Si on vous disait que l’anthologie Guillermo del Toro’s Cabinet of Curiosities (Le Cabinet de curiosités de Guillermo del Toro) s’élevait au-dessus de la masse, seriez-vous réellement surpris.e?
Le réalisateur de The Shape of Water et Pan’s Labyrinth se remet les deux pieds dans le genre pour l’Halloween avec une série de huit histoires horrifiques bien différentes, réalisées par autant de cinéastes influents et autres stars montantes de notre milieu, personnellement sélectionnés par notre «curateur» préféré. Après tout, les cabinets de curiosités rassemblent une panoplie de trouvailles hétéroclites destinées à la découverte.
Avant chaque épisode, del Toro nous livre une très courte présentation à la Hitchcock des différents récits que nous allons voir, des épisodes essentiellement entre 40 et 60 minutes, nous rappelant que la seule chose qui les unit véritablement demeure l’art de raconter, un domaine dans lequel l’homme se connaît particulièrement, alors que la qualité proposée par l’ensemble reste indéniable à défaut de toujours pouvoir engendrer les frissons.
Guillermo del Toro’s Cabinet of Curiosities se divise en quatre «soirées» spéciales (vous pouvez les regarder le jour, mais on recommande évidemment le moins de lumière possible pour plus de plaisir) chez Netfix: la nuit des charognards avec Lot 36 et Graveyard Rats le 25 octobre, la nuit des solitaires avec The Autopsy et The Outside le 26 octobre, la nuit Lovecraft avec Pickman’s Model et Dreams in the Witch House le 27 octobre et finalement la nuit des visites avec The Viewing et The Murmuring le 28 octobre.
Lot 36 de Guillermo Navarro
Le cinéaste Guillermo Navarro, fréquent collaborateur de Guillermo del Toro et Robert Rodriguez (l’homme a entre autres signé la cinématographie de Pan’s Labyrinth et From Dusk Till Dawn), adapte une histoire de del Toro pour ce premier épisode qui débute la série sur une note plutôt lente. Un ancien combattant (Tim Blake Nelson, Watchmen) maintenant recyclé en acheteur et revendeur de lots d’entreposage découvre un butin dangereux en se procurant celui d’un homme au passé sombre récemment décédé. Les sujets chers de l’auteur en lien avec la xénophobie et les grands conflits mondiaux sont au cœur de l’intrigue, qui nous laisse en compagnie d’un personnage assez peu sympathique. L’attente en vaut la peine, mais on en aurait définitivement pris davantage.
Graveyard Rats de Vincenzo Natali
Le réalisateur de Cube et Splice nous offre l’un des épisodes les plus excitants de l’anthologie avec cette histoire de pilleurs de tombes. Ici, notre voleur en question (David Hewlett, The Shape of Water) est nul autre que le gardien du cimetière et il doit beaucoup d’argent à des gens peu recommandables. Son seul problème? Les rats lui volent son butin. L’épisode offre une généreuse dose de frissons en compagnie de hordes de rongeurs, de dédales souterrains plutôt claustrophobes et de pas une, mais bien deux magnifiques et terrifiantes créatures — le Rat Man de V/H/S/94 va en mourir d’envie, c’est garanti. On souligne également la cinématographie qui capture le début du XXe siècle de manière fulgurante.
The Autopsy de David Prior
Avec cette investigation policière, où un shérif apporte une pile de cadavres après un terrible accident dans une mine à un collègue de longue date médecin légiste, David Prior (The Empty Man) hérite d’un des meilleurs scénarios du lot. L’histoire écrite par David S. Goyer (The Dark Knight), d’après une nouvelle de Michael Shea, nous propose d’un côté une série de revirements tous plus inattendus et de l’autre, une solide rasade d’imageries macabres servies par ces cadavres à étudier (et le dénouement génial qu’on vous laisse découvrir). L’amalgame d’horreur et de science-fiction proposé dans The Autopsy est si passionnant — notons au passage la performance ahurissante de F. Murray Abraham (The Grand Budapest Hotel) — qu’un long-métrage aurait facilement pu en être tiré.
The Outside d’Ana Lily Amirpour
La réalisatrice d’A Girl Walks Home Alone At Night propose une spirale descendante sur l’apparence au féminin avec son segment à combustion lente. Kate Micucci (The Little Hours) y incarne une femme dont les standards de beauté ne correspondent pas nécessairement à ceux de ses collègues de travail. Tannée d’être mise de côté, elle fera tout en son pouvoir pour leur ressembler. Les maquillages pour transformer l’apparence de l’actrice, parfaite pour la tâche très physique, sont plutôt saisissants, de même que les trouvailles visuelles quant aux manifestations et à la matérialisation de son obsession. C’est que sur papier, The Outside s’avère résolument triste, mais la réalisation à contresens est si amusante et créative qu’il s’agit d’un des segments les plus colorés de l’ensemble. L’usage des reprises de You Sexy Thing par Hot Chocolate est carrément génial.
Pickman’s Model de Keith Thomas
On reste davantage sur notre faim dans la proposition de Keith Thomas (Firestarter 2022, The Vigil), adaptée d’une nouvelle d’H.P. Lovecraft. Un étudiant aux Beaux-Arts est particulièrement troublé par les œuvres d’un nouveau camarade de classe étrange, qui s’immisce bientôt dans sa vie. Visuellement, Pickman’s Model est irréprochable alors que les reconstitutions d’époque fonctionnent et que la sous-intrigue à propos d’une terrible sorcière donne droit à des visions intéressantes. C’est au niveau de l’ambiance où la réalisation ne parvient pas à générer de véritables frissons alors que le scénario, lui, cultive un arrière-goût de déjà vu qui empêche d’anticiper les revirements. L’interprétation de Crispin Glover (Willard) dans la peau du vilain (évidemment) paraît aussi plutôt inégale.
Dream in the Witch House de Catherine Hardwicke
On pourrait dire à peu près la même chose de cette deuxième adaptation d’une nouvelle d’H.P. Lovecraft, offerte par la réalisatrice de Twilight. Rupert Grint (Servant, Harry Potter) y incarne un homme hanté par la mort tragique et surnaturelle de sa sœur jumelle qui se soumet à une drogue spéciale dans l’espoir de la retrouver. L’épisode fonctionne beaucoup mieux en tant que métaphore sur la dépendance et le deuil qu’il réussit à créer des moments de tension. Dream in the Witch House offre des visuels léchés et un creature design assez intéressant pour sa sorcière, mais tombe au final un peu à plat.
The Viewing de Panos Cosmatos
Si vous cherchez une solide dose de style (sans compromettre la substance), c’est Panos Costmatos qui nous l’offre. Le réalisateur de Mandy concocte, comme espéré, un épisode d’horreur cosmique aux visuels très late 70s, qui ne ressemble à rien d’autre. Le trip sensoriel présidé par le très excellent Peter Weller (Naked Lunch) invite cinq inconnus bien différents à une présentation qu’ils n’oublieront pas de si tôt — de même que les téléspectateurs. L’attention apportée à l’ambiance visuelle et sonore est on ne peut plus appréciable et le dénouement explosif sanglant qui se déroule après cette longue joute de dialogues laisse carrément sans voix. Vous n’êtes tout simplement pas prêts.
The Murmuring de Jennifer Kent
C’est avec une histoire de maison hantée classique plutôt émouvante que Cabinet of Curiosities se conclut. La réalisatrice de The Babadook pilote le récit de del Toro où un couple d’ornithologues se rend sur une île pour étudier le comportement des bécasseaux. Sur place, ils logeront dans une maison au passé sombre. Essie Davis, qui tenait la vedette de The Babadook, et Andrew Lincoln (The Walking Dead) tiennent les rênes de The Murmuring en y livrant des performances remarquables alors que Kent s’affaire à créer des images sensibles et mémorables avec son sujet. À défaut de véritablement terrifier, malgré un ou deux moments plutôt glauques, ce dernier épisode s’inscrit comme un des bons coups de l’anthologie.
Après cette première sélection fort appréciable, il ne nous reste qu’à espérer un deuxième volet de Guillermo del Toro’s Cabinet Of Curiosities pour l’an prochain.
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