Grand gagnant de la section Un certain regard lors du dernier Festival de Cannes, le deuxième long-métrage du cinéaste Ali Abbasi (Shelley) fait jaser et depuis, il récolte les hommages partout où il passe. Soumis pour représenter la Suède pour Meilleur film étranger aux prochains Oscars (on saura s’il sera officiellement en nomination en janvier), Border (Gräns) arrive à Montréal pour un temps limité en exclusivité au Cinéma du Parc.
Tina n’est pas comme les autres. Ça se voit. Les gens la dévisage même lorsqu’ils la croisent. Mais la femme possède également des aptitudes extraordinaires. Comme un animal, son odorat est excessivement développé; une condition qui lui sert énormément dans le cadre de son travail de douanière. Un jour, elle croise un homme qui lui ressemble étrangement et qui viendra bouleverser toute son existence.
Adapté d’une courte histoire de John Ajvide Lindqvist (Let the Right One In; l’homme co-signe également le scénario), le scénario métisse les genres en passant du drame, à la romance, jusqu’au thriller, mais intéressera particulièrement les fans de cinéma fantastique nordique avec ses dénouements riches en mythes et légendes.
Engouffrés sous une couche de prothèses et maquillage on ne peut plus convaincants, le duo Eva Melander et Eero Milonoff, méconnaissables, jouent davantage avec leurs yeux et les non-dits pour réussir à livrer des performances déroutantes. Si certaines de leurs mimiques semblent toutefois parfois trop appuyés (les réactions olfactives de Eva et les regards ténébreux de Eero, surtout), les acteurs se donnent littéralement corps et âmes dans des scènes extrêmement déroutantes, dont une de copulation en pleine nature, impossible à oublier.
Certaines tranches du scénario, qui ose aller dans plusieurs directions, auraient aussi pu gagner en subtilité. On pense à l’enquête policière de pédophilie à laquelle Tina participe, qui essaie trop de venir toucher nos cordes sensibles. Mais le résultat, qui aurait pu rapidement sombrer dans le ridicule si mené par une main malhabile, a le culot de rendre toutes ces combinaisons passionnantes, et les dilemmes moraux auxquels notre personnage principal est alors confronté en ressortent finalement décuplés.
Et c’est ce qu’on retient de Border au final: un film audacieux qui aborde des thèmes pourtant familiers au cinéma comme l’image, la différence et l’identité (quelqu’un y a vu un parallèle avec les super-héros?), mais de manière affreusement unique. Espérons qu’un jour le cinéma de genre québécois aura lui aussi l’intelligence d’aller puiser dans son propre folklore pour construire des fables modernes originales et aussi riches.
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