La salle comble samedi dernier pour le visionnement de Godzilla Minus One aurait pu suffire à elle seule à exprimer la reconnaissance des cinéphiles envers l’unique cinéma de la province à projeter le film. Étrangement, pour un long métrage commercial, on aurait pu entendre une mouche voler dans l’enceinte et les cellulaires semblaient avoir été confisqués à l’entrée. Il y avait un véritable respect pour le roi des monstres qui donnait l’impression de se retrouver dans un festival nous octroyant la perle rare cinématographique tant attendue.
Quelque temps après avoir failli à sa mission kamikaze sous prétexte d’un bris d’équipement, un jeune pilote décide de se racheter en traquant une créature amphibienne géante aux glaires nucléaires qui terrorise le Japon.
Inutile de rappeler que notre lézard géant préféré célébrera sous peu ses 70 ans et que cet anniversaire coïncide très bien avec la sortie de Godzilla Minus One, de la série Monarch : Legacy of Monsters et du prochain Godzilla x Kong : The New Empire. La tactique commerciale est évidente.
Le scénario de Takashi Yamazaki, qui réalise aussi le film, est excessivement simpliste et ne se gêne aucunement pour remettre au goût du jour de vieux griefs de la communauté japonaise. Le récit ne lésine pas non plus sur certains clichés et invraisemblances, comme les abus de consommations modernes, la bêtise de la science et ce sempiternel sacrifice de soi. On pourrait même dire à la farce que Godzilla Minus One forme une sorte de complément plus léger au récent Oppenheimer de Christopher Nolan.
Pourtant, c’est aussi à travers ses allégories faciles et ses lieux communs que Yamazaki nous livre une véritable étude du phénomène culturel qu’est devenu Godzilla. Même si son histoire n’est subtile à aucun niveau, elle rend hommage aux codes obligatoires de la franchise adorée des fans, mais souligne aussi ce qui manquait parfois à ces longs métrages. En utilisant des idées connues, on revendique l’appartenance du film à la saga et on enseigne presque aux novices les connotations qui en découlent depuis 69 ans.
Le résultat en devient donc d’autant plus universel que les populations étrangères sont forcément moins à l’affut de cette culpabilité ressentie par les japonais face à la Seconde Guerre mondiale et cette paranoïa du nucléaire qui en a découlé. Le personnage de Shikishima se sent coupable de ne pas avoir tout donné pour empêcher les massacres futurs que va engendrer Godzilla et représente une métaphore du peuple qui, dans un film consacré davantage aux survivants qu’au monstre, trouve une fascinante résonance.
La réalisation est en parfaite adéquation avec son propos. La caméra de Yamazaki insiste habilement sur cette après-guerre que Godzilla va empêcher. La cinéaste capte merveilleusement ses sublimes décors et impose une direction d’interprètes assez surprenante pour un film de cette série. Le cinéaste est très conscient que son histoire propose de mettre les civils en avant-plan alors que la majorité du public s’attend à d’énièmes conflits entre les bureaucrates du gouvernement.
Par ailleurs, l’homme fait des miracles dans l’art de magnifier sa créature lors de ses assauts qui multiplient habilement les emprunts tout en affichant une spécificité propre. Chaque passage mettant en vedette le monstre devient inoubliable. Godzilla Minus One fait littéralement exploser le thermomètre du divertissement et figure parmi les plus grands régals cinématographiques de l’année.
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