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[Critique] Possessor: la prison de chair

Note des lecteurs14 Notes
4.5
Note Horreur Québec

Une tueuse professionnelle qui pénètre le corps d’autrui à l’aide d’implants au cerveau a pour mission de les pousser à commettre des crimes dans leur entourage. Elle vit subitement un cauchemar lorsqu’elle peine à s’extirper du corps d’un jeune homme plus résistant.

Suite à son envoûtant Antiviral, paru en 2012, Brandon Cronenberg continue son excursion du corps humain avec son second ovni cinématographique, Possessor, disponible à la demande le 1er décembre. Disons-le d’entrée de jeu, c’est de la pure dynamite pour tout cinéphile qui aime se faire décoiffer.

Possessor affiche film

Le jeune cinéaste aura du mal à s’extraire de la réputation de son père si on se fie aux thèmes qu’il a choisis pour ses premiers longs-métrages. Là où Antiviral observait l’absorption d’un virus par le corps humain, Possessor traite du contrôle de la carcasse humaine par une entité extérieure. Au programme: mutation génétique, body horror et la métamorphose de la vie humaine grâce aux nouvelles technologies. Bref, un refrain qu’aurait pu expulser son aïeul.

Toujours à la scénarisation, Cronenberg ajoute des cordes à son arc en nous proposant une trame mieux définie que celle de son premier opus, déjà inoubliable. L’enjeu consiste à remettre en question le fait que les avancées technologiques puissent en venir à nous dicter une conduite à adopter. Nous embrassons tous cette ère technologique, mais à quel point cette dernière peut-elle nous contrôler à notre insu? La métaphore se déploie à travers un thriller très sombre, où le polar convoque le cyberpunk pour mieux distancier le spectateur de sa propre réalité.

Cela dit, tout ceci n’est que la pointe de l’iceberg puisque le film scrute aussi les ravages de se faire l’imposteur d’une vie qui ne nous représente pas réellement. Mais là où le plaidoyer se veut charmant, c’est qu’au lieu de se contenter de faire la morale en nous criant d’accepter qui nous sommes, les propos expriment du coin de l’œil une petite euphorie face à l’habileté de l’héroïne. Après tout, ce n’est pas si simple de s’emparer de l’identité d’autrui, et porter un masque peut au final devenir dangereux. Cette femme n’est nulle autre qu’une actrice talentueuse qui tente de comprendre les personnages qu’elle doit jouer afin d’offrir un meilleur spectacle. Ne devrait-on pas saluer ceux qui réussissent un pari aussi redoutable, si on accepte le postulat que chaque être humain se compose en quelque sorte une identité? Le film a plusieurs pistes de réflexion pour le cinéphile qui en aura l’audace.

Soyez averti toutefois que Possessor ne se destine pas nécessairement pour tous les publics: certains spectateurs pourraient en perdre leur latin lorsque le récit se détache du suspense initial pour se tourner entièrement vers l’état de cette femme en perte de repères. Nous avons droit à un certain emportement vers l’abstraction et le symbolisme. Pourtant cette griserie n’en est pas moins percutante.

Possessor film

La réalisation de Cronenberg y joue pour beaucoup. Même s’il s’offre un second exercice de style, il sait utiliser le caractère visuel envoûtant que lui livre son acolyte Karim Hussain, attitré à la photographie, pour déclencher une atmosphère unique. On a l’impression que chacun des plans représente une aventure ou même une étude de la part du réalisateur. La violence extrême de son long-métrage semble aussi faire partie de l’équation. Elle devient pratiquement une expérimentation pour exprimer la douleur physique.

Dans un duel sans fin, les acteurs.rices Andrea Riseborough (Mandy) et Christopher Abbott (It Comes at Night, Piercing) sont remarquables. En orbite autour d’eux, les toujours excellents Jennifer Jason Leigh (eXistenz) et Sean Bean (Black Death) sont tout aussi solides.

Lisez également notre entrevue avec le cinéaste Brandon Cronenberg.

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