La file d’attente était longue pour la représentation de KIZUMONOGATARI -Koyomi Vamp- la semaine dernière au festival Fantasia. Antépisode de la trilogie de films Kizumonogatari (Tekketsu, Nekketsu et Reiketsu), le film raconte l’histoire à l’origine des personnages d’Araragi et de la jeune vampire au nom interminable : Kiss-Shot Acerola-Orion Heart-Under-Blade.
Araragi, un jeune homme solitaire, découvre une piste ensanglantée au sol alors qu’il rentre chez lui un soir. Cette piste le mène au corps démembré d’une femme, allongée au milieu du quai d’une gare. Au bord de la mort, elle le supplie de la sauver; tout ce dont elle a besoin, c’est son sang. TOUT son sang. Le destin d’Araragi bascule, ainsi commence sa quête pour retrouver sa vie d’avant.
D’une durée de presque 2 h 30, KIZUMONOGATARI -Koyomi Vamp- se veut « trois films en un », comme l’a précisé le réalisateur, Tatsuya Oishi, lors d’une courte séance d’introduction avant la projection; l’objectif était d’éviter de diviser l’histoire en trois parties ou en une longue série télévisée pour que les fans n’aient pas à attendre entre chaque volet. Le résultat final est une réussite : tous les aspects de l’histoire sont suffisamment développés, sans rien précipiter, tout en laissant l’intrigue respirer au moyen de périodes de dialogue et de contemplation entre deux scènes d’action.
Il est d’abord essentiel de souligner l’éblouissant travail accompli sur l’esthétisme global et la qualité visuelle de l’anime. Les personnages évoluent dans un décor industriel désert; dans la station de métro, dans les rues où circulent les voitures, sur les rails de train, près des usines, il n’y a ni foule, ni quidam, ni témoin. Un autre aspect unique est le style des illustrations, qui est en constant changement : Araragi, parfois illustré dans un style contemporain, se balade ici et là au milieu d’un décor photoréaliste. Quelques minutes à peine plus tard, voilà que les personnages ainsi que le décor semblent illustrés à la main, à la manière des animes des années 2000. Au milieu d’une scène comique, la texture devient grossière, avec une coloration comme dans les journaux, formée d’une accumulation de petits points rapprochés. On observe la même technique au niveau des effets sonores et de la bande-son : les scènes plus sérieuses sont agrémentées d’une musique romantique de violoncelle et de piano avant d’être brusquement interrompues par des effets sonores caricaturaux et une musique enfantine, créant soudainement une impression comique. Cet amalgame risqué est géré d’une main de maître et le résultat final, hommage évident à l’évolution du manga et de l’anime, prouve l’érudition et le talent exceptionnel d’Oishi.
La trame narrative, bien que linéaire, ne s’attarde pas sur les détails, mais les nombreux sauts dans le temps ne nuisent pas à la compréhension du déroulement de l’histoire grâce à la simplicité relative de celle-ci. La quête du héros et le rôle de ses adjuvants sont classiques. Loin d’être un défaut, cette caractéristique est ce qui permet une grande liberté artistique, qui rappelle la Nouvelle Vague française. Des éléments autoréférentiels sont insérés tout au long du film, comme les intertitres qui ponctuent chaque scène du film et des animations de bobines qui se terminent. Quelques références à l’œuvre de Junji Ito (Uzumaki, Tomie) peuvent également être décelées. Auprès des références à l’histoire des animes cités plus haut, le film célèbre l’art qui a permis son aboutissement.
Il semble cependant que cette critique serait incomplète si elle n’abordait pas les quelques courtes scènes qui érotisent le corps d’une enfant. Plus d’un s’est senti inconfortable dans la salle alors que des parties du corps d’une vampire, à l’apparence d’une enfant de plus ou moins dix ans, sont dénudées d’une manière qui laisse un peu perplexe. L’objectif de ces scènes est obscur; s’il s’agit d’ironie, c’est raté. Ces scènes attirent également l’attention sur le caractère totalement accessoire du seul autre personnage féminin. Cette négligence est une occasion manquée pour un film aussi avant-gardiste.
KIZUMONOGATARI -Koyomi Vamp- n’est donc pas un film parfait, malgré son impressionnante qualité artistique. Les scènes de bataille sont impressionnantes, les scènes dramatiques sont touchantes, et l’ensemble est une véritable délectation pour les yeux et les oreilles.
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