Ces machines que nous devenons, le nouveau roman de Joe Rivard qui nous avait donné Le berger des loups en 2018, est récemment paru aux éditions Les Six Brumes et fait partie de ces ouvrages de genre québécois dont nous découvrons souvent l’existence dans des salons du livre ou sur les étagères des libraires qui laissent une place spéciale à notre littérature plus en marge.
Thomas est un forgeron établi qui vit mal avec la concurrence des grandes usines qui naissent progressivement dans sa région et rendent les métiers comme le sien désuets. L’ère des machines a la cote et ces dernières offrent plus de vitesse et de rendement. Mais lorsqu’une terrible épidémie menace sa ville, le ferronnier décide de lutter contre ce fléau qu’il croit lié à l’industrialisation.
Ces machines que nous devenons est une uchronie fantastique, c’est-à-dire un récit fictif dont le point de départ historique peut être modifié pour le bien de l’histoire. On saisit vite que le propos est des plus actuels, mais cette trame se déroulant en 1899 illustre une grande part d’histoire et de tradition. Évidemment, les allégories littéraires tentant de dépeindre le déracinement de notre humanité par des machines pullulent dans les rayons des librairies. Néanmoins, le doigté littéraire et la qualité de l’écriture de l’autrice font ici la différence.
Il y a une touche très naturaliste dans ce roman, qui ne lésine aucunement à exprimer certaines misères humaines et ne cesse de questionner le corps social d’une société où les pauvres sont opprimés par les riches. Certains passages rappellent sans rougir des épisodes clés de l’œuvre de Zola, alors que les segments d’histoire que se réapproprie Joe Rivard ne sont pas sans rappeler certains élans de l’Américain Philip K. Dick.
Ces machines que nous devenons est un roman très sombre et nécessairement étouffant au niveau de son contenu. L’ensemble se parcourt sans escarmouches en partie à cause des descriptions fluides et pourtant complexes. L’art du détail et celle de la suggestion tissent habilement cet univers plus grand que nature qui rendra le fantastique encore plus palpable lorsqu’il surviendra.
Malgré son sujet un tantinet émoussé, Ces machines que nous devenons est assez percutant et vaut amplement son prix d’achat.
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