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« Aliss » au théâtre : du trash amateur pour une œuvre culte

Après de premières représentations en mars 2024, l’adaptation théâtrale du roman Aliss de Patrick Senécal était de retour ce mois-ci à la salle Paul-Buissonneau à Montréal. Horreur Québec a assisté à la représentation du 12 novembre et a parlé avec deux artisanes de la production, la metteuse en scène Charleyne Bachraty et la comédienne incarnant la Reine rouge, Sophie Maltais.

Ce n’est pas la première fois qu’Aliss est adapté au théâtre. Ce fut déjà le cas autour de 2016, mais cette adaptation faite par des artistes françaises et français ne s’est jamais rendu en sol canadien.

Pourtant, la proposition attire indéniablement le public. Que ce soit en mars, ou pour les supplémentaires de novembre, les billets de l’adaptation concoctée par Charleyne Bachtary se sont écoulés très rapidement, au grand dam des adeptes de l’œuvre de Patrick Senécal, qui n’ont pas été assez rapides.

Une initiation à la littérature d’ici

Originaire de la France, la metteuse en scène Charleyne Bachraty s’est initiée à la littérature québécoise avec le roman Aliss de Patrick Senécal.

« Je suis arrivée en 2006 et Aliss, c’est pratiquement l’un des premiers romans que j’ai lus, relate-t-elle. Comme pour beaucoup de gens, ç’a été un choc, une révélation, et le début d’une grande histoire avec Patrick. »

Cherchant à monter une pièce, et étant friande d’originalité et de défis, elle a porté son dévolu sur ce roman.

« Pour être honnête, j’avais pensé au départ à quelque chose qui se rapprochait plus du Grand-Guignol, mais j’avais déjà joué dans ce genre de pièce et j’avais peur d’être influencée par le travail de notre metteur en scène de l’époque. »

Charleyne soutient que l’une des craintes de Patrick Senécal lorsqu’elle l’a approché pour avoir son autorisation, c’est que son roman soit édulcoré. Celles et ceux qui ont lu le livre, ou encore la bande dessinée illustrée par Jeik Dion, savent à quel point le récit est trash. Les scènes de sexe et de violence pullulent dans le roman, ce qui explique peut-être pourquoi il n’y a jamais eu d’adaptation au cinéma.

« Il a fallu démarrer en demandant aux interprètes jusqu’où ils étaient prêts à aller, quelles étaient leurs limites », mentionne la metteuse en scène.

Il faut dire que plusieurs comédiennes et comédiens de cette production amateur ne sont pas des professionnels. Charleyne souligne d’ailleurs que simuler un viol sur scène n’est pas agréable pour la comédienne qui incarne la victime ni pour l’agresseur. « Grâce à notre coordonnatrice d’intimité, on a pu enrober tout ça d’écoute et de bienveillance », dit-elle, ajoutant que les comédiennes et comédiens sont maintenant « confortables » à jouer ces scènes, « parce que ç’a été préparé et travaillé ».

« C’est une chorégraphie en fait. C’est quelque chose d’intime qu’ils ont construit entre eux et au final, on va beaucoup plus loin que ce que j’aurais pu imaginer. »

N’empêche, côté violence, la metteuse en scène a souhaité éviter les projections de sang grand-guignolesque.

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Des supplémentaires bonifiées

L’équipe a apporté quelques modifications à la version de mars dernier, raconte Charleyne Bachraty. « Il y a eu des améliorations, précise-t-elle. On a essayé de tout améliorer, que ce soit au niveau du jeu, de la lumière, des transitions. »

C’est une pièce qui est longue, admet la metteuse en scène, 2h40 avec entracte, pour être précis. « On s’est dit qu’on pouvait soulager les transitions entre les actes pour que ce soit plus agréable comme expérience pour le public ».

L’interprète d’Aliss, Audrey Ehret, a quasiment le même âge que le personnage, fait remarquer Charleyne, « donc c’est sûr qu’elle n’a pas une expérience théâtrale comme d’autres dans la troupe. »

« Porter un show à 20 ans de 3 heures – surtout un show comme ça – je ne pense pas que ça peut être donné à tout le monde, ajoute la metteuse en scène. Je l’ai vue évoluer depuis les tous débuts et c’est quand même assez impressionnant. »

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Et dans les bottes à talons aiguilles de la Reine rouge?

À l’instar d’Audrey Erhet, Sophie Maltais est à ses débuts. « Je travaille pour une firme d’ingénierie, donc je ne suis pas du tout dans le domaine des arts », admet l’interprète de la Reine rouge.

C’est une expérience de travail dans des maisons hantées qui a nourri le désir de Sophie de faire de la scène et qui l’a également amené à rencontrer une membre de la troupe derrière la première mouture d’Aliss. De fil en aiguille, elle s’est retrouvée à faire les auditions pour la pièce adaptée d’un roman qu’elle a adoré, dit-elle.

Son personnage a été interprété à deux reprises, d’abord par Mylène St-Sauveur dans le film 5150, rue des Ormes d’Éric Tessier et ensuite par Véronique Tremblay dans la web-série La Reine rouge. Est-ce que ces précédents l’ont influencée dans son interprétation de ce personnage phare de l’univers de Senécal?

« Je me souviens vaguement de 5150, rue des Ormes, mais je ne me suis pas permis de le réécouter, explique Sophie. Je ne voulais pas m’imposer une pression, parce que [Mylène St-Sauveur] est quand même une comédienne professionnelle qui a joué énormément au Québec. »

Elle souhaitait également que le personnage soit un peu plus à son image et également, respectueuse de la vision qu’en a la metteuse en scène, Charleyne Bachraty.

Notre critique :

Bien que cette production soit amateur, ce n’est pas une raison d’être complaisant pour autant. Soyons claires, une véritable adaptation du roman Aliss au théâtre (ou au cinéma) reste à faire. Si certaines et certains interprètes tirent leur épingle du jeu, dont ceux incarnant le duo de tueurs Bone et Chair, la qualité du jeu est inégale.

La mise en scène est également brouillonne et les scènes de sexe ou de violence ne convainquent pas. Patrick Senécal a pourtant affirmé lors d’une entrevue au 98,5 FM que les membres de la troupe « ont osé aller très loin » et qu’il n’est pas sûr « que beaucoup de professionnels oseraient faire ça ». Ayant vu une autre pièce quelques jours avant, Homicide, s’inspirant de l’affaire Luka Rocco Magnotta, on peut facilement affirmer que des comédiens professionnels peuvent aller aussi loin, sinon plus.

En revanche, Patrick Senécal souligne également, dans cette entrevue, que la troupe a monté la pièce Aliss « avec une espèce de candeur et d’audace assez incroyable ». Bien que la pièce aurait pu (et aurait dû) être plus courte et que le résultat n’est pas transcendant, il a raison sur ce point. Et même si ce ne fut pas le cas pour l’auteur de ces lignes, il faut admettre que cette candeur semblait contagieuse pour certaines personnes qui étaient dans l’assistance.

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