grand David Lynch, à l’époque où il faisait du short film. Cela dit, l’influence du cinéaste expérimental Stan Brakhage (Dog Star Man, Stellar) se ressent énormément, de même que celle de Kenneth Anger (Fireworks), dont plusieurs ne se rappellent uniquement que de son ouvrage Hollywood Babylon, dans lequel il racontait les commérages qu’il avait entendu sur des stars célèbres.
Asmodeus est pour adultes avertis, mais nous offre un voyage comme on en voit peu dans le paysage du cinéma québécois.
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