Après s’être attaqué à coup de demi-heures à The Crow et aux classiques que sont The Exorcist, Poltergeist, The Omen et The Twilight Zone: The Movie (voir la première saison sortie au tout début de la pandémie), Cursed Films II est de retour avec autre quintette de films dits cultes, auxquels on a dédié 50% plus de temps d’écran (oui, 45 minutes par épisode). Joie!
Diffusée sur Shudder, la série documentaire Cursed Films ne donne pas dans la complaisance. Oh que non. Elle préfère plutôt décrypter et démystifier les légendes, scandales, événements tragiques et autres soi-disant malédictions entourant des films devenus cultes… bien souvent à cause de ceux-ci, justement. Ce qui rend le tout fort intéressant, et ce, même pour quiconque adorant visionner commentaires et suppléments figurant sur les différents disques de sa collection.
Cette fois-ci, Jay Cheel (producteur exécutif, scénariste, monteur, réalisateur et créateur du concept — voyez notre entrevue avec l’homme) ratisse plus large en n’incluant pas que des films d’horreur: en plus du premier film de la sainte trilogie satanique, du film de zombie vaudou du papa de Freddy et d’un des plus choquants films jamais tournés, sont également au programme un film d’anticipation russe et un classique familial/musical à grand déploiement d’antan.
Vous avez probablement deviné qu’on parlait de The Wizard of Oz (1939), de Rosemary’s Baby (1968), de The Serpent and the Rainbow (1988), de Stalker (1979) et de Cannibal Hollocaust (1980); l’épisode consacré à ce dernier sera finalement disponible dès demain sur la plateforme.
The Wizard of Oz (1939) et Rosemary’s Baby (1968)
Réalisé par Victor Fleming (Gone with the Wind), ce film d’une autre époque est devenu un authentique classique (après un début boiteux au box-office). Or, toutes sortes de faits étranges ou autres fabulations entourent cette production, étonnamment, comme la présence d’une petite personne qui se serait pendue derrière le décor pendant le tournage et qu’on verrait lors d’une des scènes. Il y a également cette histoire de maquillage toxique et les conditions de travail discutables qu’ont dû subir plusieurs acteurs et actrices. Et c’est sans parler des «partys» dévergondés de la distribution de petite taille, qui ont, semble-t-il, inspiré le film Under the Rainbow (1980). Fascinant et tellement triste en même temps (plusieurs personnes impliquées dans ce film ne l’ont vraiment pas eu facile).
L’épisode suivant vaut le détour rien que pour l’histoire de l’actrice Victoria Vetri et celle du photographe Julian Wasser. Et tous ces liens plus ou moins sataniques… qui en auraient fait un film maudit! Oui, du genre qui cause des pépins de santé et même la mort de plusieurs personnes impliquées dans sa production. Comme, entre autres, son producteur William Castle (qui a dû subir une grosse chirurgie peu après le tournage), le compositeur Krzysztof Komeda (décédé quelques mois après la sortie du film) et la femme de Polanski, l’actrice Sharon Tate (The Fearless Vampire Killers), tuée en 1969 des mains de la famille Manson. Il est évidemment question du contexte hippie conjugué avec la culture de l’occulte typique à cette époque libertaire, des Beatles à Sammy Davis Jr. Captivant.
The Serpent and the Rainbow (1988)
Réalisée par Wes Craven (1939-2015), cette adaptation libre du livre de Wade Davis n’aurait pas dû être un film d’horreur. Cependant, comme Craven était d’ores et déjà reconnu comme un maître du genre, ses producteurs avaient évidemment certaines attentes. Surtout que c’était une histoire revenant aux sources du mort-vivant, du zombie originel, car haïtien. Celle du mort qui revient à la vie après avoir été prononcé décédé. Grâce à cette fameuse poudre, concoctée à base de tout plein de substances louches, dont le poison du poisson-lune. En allant tourner le film sur place à Haïti, là où le vaudou n’est pas légende mais bien ancré dans les mœurs, dans l’histoire. La même qui parle aussi des tontons macoutes et de Baby Duck. Car Cursed Films, c’est aussi une leçon d’histoire en quelque sorte, afin de tout remettre en contexte.
Jonathan «films de Wes» Craven (qui travaillait dans le département artistique sur le tournage) se souvient plutôt bien des événements insolites qui y sont survenus. Comme ses collègues qui ont eu des visions après avoir pu assister à une authentique cérémonie vaudou. L’acteur Bill Pullman (aussi en entrevue) et le scénariste Richard Maxwell ont été solidement remués par ce qu’ils ont vécu là-bas. Un mégachoc des cultures, quoi. Craven parle aussi des ossements (authentiques) achetés à des locaux, qui ont littéralement pillé des tombes pour fournir la production. Et il a aussi eu cette scène de possession où ils ont eu recours à plusieurs milliers de figurants et qui a mal tourné (tellement que le tournage a dû être relocalisé). Ouf.
Stalker (1979)
Pour discuter du film culte d’Andreï Tarkovski (Solaris), on peut notamment voir et entendre l’auteur et biographe du réalisateur Sean Martin, l’auteur Mitch Horowitz (vu dans la première saison) et nul autre que l’émérite directeur photo Roger Deakins, qui compare notre Denis Villeneuve national avec le cinéaste russe (rien de moins).
D’un dévastateur tremblement de terre à un site contaminé (qui a possiblement donné le cancer à plusieurs membres de l’équipe de tournage), en passant par des problèmes de pellicule (qui obligeât de retourner le film complet avec la moitié du budget) et de santé (une crise cardiaque pour le réalisateur), c’est un miracle si le film a pu exister. Surtout avec sa connexion surréelle avec la subséquente catastrophe nucléaire de Tchernobyl (et les stalkers clandestins et les guides touristiques officiels). Mention spéciale au guide Arvo Iho, également réalisateur, dont l’apport est aussi incroyable que passionné!
Cannibal Hollocaust (1980)
Finalement, on a gardé le plus intense pour le dessert, qui nous laisse un petit goût ferreux en bouche. On parle évidemment de l’infâme documenteur de l’iconoclaste réalisateur italien Ruggero Deodato. Ou «monsieur le cannibale», comme disent les Français, dixit le principal intéressé. Un film problématique, mentionne assez justement Eugenio Ercolani, auteur et historien du 7e art, qui se situe quelque part entre le film d’exploitation et le classique. Il faut savoir que si les cinéastes transalpins ont toujours adoré remâcher (lire: piller, violer, profaner, etc.) moult succès en tout genre du cinéma américain (mettant en vedette cowboys, brigands, requins, morts-vivants, etc.), le film de cannibales est une création italienne. D’ailleurs, grosso modo, l’arrêt de mort du sous-genre a justement été signé par le film de Deodato.
D’emblée, on y va en mode frontal, sans jamais tourner autour du pot. L’intro est entrecoupée de segments brutaux en cuisine/boucherie mettant en vedette des animaux. Car tout le monde sait que le film doit sa notoriété à — ayant été banni un peu partout à cause — d’authentiques et irregardables mises à mort filmées d’un trio de bêtes. Ces dernières auraient été ensuite mangées par la tribu et l’équipe de tournage, selon le principal argumentaire de Deodato, afin de pousser ses acteurs à exécuter cette cruelle besogne. Heureusement, on n’a pas daigné nécessaire d’inclure des images de ces horribles scènes, dont la simple évocation suffit à provoquer le dégoût.
Il est évident que ces douloureuses dernières ont contribué à crédibiliser la supercherie orchestrée par le réalisateur, qui était de faire croire au monde entier que le film était un documentaire. Soit un vrai de vrai snuff, comme les films dits «mondo» (qui suivirent la parution de l’influent Mondo Cane, paru en 1962), la série Faces of Death (1978-1999) et surtout The Blair Witch Project… sorti deux décennies plus tard (voir l’étonnante entrevue avec son coréalisateur Eduardo Sánchez).
En compagnie d’acteurs et de membres de l’équipe technique ayant accepté de revenir sur le traumatisant film, on parle entre autres du contexte sociopolitique italien qui l’inspira, de son tournage en Colombie (et des montagnes de Cocaïne), de sa «star» (l’acteur porno Robert Kerman, 1947-2018), des atroces scènes de viol, du comportement impétueux et abusif du réalisateur et du fameux procès qui lui tomba dessus (et qui n’était pas pour ce que vous croyez).
Au final, c’est un regard foutrement lucide sur un film impardonnable, qui laissa autant ses spectateurs que ses acteurs (surtout) marqués à jamais.
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