Jason Voorhees, Leatherface, Michael Myers, Freddy Krueger, Ghostface : des noms qui évoquent des images de violence et de mort dans l’esprit des cinéphiles. Jusqu’à présent, ils étaient tous condamnés à des rôles secondaires au profit des adolescents ignorants qu’ils allaient exécuter plus tard. Mais que se passerait-il si c’était eux qu’on mettait en avant? Si c’était eux les protagonistes? Avec In a Violent Nature, le réalisateur Chris Nash répond à cette question.
Dans une vaste forêt ontarienne, après s'être fait dérober un précieux artefact, le cadavre vengeur d'un tueur en série est fraichement ressuscité. Pour récupérer son bien, il traquera et massacrera toute personne assez malchanceuse pour croiser son chemin...
Il faut se le dire, l’attrait principal du film est son concept : celui de voir un slasher du point de vue du tueur. Ce faisant, le réalisateur se défait de tout artifice jugé superflu pour en faire un slasher pur. Si le postulat de départ est mal exécuté, le tout va rapidement s’effondrer sur lui-même. Mais ce n’est pas le cas ici. In a Violent Nature assume sa prémisse à 100 %. On se retrouve avec ce maniaque pendant quasiment tout le métrage et la mise en scène suit littéralement ses faits et gestes, c’est-à-dire : la caméra ne bouge que lorsqu’il bouge, sinon, elle reste aussi immobile que lui. Notre protagoniste est aussi muet et quasiment filmé uniquement de dos lors de longues minutes où on le voit se déplacer en forêt pour trouver sa prochaine victime. Autant cette approche est admirable de radicalité, elle crée de gros problèmes de rythme dans le film, qui reste avec le tueur même lors des temps morts. On oscille donc entre meurtres brutaux et randonnées pédestres pendant la plus grande partie du métrage.
Ceci dit, In a Violent Nature accomplit une petite prouesse d’écriture en étant forcé de développer son tueur à travers ses actions, et c’est étonnamment bien exécuté. De la raison de son massacre, qui est de récupérer un souvenir d’enfance sous la forme d’un médaillon offert par sa mère, jusqu’à le voir observer un groupe de jeunes se raconter sa légende pour se faire peur autour d’un feu. Combiné à d’autres petits moments, dont un qui rend le protagoniste étonnamment touchant, Nash parvient à construire un psychopathe plus complexe qu’il n’y paraît et c’est un beau petit tour de force scénaristique. Pour le reste, on est vraiment ancré dans les conventions du genre avec un groupe de jeunes en quête de plaisir qui serviront de proie à l’assassin. In a Violent Nature refuse de les caractériser et encore moins de les rendre appréciables. Méritent-ils leur funeste destin? Ce n’est pas important. Ni pour nous ni pour le monstre qui les guette.
Alfred Hitchcock a expliqué la différence entre le suspense et la surprise. Imaginez une scène se déroulant dans un restaurant bondé. Soudainement, une bombe explose, vous sursautez, vous êtes surpris. Par contre, si l’on vous montre la bombe cachée sous une table avant de revenir aux clients, on crée un suspense insoutenable. Dans In a Violent Nature, suivre le tueur crée cette tension. On le voit épier ses victimes de loin et observer leurs faits et gestes. On sait pertinemment qu’il va les massacrer; la tension vient du quand et du comment. Nash gère si bien cette tension que les meilleurs moments du film sont les plus lents, ceux où l’on observe les campeurs avec le meurtrier, en sachant ce qui va se produire sans pouvoir l’arrêter.
Thématiquement, In a Violent Nature explore le concept de point de vue, l’idée selon laquelle la perspective que l’on a sur un événement change totalement notre opinion de la chose en question. Un slasher à la Friday the 13th s’avère un excellent choix pour explorer ce thème : ce genre de slasher reste habituellement bloqué dans la perspective des victimes tentant de survivre au massacre. Pour dire, on retrouve ici un format d’image en 4:3, démontrant le point de vue plus restreint que porte notre meurtrier sur le monde. On commet par contre ici l’erreur de changer cette perspective assez tard dans le récit. Non seulement le changement est peu intéressant en raison d’une absence totale de développement du personnage, mais il n’existe que pour nous prendre le public par la main et analyser le film pendant de longues et ennuyeuses minutes. On a vraiment l’impression que le réalisateur avait peur de nous laisser réfléchir par nous-mêmes. En plus d’aggraver les problèmes de rythme, la séquence est extrêmement condescendante envers « ce pauvre public sans cervelle ».
Pour ce qui est des mises à mort, n’importe quel fanatique de gore et de sang sera amplement satisfait. Les meurtres sont particulièrement brutaux et très créatifs. L’un d’entre eux impliquant du yoga est si sanglant et violent qu’il pourrait presque rivaliser avec la fameuse scène de la chambre de Terrifier 2. D’ailleurs, tout comme le film de Leone, la tuerie d’In a Violent Nature est complètement mise en scène avec de superbes effets pratiques. Si certains d’entre eux ne sont pas totalement convaincants, on peut saluer l’effort, l’artisanat et la créativité se déroulant devant nos yeux.
À mi-chemin entre Friday the 13th et Gerry de Gus Van Sant (oui, il s’agit effectivement d’une combinaison étrange), ce premier long métrage de Chris Nash est une œuvre parfois hilarante, parfois horrifiante, parfois méditative et somme toute assez inspirée. Bien qu’il ne réinvente pas le genre, son concept est assez fort pour porter le film sur ses épaules pendant ses 94 minutes. Tout fan de slasher et de gore se doit de voir In a Violent Nature aussi vite que possible.
Notre entrevue avec le cinéaste Chris Nash :
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.