Quels motifs poussent un cinéaste à choisir tel ou tel médium pour raconter son histoire? Dans certains cas, ce sont des considérations esthétiques, comme le Mad God de Phil Tippett qui a choisi la stop motion pour offrir un univers cauchemardesque qui fourmille de détails tangibles. Dans le cas d’Abruptio, délire filmique avec des marionnettes inquiétantes réalisé par Evan Marlowe, la raison va du côté du propos.
Après s'être réveillé avec une bombe cousue à l'intérieur de sa nuque, Les Hackel (James Marsters, Buffy contre les vampires) se voit dans l'obligation d'obéir à des ordres qui le poussent à commettre des crimes et des actes de plus en plus violents...
On l’aura compris, le personnage d’Abruptio se retrouve littéralement à être le pantin au service d’un marionnettiste, et ce n’est qu’un seul des différents niveaux de la mise en abyme que cherche à créer Marlowe. Le scénario emprunte à Lynch sa manière de jouer avec les codes du cauchemar, et à Carpenter sa manière de jouer avec la paranoïa. Sur le plan de l’écriture, là où on pouvait s’attendre à un genre de thriller, on a plutôt droit à une suite de revirements qui renouvellent sans cesse l’intérêt du spectateur jusqu’à un plan final absolument parfait. Avec une photographie plus soignée, on aurait certainement droit ici à un film au potentiel culte.
En effet, c’est là où le bât blesse. Même si la mise en scène comporte son lot de plans métaphoriques qui pourraient être intéressants, le tout est filmé de manière tristement fade. On a, par moment, l’impression de regarder une vidéo YouTube tant la lumière, le cadre et l’étalonnage sont peu travaillés. On comprend que le peu de budget du métrage a dû passer dans les marionnettes et le cachet des gros noms qui font des apparitions vocales (Sid Haig, Robert Englund et Jordan Peele, entre autres), mais le phénomène en vient à un point qui nuit au potentiel attractif du film. Dommage, car le design des marionnettes a quelque chose de dérangeant qui fonctionne vraiment bien.
Bref, Abruptio n’est pas à mettre entre toutes les mains. Outre les points déjà soulevés plus tôt, on peut également remarquer une certaine misogynie dans le traitement des personnages féminins. Cela dit, ces considérations tendront à disparaître à la fin du métrage. En effet, la twist du film vient excuser ces points faibles. Il faut également passer par-dessus une esthétique assez ratée, mais ça en vaut clairement la peine pour peu qu’on sait dans quoi on s’embarque.
Abruptio était présenté en première mondiale au Festival du film de Santa Monica en janvier dernier, et amorce sa tournée des festivals.
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