On se souvient du mouvement de films d’horreur français que les Américains ont qualifié de «New French Extremity», peu après la sortie de films comme Haute Tension (2003, Alexandre Aja), Martyrs (2008, Pascal Laugier) et À l’intérieur (2007), de Julien Maury et Alexandre Bustillo (ancien journaliste du magazine Mad Movies). Kandisha, le plus récent long-métrage du binôme de réalisateurs/scénaristes (Aux yeux des vivants, le Leatherface de 2017) arrive sur la plateforme Shudder dès le 22 juillet.
C’est l’été, l’école est terminée, il fait beau soleil sur les toits des tours d’appartements et tous les djeuns parlent en verlan (ou à l’envers: c’est de l’argot français). Au cours de la prochaine heure et demie, on suivra un trio de pétillantes adolescentes, à la fois urbaines et de classe moyenne (vraisemblablement en banlieue parisienne), aux prises avec une abominable croquemitaine. Au sein de ce triolet d’artistes adaptes du graffiti, on retrouve Amélie (Mathilde La Musse), que ses parents emmerdent solide, Bintou (Suzy Bemba), qui vient de déménager dans le quartier — un peu plus confortable — d’à côté, et Morjana (Samarcande Saadi).
Après une violente altercation avec son ex, Farid (Brahim Hadrami), Amélie retourne chez elle sous la pluie, au beau milieu de la nuit, s’enferme dans la salle de bain, le visage tuméfié, repense à cette histoire que lui a raconté Morjana et décide, pour se venger de Farid, d’invoquer l’esprit de Kandisha.
L’esprit vengeur se situe quelque part entre une démoniaque mais magnifique femme voilée et une impitoyable entité qui n’aura de répit qu’une fois sa besogne accomplie. Dans le film, cette légende — non pas urbaine, mais plutôt marocaine (datant, semble-t-il, du 16e siècle!) — emprunte à la fois à l’islamisme, au vaudou et au satanisme. Révoquer l’incantation? Oubliez ça, c’est pas mal plus compliqué que vous pourriez le penser. Faire appel à un imam et un vieux sorcier? Ouf, vous vous doutez que ça va mal se terminer et que les cadavres vont inexorablement continuer de s’empiler. Si la prémisse de ce slasher surnaturel n’est ni des plus complexes ni réellement originale, c’est plutôt dans l’écriture, l’interprétation (de la talentueuse et diversifiée distribution) et la réalisation que le courant passe et que la sauce prend vraiment.
Et que dire de notre power trio de protagonistes? Ici, nos scream queens sont incarnées par trois jolies jeunes femmes qui sont tout sauf victimes. Comme l’amitié qui les soude est parfaitement crédible, on les suit aveuglément dans leur enfer, où elles devront trouver comment se débarrasser de – et survivre à – la mystérieuse menace avant qu’elle ne les trucide. C’est qu’elle est de plus en plus terrifiante cette Aïcha Kandisha (Mériem Sarolie), qui arrive d’abord sur la pointe des pieds avant de sortir ses gros sabots pour littéralement nous piétiner. Notre bonhomme Sept-Heures et la fée Carabosse, c’est de la petite bière comparé à cette grande dame.
Qui plus est, les mises à mort sont souvent ultra-sanglantes et les conséquences douloureuses. Et parfois surprenantes! Avez-vous déjà vu ça, vous, quelqu’un se faire déchirer en deux? Nous non plus. On passe d’une scène de feu de camp entre amis à une autre dans un sauna, jusqu’à un passage en hôpital (dans une pouponnière!), des lieux toujours magnifiquement photographiés, aux cadres et éclairages soignés, créant des ambiances parfois foutrement inquiétantes. Bref, on a droit ici à une réalisation dynamique, nerveuse et parfaitement horrifique de l’indissociable duo Maury/Bustillo, qui livre la marchandise une fois de plus avec brio. Au niveau de l’efficace montage (85 minutes au compteur), on se doit de mentionner que les réalisateurs ont retrouvé Baxter, leur émérite monteur sur À l’intérieur, Livide et The Deep House (encore inédit chez nous, mais qui vient d’être acheté par Blumhouse…), qui a également longtemps été le monteur attitré d’Aja (ayant monté plus d’une demi-douzaine de films pour le réalisateur d’Oxygène).
Kandisha, c’est un peu comme si les filles de The Craft (mais en beaucoup plus badass) rencontraient une Candyman arabe (et beaucoup plus sexy) sur le plateau de La Haine (et ses immeubles désaffectés et décrépits), mettant en vedette des scènes rappelant les meilleurs slashers des eighties (le premier A Nightmare on Elm Street en tête). Avec en prime, une belle petite fin bien sombre et ouverte. À quand la suite?
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.