Pour ceux qui ne le sauraient pas encore (vous vivez sous une roche ou quoi?), une campagne de sociofinancement a récemment été lancée pour transformer Aliss de Patrick Senécal en roman graphique. C’est un partenariat entre Alire, le Studio Lounak, Senécal et l’illustrateur Jeik Dion qui rend ce projet possible.
Nous avons eu la chance de poser quelques questions à Jeik Dion au sujet du projet et de sa collaboration avec l’auteur. Voici ce qu’il avait à nous dire:
Horreur Québec: Ce n’est pas la première fois que tu collabores à une œuvre de Patrick Senécal, puisque tu signes la couverture de son dernier roman Il y aura des morts, en plus de celles de rééditions en grand format pour Oniria, et justement, Aliss. Comment cette collaboration est-elle née?
Jeik Dion: Il y a 5 ans environ, je suis allé à un visionnement du film Les 7 jours du talion et Patrick était invité à répondre à des questions. Je lui ai demandé s’il serait intéressé, un jour, à adapter un de ces romans en BD. On est entré en contact à ce moment-là. On s’est ensuite recroisé à maintes reprises durant les salons du livre. Puis, un jour, j’ai reçu un e-mail d’Alire (l’éditeur de Patrick) qui me proposait de faire sa nouvelle couverture de roman. J’ai alors rencontré Patrick pour discuter de ses idées et nous avons cliqué. On a ensuite remis sur la table l’idée d’adapter Aliss en roman graphique.
HQ: Tu avais déjà collaboré avec d’autres artistes pour créer des bandes dessinées d’univers déjà existants. On pense entre autres au film Turbo Kid et au groupe Jardin Mécanique, avec qui tu viens de publier la BD de leurs «origines». Quelle est la différence avec le projet de roman graphique d’Aliss?
JD: Chaque projet est différent. Mais ce qui est réellement important, c’est la connexion avec le matériel d’origine et les personnes qui l’ont créé. Les projets nommés dans ta question sont extrêmement différents, mais ils ont tous une chose en commun: ce sont des idées et des concepts qui résonnent avec ce que j’ai envie de faire. Et surtout, ce sont des gens avec qui j’ai envie de travailler.
HQ: Avant de travailler avec Patrick Senécal, avais-tu déjà lu son œuvre? Quel est ton roman préféré de l’auteur?
JD: Oui! J’en ai lu plusieurs et je les ai tous adorés. L’horreur fait partie de ma génétique depuis que je suis enfant. L’histoire d’Aliss m’a particulièrement fasciné à cause de son univers décalé et de ses personnages qui se promènent entre réalité et cauchemar.
HQ: Pourquoi aller vers le sociofinancement pour permettre au projet de voir le jour? Est-ce qu’il y a des avantages spécifiques?
JD: Nous vivons une réalité bien étrange au Québec, surtout dans le marché du livre. C’est très rare de pouvoir vivre que de la bande dessinée. Avec le sociofinancement du projet Jardin Mécanique, j’ai pu me consacrer uniquement à cette BD pendant 10 mois. Pour Aliss, on savait dès le départ que ce serait une BD de plus de 200 pages. J’aurai donc besoin de m’y mettre à temps plein pendant environ 2 ans. Après, ce n’est pas juste une question d’argent, mais aussi de voir si ça intéresse réellement les lecteurs. Si c’est le cas, on leur offre de participer au projet, non seulement en le finançant, mais de façon concrète. Par exemple, ils peuvent apparaître DANS la BD!
HQ: Comme le roman était déjà écrit, de quelle manière as-tu collaboré avec Patrick Senécal pour l’écriture du roman graphique?
JD: Patrick tenait absolument à écrire la BD lui-même. Il a l’expérience avec les scénarios de films. Ça tombe bien, car c’est l’une des manières dont j’aime le plus travailler! Ce seront donc ses dialogues et je ferai le découpage par la suite. Évidemment, pour le reste, on en discute ensemble: l’ambiance, le rythme, les designs, etc. J’ai hâte!
HQ: Quels sont les principaux défis en lien avec la réalisation d’un tel projet?
JD: Pour moi, d’un niveau technique, ce sera l’équilibre entre le réalisme et l’abstrait. Aliss, c’est ultra onirique, il y a toujours quelque chose d’un peu flou. Je vais beaucoup m’inspirer des auteurs de BD comme Bill Sienkiewicz, Dave McKean et Alberto Breccia. Si je peux atteindre une zone similaire, j’aurai réussi.
HQ: Est-ce que les éditions Alire t’ont donné des contraintes spécifiques ou avez-vous au contraire obtenu carte blanche?
JD: Carte blanche. C’est assez incroyable travailler avec eux, ils me font confiance et nous avons une vision identique du projet.
HQ: Quelles sont les principales différences entre la réalisation d’un roman graphique et d’une bande dessinée pour un illustrateur?
JD: Roman graphique et BD, c’est la même chose. Le terme «Graphic Novel» a été créé par Will Eisner dans les années 60 pour se démarquer du monde du «comic book» qui était grandement associé au super-héros. L’expression roman graphique a ensuite été employée pour décrire de la BD plus mature. Ceci étant dit, c’est la même maudite affaire. C’est juste pour que les gens ne pensent pas qu’on va faire un Astérix ou un numéro de Spider-Man de 22 pages. Comme disait Neil Gaiman; un roman graphique pour la BD, c’est l’équivalent d’une prostituée qui se fait appeler «une dame de la nuit».
HQ: On sait que le personnage de la Reine rouge est central dans Aliss. Comme il provient de 5150, rue des Ormes, est-ce qu’il y aura éventuellement une adaptation en roman graphique de ce roman?
JD: On verra dans 2 ans. Si les fans suivent, c’est certain qu’on va faire d’autres projets BD!
HQ: Qu’est-ce que tu dirais aux lecteurs pour les convaincre de participer au financement du projet du roman graphique Aliss?
JD : Hm. Nous devons changer l’idée que nous avons du sociofinancement. Le but n’est pas de «convaincre» les gens, mais bien de leur offrir un produit. On ne demande pas de charité. On offre une BD en précommande! Et ce sont ces préventes qui vont nous permettre de réaliser le projet. Je pense que Senécal touche beaucoup de gens avec son œuvre. Je crois aussi que je peux vous offrir une nouvelle expérience visuelle digne de son univers. Voulez-vous voir?
Il reste encore deux semaines pour participer à la campagne de financement, donc vous avez encore le temps de réserver votre exemplaire!
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