HAZE

[Fantasia 2024] « Haze » : l’horreur queer repensée autrement

Quatre ans après un premier drame queer intimiste qui s’est fait remarquer dans le circuit des festivals (Cicada, disponible chez Tubi si on a piqué votre curiosité), le cinéaste Matthew Fifer plonge du côté de l’horreur avec son deuxième long métrage. Haze, écrit en pleine pandémie et tourné dans le patelin d’enfance de Fifer, à même la maison où il a grandi, s’avère tout aussi introspectif et explore maintenant des anxiétés liées à l’homophobie et à la solitude. Le film a été acquis par Shudder, qui compte le faire paraître à l’automne sur sa plateforme.

Joseph prend un contrat pour rédiger un papier sur la sordide histoire où huit hommes se sont enlevés la vie des années plus tôt dans sa ville natale. De retour sur les lieux, l'homme gai « renoue » avec son voisin de l'époque et tombe sur un mystérieux inconnu avec qui il développe une relation intime. Mais alors qu'il entame son enquête sur la tragédie, des gens commencent à disparaître dans la communauté.

Haze, c’est le nom de la petite ville où on se trouve, mais ici, on fait surtout référence au code Hays, un ensemble de lignes directrices de l’industrie du cinéma américain établi dans les années 30 qui dictait ce qui était « convenable » de montrer au cinéma. Si le code touchait une multitude de sujets, on comprend que la sexualité dépeinte à l’écran en était un majeur, et particulièrement tout ce qui touchait aux enjeux queers définis à l’époque comme « perversions sexuelles » et ainsi représentés de manière exagérée et négative dans les productions — les références à Psycho et The Silence of the Lambs ne sont pas choisies au hasard.

Notre protagoniste Joseph devient donc l’incarnation parfaite de ce qu’il ne faut ou ne fallait pas montrer. L’homme aime se maquiller, danser le ballet et exprime sa sexualité au grand jour, même si la honte est souvent perceptible dans ses gestes. Haze compte donc déconstruire ce malaise en se réappropriant les codes queers du film d’horreur au sein d’une enquête qui, lorsqu’elle abordera les méthodes de thérapie par aversion et les jugements de toute une communauté envers les personnes marginalisées, deviendra on ne peut plus personnelle.

Si Haze s’adresse d’abord aux gens sensibles à ces sujets, il parlera surtout aux personnes qui préfèrent l’horreur à petite échelle et à combustion lente. Une poignée de personnages sont abordés dans le métrage, qui compte surtout mettre en relief la solitude de Joseph (et ainsi celle des personnes queers) et la menace, la plupart du temps représentée par des ambiances, n’est jamais clairement identifiée.

Ces éléments moins tangibles prennent des proportions encore plus abstraites lors du dernier tiers, où l’état d’esprit de Joseph sera mis à rude épreuve. Le montage confus — un choix volontaire — déstabilise grandement et il devient facile de s’y perdre. Si certains éléments du scénario deviennent un peu prévisibles, Haze ne dévoile pas toutes ses cartes et conserve, au final, une part de mystère plutôt appréciable qui donnera éventuellement envie de le revisiter.

La performance sensible de Cole Doman est à mentionner. L’acteur fait preuve d’une grande vulnérabilité à la fois physique et psychologique dans le rôle principal. Et même si certains moyens limités peuvent se ressentir au sein de la production, Haze réussit à détourner le sujet usé d’un retour au bercail vers une proposition unique et très personnelle, tant au niveau de la forme que du fond.

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Pour les fans...
de films d'horreur queers
de « slow burners » intimes
3.5
Note Horreur Québec
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