Le buzz qui précédait la sortie de Prey (Proie en version française, disponible dès maintenant sur Disney+) faisait un tout petit peu peur. Et si on s’outre motivait tellement qu’on ne pouvait inévitablement qu’être déçu, hein ? On doutait. Même si les bonnes langues n’avaient que des bons mots ici et là sur la toile et les réseaux sociaux. Ça sentait bon, on louangeait et portait aux nues ce cinquième volet (ou septième, si vous daignez compter les pitoyables frasques de nos chers prédateurs contre les xénomorphes).
Certains allaient même jusqu’à avancer que c’était la meilleure suite jamais produite de Predator, ce classique millésimé 1987 mettant en vedette ce cher Schwarzenegger. Au fait, c’est techniquement un prologue au film de John McTiernan, l’action se déroulant 268 ans (!) auparavant. Et d’emblée, même si on avait adoré le deuxième volet (et que tout ce qui a suivi apporta son lot de déceptions), on doit avouer quelque chose d’incroyable, mais vrai: Prey est en effet le meilleur film de la franchise depuis 35 ans. C’en est presque aussi choquant que réjouissant ! Mais ça raconte quoi déjà ?
En 1719, dans les luxuriantes et nordiques contrées d’Amérique, des animaux sauvages, une tribu comanche et quelques trappeurs tombent dans la ligne de mire d’un des plus efficaces chasseurs de l’univers. C’est bien connu, cette communauté d’extraterrestres sont ultra-intelligents et fort avancés technologiquement, adorent faire des voyages de chasse intergalactiques pour débusquer toutes sortes de prédateurs, sans discrimination aucune. Heureusement, le courageux et protecteur Taabe (Dakota Beavers, solide), sa sœur des plus déterminées Naru (Amber Midthunder, habitée) et son fidèle chien Sarii vont tout mettre en œuvre pour défendre les leurs, tout en tâchant d’être tout sauf des proies faciles pour ce puissant être venu d’ailleurs (Dane DiLiegro, immense).
En effet, une proposition aussi audacieuse qu’intéressante sur papier, qui s’avère avoir été mise en scène de façon magistrale. Et sachez qu’en termes d’efficacité, on est ici à des années-lumière au-dessus du pourtant assez divertissant (mais polarisant) Texas Chainsaw Massacre 2022. Chapeau au réalisateur Dan Trachtenberg (10 Cloverfield Lane, l’épisode Playtest de Black Mirror), pour nous avoir enfin donné le Predator qu’on méritait. Oh que oui les ami.e.s.
Prédateur porte-bonheur
Primo, il coche avec brio toutes les cases de la franchise: vision thermale, mires au laser rouge, invisibilité et moult armes aussi organiques que futuristes (dont tout plein de nouveaux gadgets qui fonctionnent à merveille), sans oublier les effets sonores appuyant ces derniers et le look revampé de la créature. Oui, il diffère à plusieurs égards de celui des premiers, tout en restant réellement réussi, avec ses forts à propos inspirations autochtones (crinière plus près des fines tresses que des rastas, bouclier métallique rappelant des plumes, flèches, casque).
En plus, au scénario (co-écrit avec Patrick Aison d’après le synopsis du réal’), on en a profité pour faire quelques clins d’œil plutôt subtils aux deux premiers volets — les vrais vont adorer. Et ce, même si, un peu comme dans le jeu vidéo Far Cry Primal, on fait ici presque fî des fusils (sauf pour ces lents mousquets et un familier pistolet) pour se concentrer sur les armes blanches ancestrales (flèches, tomahawk), sans pour autant perdre au change, étonnamment. C’est peut-être un peu moins bruyant, mais foutrement pas moins viscéral.
Car on sait toutes et tous qu’on n’a besoin que d’un méchant en solo (comme dans les deux premiers), des gentils charismatiques (absents du dernier) et, bien évidemment, du bon gros gore qui tache comme il faut ; vous vous doutez que les victimes finissent, éviscérées, démembrées, décapitées ou épluchées. On alterne avec brio entre les points de vue des membres de la tribu, des braconniers français, de la faune et du Prédateur, qui deviennent tour à tour proies et chasseurs, s’inspirant des techniques des autres en mode créatif. Notamment, pendant les combats corps à corps, dont les fluides chorégraphies semblent sorties de chez John Wick (ou, à ce point dynamique !).
Des chasseurs sachant chasser
Même si pour nous, Québécois, la variété d’accents français peut faire sourire (on salue le barbu compatriote Mike Paterson au passage !), les performances de la distribution sont globalement puissantes, notamment celle des acteurs principaux que sont Beavers et Midthunder (les séries Legion et Roswell, New Mexico). Cette dernière, qui ne s’en laisse pas imposer, porte l’émancipation de la femme de fort belle façon. À noter qu’à l’instar de plusieurs de leurs collègues, ils sont tous deux issus des Premières Nations, soit Ohkay Owingeh Pueblo (du Nouveau-Mexique) et Sioux (du Montana), un choix éclairé s’avérant bien plus qu’une belle attention ou une opération de communication. La distribution démontre que tous avaient à cœur le projet et y étaient engagés pour les bonnes raisons.
Et que dire de la stature et la physicalité de DiLiegro, sinon que l’ex-joueur de basket cadre plutôt bien avec le muet, mais ô combien menaçant rôle d’antagoniste (6 pieds 9 pouces, quand même !). Mention spéciale à la légendaire société de SFX qu’est ADI (soit les fondateurs Alec Gillis et Tom Woodruff Jr.), encore une fois au générique, ajoutant de facto encore plus de crédibilité au projet, les gars jouant aux Prédateurs depuis près de deux décennies déjà. Aussi, on apprécie le fait qu’on dévoile lentement (mais sûrement) le Prédateur et qu’on en découvre un peu plus sur ses mœurs de chasseur (mais pas trop).
Ça look ?
Au niveau réalisation, le montage est énergique et sans aucun temps mort, tout en prenant le temps d’établir l’univers. Notons que le long métrage a été tourné au pays, dans des plaines et forêts d’Alberta non loin de Calgary, là où le fut également The Revenant. De plus, avec son directeur photo Jeff Cutter (10 Cloverfield Lane), Trachtenberg nous balance des images aussi magnifiques (tous ces paysages à couper le souffle) que mémorables, comme lorsque le Prédateur est couvert de sang (après un saisissant combat à mains nues), la cendre qui tombe comme de la neige, la fumée des mousquets… wow !
De plus, on nous offre d’authentiques moments d’émotions (trop rares dans ce genre de film) et plusieurs séquences à haute tension où on craint vraiment pour la vie de nos protagonistes. Non, mais, quel affrontement final, aussi écarlate que fluo, à la fois inventif et foutrement brutal! Et c’est sans mentionner les aspects techniques de la production, qui sont presque irréprochables. On parle autant de la musique classico-tribale pas trop appuyée de Sarah Schachner (qui a travaillé sur plusieurs jeux Assassin’s Creed) que des effets spéciaux mélangeants pratique et numérique (qui font quasiment toujours mouche).
Une Proie de choix
Non, mais, qui aurait cru qu’on verrait, en 2022, un long métrage de cette jadis si virile franchise rendre hommage à vous, mesdames? Qui plus est, Prey est un film d’époque, aussi féministe que radicalement inclusif, voire même humaniste, qui critique juste assez notre société, sans nous enfoncer de messages dans le fond de la gorge, sans jamais moraliser. Ce qui est clé, à notre humble avis. Au final, on nous livre aussi un authentique film d’action/aventure, mâtiné de sci-fi horrifique et historique (!), s’inscrivant parfaitement dans la marque, respectant à la lettre ses codes et son esprit originel (lire: ce n’est pas pour les enfants), réussissant à déclasser TOUTES les suites du classique de 1987.
Merci à une approche tout sauf cynique ni caricaturale, et surtout grâce à une ouverture sur le monde. Respect, avec un grand R, autant des fans de la marque que des gens qui sont dépeints dans le récit, peu importe leur sexe et origine (une version plus immersive où l’anglais est doublé en Comanche est également disponible). Un énième volet qui redonne enfin ses lettres de noblesse à cette chère franchise. On est encore sous le choc. Même après notre deuxième visionnement en même pas 24 heures.
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