Si vous avez entendu parler de Blink Twice (Souriez, tout va bien), qui prenait l’affiche entre The Crow et Strange Darling le week-end dernier, c’est probablement pour le traumavertissement que Warner Bros. a émis sur le Web à sa sortie, une mise en garde qu’on retrouve également au début du film et qui prévient le public concernant ses thèmes pour adultes et ses représentations de violence sexuelle.
Si l’avis était plutôt rare au cinéma jusqu’ici, il risque de devenir maintenant plus courant. Rappelons qu’It Ends With Us, un drame traitant de rupture et de violence conjugale, commercialisé comme une simple histoire d’amour, essuyait de sévères critiques dans la presse pas plus tard que la semaine dernière pour avoir omis d’aviser son public de ses réelles intentions.
En ce qui concerne ce premier film de l’actrice Zoë Kravitz (The Batman, X-Men : First Class), l’avis s’avère justifié, mais pas graphiquement insurmontable (à chacun ses sensibilités tout de même) — lire : il ne s’agit pas du nouveau Irréversible de Gaspar Noé. La cinéaste traite bien de sujets très sensibles, mais réussit à atteindre la cible sans avoir à trop en montrer.
Frida (Naomi Ackie, Star Wars : Episode IX - The Rise of Skywalker) vit un véritable rêve. Du jour au lendemain, elle se retrouve catapultée sur l'île privée de Slater King (Channing Tatum, 21 Jump Street), un magnat des technologies qu'elle admire particulièrement, mais qui vient tout juste de renoncer à son poste de PDG à titre d'excuses suite à de « mauvais comportements ». Sur place, les soirées autour de la piscine se succèdent et le champagne coule à flots, mais même si tout semble parfait et que la conduite de Slater est irréprochable, quelque chose ne tourne pas rond.
Blink Twice risque de vibrer davantage auprès des adeptes de thrillers psychologiques au rythme plus lent. Passé les introductions où le duo excessivement attachant composé de Frida et de sa meilleure amie Jess (Alia Shawkat, Arrested Development) nous est présenté, leur séjour sur la fameuse île enchantée est décortiqué peut-être un peu trop en profondeur.
En effet, le scénario de Kravitz, co-écrit en compagnie d’E.T. Feigenbaum, passe beaucoup de temps à documenter les journées du petit groupe qui s’est joint à la fête. La production tournée au Mexique nous livre de magnifiques images de la région grâce à la réalisation bien maîtrisée de la cinéaste, et même si la distribution plus qu’appréciable qui gravite autour du trio principal amuse autant qu’elle paraît sous-utilisée, voire peu utile — on pense à Geena Davis, Christian Slater et Haley Joel Osment, entre autres —, la routine devient répétitive après un certain temps.
Quelques flashs rapides et d’autres signaux sonores inquiétants indiquent bien que des plans sinistres sont à l’horizon, mais il faudra attendre au dénouement pour comprendre toute l’ampleur du drame qui se joue. Heureusement, l’attente en vaut la peine puisque Blink Twice est doté d’un revirement plutôt surprenant, sans pour autant réinventer la roue dans le genre, et nous sert une finale hautement satisfaisante et colorée (en rouge, vous devinerez).
Mais outre les éclats de violence, ce sont les dialogues acerbes que les personnages nous servent en lien avec l’abus de pouvoir et la crédibilité des victimes qui piquent le plus. L’humour noir que Blink Twice déploie pendant ces 102 minutes aide à faire passer les sujets délicats traités au profit d’un divertissement — encore une fois pour un public averti. Si le duo Ackie-Shawkat fonctionne particulièrement, Channing Tatum compose de son côté un séducteur-vilain plutôt redoutable.
Non, les fans d’horreur qui ont connu le répertoire pré-Elm Street de Wes Craven ou les frasques d’un Straw Dogs ou d’un I Spit on Your Grave n’auront certainement pas besoin d’un préavis pour visionner Blink Twice, mais outre peut-être un peu d’effet de surprise, ces avertissements n’entachent en rien le périple qui se révèle comme une des bonnes surprises de l’année.
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