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[Critique] « Se fondre » : la phase anale du souverainisme

Une chose importante à savoir sur le cinéma est que, comme toute forme d’art, il est fondamentalement politique. Que cet aspect soit subtil ou non, les cinéastes sont des artistes avec des idéaux et des valeurs qui leur sont chers, et cela se reflète dans leur travail. Cela dit, il y a de bonnes et de mauvaises façons de parler de politique au cinéma, et avec Se fondre, le réalisateur Simon Lavoie (La petite fille qui aimait trop les allumettes) se retrouve définitivement dans la seconde catégorie.

Dans une prison québécoise, un groupe de détenus gériatriques sont les derniers représentants d'une cause politique pour laquelle ils ont été enfermés des années plus tôt. Un mystère s'installe alors qu'ils commencent à mourir, les uns après les autres, de la même façon : assis sur leur bol de toilette...
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Avec le titre de cette critique et les deux premiers paragraphes, le thème de Se fondre est assez évident. Les détenus de cette prison sont donc de vieux souverainistes qui emportent avec eux, dans la mort, des décennies de culture francophone et de patrimoine culturel québécois. Comme le dit le dicton : « Un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle. » Le problème ici réside dans la lourdeur et la condescendance avec lesquelles le propos est présenté. Pendant la première moitié du film, les dialogues ne consistent qu’en monologues face caméra où les personnages récitent verbatim de vieux textes sur le souverainisme et l’indépendance du Québec. Pendant ce temps, les gardes anglophones de la prison s’expriment à travers des intertitres, comme à l’époque du cinéma muet, pour nous éviter d’entendre un traitre mot de cette diabolique langue qu’est l’anglais. Avec ces deux aspects, on commence déjà à sentir un certain mépris de la part du réalisateur.

Si tout cela semble déjà terriblement prétentieux (et ça l’est), l’effet serait grandement atténué si Simon Lavoie avait une quelconque volonté de nous raconter une histoire, mais ce n’est pas le cas. En retirant tous les monologues sur la souveraineté et les images d’archives du référendum de 1995, qui viennent interrompre le peu de récit auquel nous avons droit, Se fondre s’apparenterait plus à un court métrage qu’autre chose. Mais ceci n’est pas un film, c’est une déclaration!

Lorsqu’on commence à élaborer un projet narratif, il est important de se demander quel format le mettrait le plus en valeur. Ici, le format n’aurait définitivement pas dû être celui du cinéma. Avec ce qu’on nous raconte, il aurait été plus sage et plus respectueux d’en faire un article de journal ou un essai littéraire. De cette façon, Simon Lavoie aurait pu se libérer du lourd fardeau de raconter une histoire avec des images mouvantes pour se concentrer sur la seule chose importante à ses yeux : le message.

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Mais pourquoi donc Horreur Québec parle-t-il d’un tel film? Assez tôt dans le métrage, la cause réelle des morts suspectes de nos souverainistes gériatriques préférés est révélée : un ver solitaire se déplaçant dans la tuyauterie du pénitencier assassine les détenus en remontant dans leur cuvette et en pénétrant dans leurs anus… Ce n’est pas une blague! D’ailleurs le film prend ça excessivement au sérieux. L’idée aurait pu être amusante sous la plume satirique d’un certain Pierre Falardeau, mais ici l’exercice est simplement déconcertant, répugnant et ridicule.

Notre petit ver attaque donc les détenus dans de longues séquences animées par ordinateur où nous le suivons alors qu’il remonte les colons digitaux de ses victimes, sans nous épargner les horribles détails. Le tout est véritablement tiré par les cheveux, mais a le mérite de réveiller un minimum le spectateur. Est-ce que les décès des détenus sur les toilettes auraient pu être une allégorie pour le public qui se fait tellement chier qu’il en meurt? La première demi-heure est si ennuyeuse qu’on pourrait y croire.

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Outre son lourd message et son exécution plus que douteuse, le film de Simon Lavoie a le mérite d’être plutôt réussi d’un point de vue technique. Les couleurs rouge et bleu sont utilisées à foison pour représenter respectivement le Canada et le Québec, et nous avons droit à de magnifiques plans extérieurs ainsi qu’à une image très bien travaillée. Mais le véritable mérite du film sera, pour le public qui osera le voir en salle, de devenir un véritable sujet de conversation après le visionnage pour les jours et même les semaines à venir. Pas pour une réflexion sur la relation Québec/Canada et le ralentissement du mouvement souverainiste, mais sur le fait que les mêmes institutions qu’il critique (ultime hypocrisie) ont permis la création d’un film où on voit en détail un ver d’anus remontant dans les intestins de personnages âgés.

Il faut aussi saluer la distribution composée quasi uniquement de grands acteurs et actrices qui donnent un certain panache au film. Outre Jean-François Casabonne, on a droit a de très jolies prestations des légendes que sont Pierre Curzi et Fayolle Jean, mais aussi de la sublime Pascale Bussières et de l’excellent Sébastien Ricard.

Autrement, Se fondre est une œuvre si prétentieuse, méprisante, condescendante, moralisatrice, arriériste et réactionnaire qu’elle est essentiellement impossible à prendre au sérieux malgré les bonnes intentions de son réalisateur. De plus, au lieu de faire un film lamentant la perte de la culture québécoise, Simon Lavoie aurait pu y contribuer en faisant, par exemple, un bon film. Même si le message est louable, c’est la façon de le faire passer qui pose problème : le film ne veut pas ouvrir de discussion, mais bien vous enfoncer son avis dans la gorge de force comme si c’était la parole divine. Pour terminer sur un mauvais jeu de mots, on peut facilement affirmer que ce film restera pour toujours dans les annales du cinéma québécois comme un de ses pires représentants.

Note des lecteurs1 Note
Pour les fans...
de patriotisme sauvage
de film si mauvais qu'il en devient bon
de vers d'anus
1
Note Horreur Québec
Horreur Québec