Quasi personne ne peut prétendre ne pas avoir été séduit, intrigué ou même dupé par une publicité quelconque: l’illusion du produit parfait nous offrant exactement ce que nous souhaitons. La bande-annonce fait bien partie de cette approche publicitaire.
Introduite en 1913 en tant que pièce promotionnelle pour un spectacle sur Broadway, la bande-annonce a pris une forme plus cinématographique en 1916 avec un montage de quelques scènes où défilait du texte, composé principalement du titre du film et nom des acteurs. Le National Screen Service (NSS) a ensuite pris le relais de 1920 à 1960 avec des bandes-annonces mieux ficelées, conçues pour attirer un large public. Apparurent alors la voix grave hors champ et le texte qui se glisse ou tourbillonne dans l’écran, fournissant juste assez d’information sur le film pour créer l’engouement.
En 1960, viennent alors des bandes-annonces plus audacieuses, dont certaines conçues pour des drames psychologiques, thrillers et films d’horreur. Alfred Hitchock se place devant la caméra pour nous présenter son Psycho, le designer graphique Pablo Ferro déconstruit Dr Strangelove en pièces de casse-tête et nous intrigue avec son bref exposé sombre du classique The Exorcist. Le bal est ouvert! Dans les années 60 à 90, les spectateurs tremblent devant les quelques scènes bien choisies pour la promotion de Rosemary’s Baby, The Last House on the Left, Jaws, The Texas Chainsaw Massacre, Halloween, The Shining, Nightmare on Elm Street et bien plus! La bande-annonce raffine alors sa tactique de vente et trouve de nouvelles astuces pour attirer notre attention, mais surtout pour assurer notre présence à la projection.
Voici quelques tactiques fréquemment utilisées pour nous enjôler:
Tout est bien qui finit mal
Jusqu’ici tout va bien! Plage ensoleillée, road trip entre amis, rencontre amoureuse, certaines bandes-annonces commencent très légèrement, prétextant la comédie romantique ou le drame sentimental. Red Eye et Fresh nous ont bien eus dans la première minute et offrent le plaisir de se faire surprendre avec un virage inattendu qui donne envie d’en savoir plus encore! Cette même dualité entre le tout beau et le très mal a aussi été utilisé pour des bandes-annonces qui donnaient toutefois leur langue au chat de par leur titre, comme avec Resident Evil: Retribution.
Regardez ce qu’ils ont vu!
Ingénieuse idée que de nous exposer à la réaction du public pour nous donner à nous aussi le goût de prendre place dans la salle. La bande-annonce pour le premier tome de la série Paranormal Activity nous plonge au cœur de l’action avec une vue sur le public. Cris, sursauts, visages terrifiés sont à l’honneur et donnent hâte à notre tour. Même expérience immersive pour The Gallows et Woman in Black pour lesquels ont également été créées des bandes-annonces où le public devient le promoteur du film.
*À ne pas confondre avec la nouvelle tendance des «vidéos de réaction» dans lesquels on regarde des gens écouter et réagir à du contenu sur YouTube ou autre plateforme.
Le rythme dans le sang
Faire monter l’angoisse peut se faire de différentes façons. Le silence peut s’avérer un puissant anxiogène comme dans la bande-annonce de l’original The Blair Witch Project (1999). Mais une rythmique qui monte en intensité aide à propulser notre effroi à grande vitesse. La bande-annonce pour The Texas Chainsaw Massacre (2003) réussit parfaitement son effet avec le son de l’appareil photo qui retentit à chaque 5 secondes. Même cadence réussie pour The Strangers avec son tourne-disque qui saute et It avec le cliquetis du projecteur de diapositives. Sans oublier l’insoutenable tic de bouche de la jeune fille pour Hereditary. Mention spéciale aussi à la bande-annonce adroitement rythmée de Caveat et celle du premier tome de la franchise Insidious.
Musicalement angoissant
Il y a aussi cette tendance apparue il y a quelques années: la reprise douce et amère d’une chanson connue. On se rappelle tous de la publicité faite pour le jeu Gears of War. Mise en scène violente sur un remix de Mad World (Tears For Fears). Une forme d’ironie qui crée un malaise, un son familier, pourtant si dérangeant. Le teaser pour la suite Blair Witch (sortie en 2016) utilise une variante angoissante de Every Breath You Take (The Police) et la bande-annonce de A Cure for Wellness tente de nous attirer avec sa version lugubre de I Wanna Be Sedated (The Ramones). Certains montages pigent aussi directement dans la trame sonore du film pour pimenter leur approche, comme pour The Strangers: Prey at Night qui fait ironiquement jouer le tube des années 80 I Think We’re Alone Now. Finalement, on ne peut garder sous silence la tactique des comptines chantées par des enfants qui font grimper en flèche notre inconfort, comme dans le teaser de Unhinged (2017).
Des producteurs de…
Une autre façon efficace de piquer notre curiosité ou encore de faire en sorte qu’on soit «vendus à l’avance» est de nous laisser savoir que le film a été produit ou encore réalisé par ceux qui nous ont déjà épatés dans le passé. Mais en plus de lister «la réalisation de» et «la production de», certaines bandes-annonces insèrent de brèves critiques qui moussent l’intérêt. «Un film terrifiant!» ou encore «Vous ne fermerez pas l’œil de la nuit!». La critique d’Horreur Québec a même été citée dans la bande-annonce du Piercing de Nicolas Pesce: «Remarkable»! Bien que la plupart émettront un «pfffff» bien senti, pas impossible qu’une bonne majorité morde à l’hameçon. Afin de pousser l’audace, un beau mélange des deux est utilisé pour The Green Inferno et Dashcam.
Tout cuit dans le bec!
Tandis que certains producteurs de bandes-annonces tentent de brouiller les pistes et trouver de fines ruses pour titiller notre curiosité, d’autres se montrent beaucoup moins subtils et décident de faire un montage des (quasi seuls!) moments palpitants du film. Les exemples sont très (trop!) nombreux: Insidious: The Last Key, The Purge, The Hole in the Ground, The Boy et l’interrrrrminable bande-annonce de The Black Phone. Et si vous voulez vous faire carrément gâcher certains dénouements savoureux du film, voyez la bande-annonce de Better Watch Out!
Mais bien que toutes les cartes soient mises sur table et que nous soyons assurément certains d’avoir déjà tout vu dans les quelque deux minutes présentées… la plupart d’entre nous tenteront leur chance tout de même, au cas où… peut-être, le film nous réserverait une surprise ou deux!
Et si toutes ces avenues ne vous plaisent aucunement, allez-y à l’aveugle! Tenez-vous loin des bandes-annonces et des critiques, dites un retentissant «Chhhhuut!» à ceux et celles qui l’ont vu avant vous, bouchez-vous les oreilles et fredonnez un air connu. Dans le cinéma d’horreur, c’est probablement le meilleur moyen de ne pas être déçu, d’éviter la désillusion et de se donner la chance de peut-être se surprendre à être agréablement déstabilisé.