C’est ce vendredi 18 mars que X (lisez notre critique), l’un des films d’horreur les plus attendus de l’année, arrive en salle. Les fans l’attendaient de pied ferme parce pour deux raisons. Premièrement, la production marque le retour de Ti West (The House of the Devil, The Innkeerpers, V/H/S) au cinéma et, deuxièmement, elle est signée par la très respectée maison de production A24, qui enchaîne les oeuvres marquantes notamment au niveau du cinéma de genre depuis près de dix ans.
Horreur Québec a eu la chance de s’entretenir avec le cinéaste à propos de son nouveau slasher. La rencontre Zoom devait, au départ, uniquement se faire à l’audio, mais West nous a fait la surprise d’ouvrir sa caméra à la toute dernière minute! On vous l’offre donc en deux versions: vidéo en version originale anglaise, ou rédigée en version traduite française. Notez que certaines portions de l’entrevue ont été coupées pour éviter les divulgâcheurs. Vous retrouverez toutefois ces moments retranchés lors de notre prochain épisode d’Horreur Québec: le balado, en ligne la semaine prochaine, qui portera sur la filmographie complète de Ti West. On en profite pour souligner la générosité de Ti West lors de cette entrevue qui s’est avérée des plus conviviales.
Horreur Québec: Tu as travaillé sur d’excellentes séries dans les dernières années — Them était fantastique, en passant —, j’étais curieux de savoir si X était pour toi comme un retour aux sources de l’horreur depuis The Sacrament, il y a presque dix ans maintenant?
Ti West: Un peu. J’ai pris une pause des films d’horreur parce que j’en ai tellement fait d’affilée. Je ne voulais pas me répéter. Faire un film est un long processus et donc, refaire la même chose n’est pas particulièrement inspirant. Je crois que j’ai eu besoin de prendre du recul pour pouvoir trouver quelque chose de nouveau à faire. J’ai pensé à ce que j’aimais des films d’horreur au départ et à ce que je croyais qu’il manquait dans le genre présentement. Et finalement, j’ai une petite liste s’est formée dans ma tête concernant ce que je croyais qu’il manquait. Peut-être que je pouvais maintenant faire un film avec tout ça, qui vaudrait la peine d’être fait.
J’étais très heureux de faire des séries, j’avais du plaisir et j’ai rencontré des gens extraordinaires sur des projets formidables, mais j’avais maintenant cette idée pour un film d’horreur qui ne me lâchait pas. Je l’ai écrite et envoyée à A24 et je crois que s’ils avaient dit non, je n’aurais pas fait ce film. Je leur ai demandé si ça les intéressait, sachant que c’était peut-être un peu «champ gauche» pour eux et ils m’ont rappelé en disant qu’ils voulaient le faire. Je crois que c’était dans un coin de ma tête durant les dix dernières années, mais je n’y réfléchissais pas vraiment, parce que j’étais tellement occupé.
HQ: C’était seulement pour A24? Tu ne l’aurais pas fait autrement?
TW: Je ne crois pas! Je ne pense pas que personne d’autre aurait voulu le faire. C’est un type de film particulier et A24 est, je crois, le meilleur studio qui soit ainsi que le plus respectueux des cinéastes et de ce que ce film était. J’aime beaucoup les films d’horreur centrés sur l’aspect artistique. Je ne crois pas que personne aurait pu y croire de la façon dont A24 l’a fait.
HQ: La porno et l’horreur ont toujours été les moutons noirs du cinéma. Qu’est-ce qui t’a donné envie de les unir dans un film?
TW: Je suis d’accord, ils ont toujours eu cette étrange symbiose en tant qu’outsiders. Et c’était une grande partie de l’idée. Je voulais faire un film à propos de gens qui font un film, mais je ne voulais pas placer ce film dans le système hollywoodien. Ce n’était pas intéressant pour moi. Il fallait que ce soit un film indépendant, mais ça ne pouvait pas non plus être un film d’horreur, parce que ce n’était pas intéressant non plus. Et traditionnellement parlant, avec le slasher et ses codes de sexe, de violence et d’exploitation, ça devenait intéressant pour moi de prendre quelque chose d’historiquement sans prétention et d’essayer d’en faire quelque chose d’esthétique. Pour moi, la porno était le meilleur moyen d’y parvenir parce que c’est un moyen indépendant pour entrer dans le monde du cinéma, tout comme l’horreur.
Également, c’est ce genre d’expérience où, ce qui se retrouve à l’écran pendant le porno, qui peut paraître érotique, ne l’est pas du tout quand tu le conçois. C’est une bonne façon de montrer à un public combien la réalité de la réalisation de films ne correspond pas à ce qu’on voit à l’écran, de la même façon où on nous demande souvent si l’ambiance était effrayante en faisant un film d’horreur. Bien sûr que non. C’est la même chose ici. Est-ce que c’est sexy de faire un porno? Non. C’est la même chose. Je voulais que les gens aient en tête la conception de films en voyant X.
HQ: Tu es toujours très inspiré quand vient le temps de représenter différentes époques. Tu l’as magnifiquement fait dans House of the Devil et In a Valley of Violence. Je me demandais si tu te considérais comme un cinéphile nostalgique?
TW: Je le suis probablement. Mais je pense davantage que je ne suis pas intéressé par les films modernes. Les temps modernes sont tellement axés sur la technologie et je ne trouve pas les écrans particulièrement intéressants dans les films. En général, les téléphones, les téléviseurs et les ordinateurs ne sont pas cinématographiques pour moi. Et c’est très difficile de raconter des histoires angoissantes intéressantes quand tout le monde est connecté. Et je ne veux pas faire le coup du «je n’ai plus de connection!».
HQ: Haha, oui ça a été fait plusieurs fois déjà! Il est aussi plutôt difficile de parler de X sans parler de The Texas Chainsaw Massacre. Il y a tellement de références au film original. On assume que le film figure parmi tes préférés et qu’il a été une grande inspiration pour celui-ci?
TW: Dans un sens, oui. C’est un film brillant. C’est un chef-d’œuvre. Et je crois que c’est l’un des, sinon le meilleur slasher à avoir été fait. Toutefois, si tu fais un slasher qui se déroule au Texas, son aura surplombera. Si tu veux le faire dans un camp de vacances, l’aura de Friday the 13th surplombera ton film. Si tu veux le faire dans un hôtel, ce sera The Shining.
Mon sentiment était: je ne crois pas que X soit vraiment semblable à The Texas Chainsaw Massacre, mais c’est évident que les gens vont y penser, le film existant et étant si bon, alors aussi bien l’embrasser. Et aussi bien te faire croire que le film prendra cette direction, et il y a des éléments qui nous le rappellent, mais au final, ça devient autre chose. C’était pour moi le meilleur moyen de sortir de l’ombre du film [The Texas Chainsaw Massacre].
HQ: En effet, l’atmosphère y est, mais quand on arrive au traitement des vilains, c’est complètement différent. Tu as voulu les humaniser à la place de les garder dans le noir. Sans trop en dévoiler, c’est évident que tu voulais offrir quelque chose de neuf au slasher.
TW: Oui, c’était ce que j’espérais. Quand tu réalises un truc du genre, tu veux offrir quelque chose de neuf. Ce qui concerne les vilains n’est pas ce que tu crois qui va se produire. Il y a une humanité en eux, même s’il s’agit de vilains. Ce n’est pas quelque chose de surnaturel, ce sont des problématiques humaines qui engendrent l’horreur.
HQ: Le film présente aussi quelques-unes des scènes gore les plus horribles que tu n’aies jamais filmées — toutes en effets pratiques, en passant. La première scène m’a vraiment prise par surprise. Pourquoi voulais-tu y aller «aussi profondément»?
TW: Si tu fais un slasher, c’est ce que les gens viennent voir. Concernant cette première scène, le film te mène dans différentes directions et lorsqu’on arrive au moment où il revient à ses sources, je voulais livrer quelque chose d’impactant pour que le spectateur réalise que tout vient de basculer. J’avais vraiment besoin de porter un grand coup avec cette première scène de meurtre.
HQ: Ces scènes sanglantes vous ont causé des problèmes techniques?
TW: Oh, c’est tellement complexe! Quand tu fais des effets pratiques, c’est toujours comme ça: tu as besoin que le sang gicle ici et, si ça se produit, génial, sinon il faut tout que tu nettoies et recommences. Et il n’y a jamais assez de temps. Et, comme avec Jaws, on avait un alligator pratique, alors des fois ça fonctionne et d’autres fois non. Ça vaut toujours la peine à la fin, mais pendant que tu le fais, tu te retrouves debout dans l’eau avec un marionnettiste qui se demande pourquoi il a accepté ce job.
HQ: Avec X, tu as réussi à parler de porno de manière amusante, mais également de façon très respectueuse envers la profession et, éventuellement, les actrices qui allaient avoir à tourner ces scènes. À quel point c’était important dans ton processus d’écriture?
TW: Tu sais, c’est davantage à propos de la réalisation de films que de la porno, proprement dit. C’est effectivement ce qu’ils font, et évidemment, il fallait être très sensible et délicat à ce sujet; mais pour moi, c’était davantage à propos de combien ce qui se retrouve à l’écran est différent de quand tu le conçois. Je crois qu’on essayait toujours d’avoir du plaisir en faisant les scènes du porno, sans trop nous prendre au sérieux. On ne voulait pas que le film ait l’air sordide, sinistre ou nihiliste. Nous voulions que ce soit un film rythmé et amusant.
HQ: Je crois d’ailleurs que tu as trouvé le casting parfait pour ça. Tout le monde est excellent. Qu’as-tu vu en particulier chez Mia Goth qui t’a donné envie d’en faire ta «main girl»?
TW: J’ai suivi son travail, je crois qu’elle est excellente et nous nous sommes rencontrés via Zoom. Elle a vraiment compris le film et elle était vraiment enthousiaste par ce défi qui se présentait à elle en tant qu’actrice. J’ai tout de suite cru qu’elle voulait vraiment faire le film et j’ai tout de suite cru à cette confiance qu’elle avait en elle. Je pense que comme avec le personnage du film, j’ai été charmé par ça. Je croyais qu’elle pourrait le faire.
HQ: Comment te décrirais-tu en tant que fan d’horreur?
TW: Spécifiquement en tant que fan d’horreur? Je ne sais pas. J’adore le métier de cinéaste. Chaque fois que je vois quelque chose où je ne sais pas comment ils ont pu le réaliser, si quelque chose me surprend ou si je suis stupéfait qu’un groupe de personnes ait conçu un truc de leurs mains — que ce soit quand quelqu’un est tué dans un film, une scène où j’ignore comment il s’y sont pris ou une cascade —, je suis fasciné. Et je pense qu’il y a beaucoup d’opportunités pour tout ça dans les films d’horreur. Une partie de mon désir de réaliser des films d’horreur vient du fait qu’il s’agit d’un genre à la limite de l’expérimentation. Tu peux t’en tirer avec pratiquement n’importe quoi. Quand les gens sont audacieux et conçoivent des oeuvres uniques pour le cinéma, je suis exalté.
On apprenait plus tôt cette semaine qu’un antépisode de X intitulé Pearl avait été secrètement filmé et était déjà en post-production. On surveille les prochaines annonces avec impatience!
X prend l’affiche en salle en version originale anglaise et française le 18 mars prochain.
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