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[Critique] « Heretic » : la théologie pour les nuls, mais surtout pour les psychopathes

Si vous regardez beaucoup de films, vous connaissez sans doute le cliché de l’enseignant qui commence une nouvelle leçon deux minutes avant la fin de son cours pour expliquer des informations cruciales à la compréhension du reste du film, mais qui est interrompu par la cloche en plein milieu de sa phrase. Avez-vous déjà souhaité que cette leçon dure deux heures, que la porte de la classe soit verrouillée et que le professeur soit un dangereux psychopathe? Si oui, Heretic (Hérésie) est le film que vous attendiez.

Deux jeunes missionnaires mormones vont de porte en porte pour partager la bonne nouvelle. Elles finissent par sonner chez Monsieur Reed (Hugh Grant), un théologien d’apparence sympathique, qui va vite les enfermer chez lui pour leur donner une leçon particulièrement intense sur la religion qu’elles prêchent...
VVS MASTER Heretic EN 1.2

Bon, comme ça, le pitch ne sonne pas comme le plus excitant du monde. Il s’agit d’un concept qui pourrait vite devenir profondément prétentieux et ennuyeux, mais Heretic a la chance d’être écrit et mis en scène par Scott Beck et Brian Woods, les scénaristes de grand talent ayant accouché du scénario du premier de la franchise A Quiet Place. Dans ce nouveau film, les deux hommes s’en donnent à cœur joie avec un long métrage très, très verbeux, mais jamais ennuyeux, grâce à ses excellents dialogues, ses personnages forts et son récit intrigant.

Parlons-en, justement, de ce récit, car en dehors de devoir subir les monologues insipides et prétentieux de l’antagoniste, qui conserve d’ailleurs toujours son sourire hautain tout au long du film, nos deux missionnaires tentent de s’échapper de la maison par tous les moyens, créant des scènes de tension respectables, mais jamais transcendantes. De toute façon, le véritable fil rouge de l’histoire ne provient pas des envies de liberté des jeunes femmes, mais bien des motivations de Monsieur Reed, qui prétend avoir découvert la seule vraie religion; une révélation qu’il laisse habilement entrevoir sous nos yeux tout au long du film.

Heretic repose donc vraiment plus sur son scénario et ses dialogues que sur sa mise en scène. Sans être mauvaise, cette dernière reste très basique et s’efface quasi totalement pour donner la place à l’écriture. On obtient donc un film visuellement redondant et peu inspiré qui repose entièrement sur ses personnages; Monsieur Reed en particulier.

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Ce Monsieur Reed est sans aucun doute l’élément le plus réussi du film. D’abord, le jeu de Hugh Grant est fantastique. L’homme parvient à faire un impressionnant numéro de funambule, marchant avec brio sur la ligne entre le bonhomme charmant et comique et le dangereux psychopathe. Son personnage est fascinant et complètement magnétique, et ce, à chaque scène où il apparaît. Il incarne également l’un des thèmes centraux du film : le patriarcat. Car si Heretic a beaucoup à dire sur la religion et le concept de croyance, son antagoniste reste un homme âgé et condescendant qui prétend tout savoir et fait la leçon de catéchisme à deux jeunes femmes qui n’ont consentie à rien de tout ça. Tout comme les systèmes religieux critiqués par le film, Monsieur Reed se croit supérieur aux femmes et cherche à les contrôler et à les endoctriner. Le message est louable, mais parfois très maladroit. Non seulement Heretic est écrit et réalisé par deux hommes, mais le personnage avec le plus de dialogues, occupant ainsi l’espace des deux actrices, est également un homme. On ne peut s’empêcher d’y voir une petite ironie.

Mais deux heures de cours théologique ne font pas forcément le film le plus captivant du monde. À partir d’un certain moment, le récit se transforme en véritable joute intellectuelle entre les deux femmes et leur geôlier. C’est où on a vraiment envie que Monsieur Reed se taise, et voir les deux femmes l’égaliser, voire le surpasser sur son propre terrain, devient extrêmement satisfaisant.

Cela dit, on se retrouve face à une œuvre beaucoup moins intelligente qu’elle ne le prétend. Ses longs dialogues et débats religieux ont beau être captivants, ils restent assez rudimentaire, et le film prend plusieurs raccourcis intellectuels pour faire passer son message. On pense entre autres à une scène impliquant des jeux de société qui, bien que très forte conceptuellement, demeure plutôt creuse sur le plan cérébral. C’est un léger problème lorsque le film repose presque entièrement sur le savoir de ses personnages pour faire avancer l’histoire. Donc, ne vous attendez pas non plus à une réflexion très profonde sur le sujet. On reste dans le thriller psychologique qui vise avant tout à divertir, et il réussit très bien cette tâche.

Heretic est donc un thriller particulièrement divertissant qui, bien que pas aussi profond qu’il le prétend, parvient à se hisser au-dessus de la masse infinie de films que comporte le sous-genre religieux de l’horreur.

Note des lecteurs0 Note
Pour les fans...
de débats intellectuels et religieux
de monologuistes britanniques
d'écraser le patriarcat
3.5
Note Horreur Québec

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