L’arrivée d’un nouveau Peter Strickland est toujours célébrée par les amateurs de cinéma divergent, plus expérimental et imprévisible. Avec Flux Gourmet, maintenant disponible sur demande, le réalisateur de Berberian Sound Studio et, plus récemment, In Fabric, concocte un univers culinaire on ne peut plus singulier, où flatulences et art se marient plutôt bien.
Un homme éprouvant des problèmes digestifs est engagé pour documenter les expérimentations et rituels culinaires d'un collectif d'artistes, récemment en résidence au sein d'une institution distinguée. Une femme intransigeante se trouve à la tête du groupe, qui éprouve de plus en plus de divergents artistiques.
Si Flux Gourmet obtient une critique sur nos pages, c’est principalement pour sa nature décalée, en plus de la notoriété de son réalisateur. En effet, le film s’inscrit davantage dans le spectre «inclassable» du genre qu’en tant que production horrifique. L’intention derrière ce nouvel ovni n’est pas tant de dégoûter, mais davantage de jouer avec notre perception et nos sens.
Le cinéma de John Waters vient pourtant à l’esprit lors du visionnement. Avec ces mises en scène gastriques et scatologiques, Strickland traite plutôt — et critique de manière assez caustique — du procédé artistique et de l’intention de l’artiste avec une généreuse dose d’humour noir. Le cinéaste parvient d’ailleurs à traiter de son sujet sans une once de juvénilité; un tour de force en soi. Entre les observations de ce dossierge, les performances visuelles et sonores (à l’image de Berberian) du trio d’artistes et les soupers chargés de l’équipe à la fin de la journée, Flux Gourmet s’attarde sur les différents des membres du groupe dans une enfilade de dialogues cinglants.
Pour ce cinquième long-métrage de fiction, Strickland s’entoure d’une distribution familière. Gwendoline Christie, vue dans In Fabric, est terriblement divertissante en doyenne d’institution maniérée, aux costumes opulents, tandis que Fatma Mohamed (In Fabric, Berberian Sound Studio) campe la cheffe Elle di Elle de façon impeccable: on aime la détester.
Flux, c’est évidemment pour le mouvement péristaltique de même que le flow créatif, mais Fluxus désignait également une communauté artistique néo-dada des années 60 et 70, qui rejetait la commercialisation et l’embourgeoisement de l’art à coup de performances musicales noise, entre autres. Flux Gourmet se lit donc comme une œuvre contre-culturelle à la Duchamp, qui remet en question la notion même de performance artistique et de sa consommation. Il s’agit également d’une autre délicieuse curiosité issue du répertoire de Strickland.
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