Après sa première mondiale à SXSW en mars dernier, c’est maintenant notre tour d’enfin voir Jour de chasse, le premier long métrage de la cinéaste québécoise Annick Blanc dont on entend parler depuis quelques mois déjà. Le film semble répondre à la question : qu’est-ce qui se produit lorsqu’une femme se retrouve au beau milieu d’un trip de chasse de gars? La réponse, qui entrelace humour noir et thriller horrifique et psychologie, n’est peut-être pas celle à laquelle vous vous attendez.
Nina (Nahéma Ricci, Antigone), stripteaseuse, revient d'un contrat en région et abandonne ses collègues au beau milieu d'un chemin de campagne après une dispute. De fil en aiguille, la jeune femme est mêlée à un groupe d'hommes (Bruno Marcil, Frédéric Millaire Zouv, Marc Beaupré, Alexandre Landry et Maxime Genois) en plein week-end de chasse. L'intrusion au sein de cette meute débutera sous le signe de la fête, mais prendra une tournure sinistre après un incident.
Rarement on aura pu voir des débuts aussi éclatants au cinéma. Esthétiquement, Jour de chasse rivalise avec les meilleures productions de nos voisins du Sud avec son champ lexical — autant visuel que narratif — inspiré de la faune et de la flore de nos forêts québécoises, en mode automnal de surcroît. Annick Blanc privilégie les plans rapprochés et les mises en scène très travaillées pour des résultats on ne peut plus plaisants pour l’œil. Ces qualités plastiques s’avèrent encore plus appréciables lorsque le film emprunte des sentiers plus oniriques lors de certains moments révélant l’anxiété de son personnage principal.
Parce qu’effectivement, la ligne entre la camaraderie et le danger devient rapidement trouble dans Jour de chasse. La présence de cette femme parmi les loups déstabilise grandement l’atmosphère, déjà teintée par une quantité appréciable d’alcool et de drogue. Cette instabilité donnera lieu à de multiples rebondissements — peut-être même trop? — au scénario, qui exploite judicieusement les sujets en lien avec la fraternité, mais un peu moins bien ceux en périphérie, notamment une scène de « sorcellerie » qui pourrait faire sourciller.
La chimie au sein de la distribution est pourtant palpable. Ce quintuple bourré de testostérone, mais étonnamment sensible, fonctionne et semble opérer depuis toujours. Nahéma Ricci demeure néanmoins la reine de la jungle avec son interprétation nuancée d’une femme qui ne s’en laisse pas imposer. Jour de chasse ne s’intéresse pas au passé de ses personnages pour le moins colorés, mais parvient à leur procurer une véritable personnalité en seulement 79 minutes : un tour de force.
Jour de chasse s’ajoute au petit lot de films de genre fort appréciables que le cinéma québécois nous offre depuis quelques mois — Les chambres rouges, Vampire humaniste, Bungalow, Falcon Lake —, une liste qui, on l’espère, continuera à s’épaissir dans les années à venir. En ce qui concerne Annick Blanc, la cinéaste est certainement promise à un avenir reluisant.
Cette critique était publiée dans le cadre de l’édition 2024 du festival Fantasia.
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