Dans la petite ville de Centertown, un shérif et ses adjoints doivent lutter contre des morts étrangement revenus à la vie.
Si le film d’ouverture de la cuvée 2019 du Festival de Cannes semble avoir du mal à trouver son public, c’est qu’il marie le style plus ampoulé du cinéaste au film de zombies. Les intellectuels le trouvent trop simpliste et les fans de Romero trop bavard et lent. L’exercice proposé par le cinéaste de Dead Man n’en vaut pas moins son pesant d’or, puisqu’il livre une déconstruction flagrante autant du film de répertoire que du film de revenants. Bien sûr, il faut aimer ce genre d’humour où l’on met en images le néant et l’absurdité du monde actuel.
C’est à travers la simplicité de son scénario que The Dead Don’t Die affirme ses commentaires les plus accusateurs sur la société actuelle. Le cinéaste nous a habitués à plus de subtilités scénaristiques, certes, mais ici, le ton excessif est entièrement recherché. Jim Jarmusch a toujours su jouer la carte de l’ironie avec panache. Ici, son dernier film raconte les conséquences du déclin de la race humaine et la destruction de la planète. C’est un peu sa manière de réactualiser la surconsommation soulignée par Romero, tout en y injectant encore plus de pessimisme. Ces morts qui ne meurent pas annoncés par le titre ne sont-ils pas en fait les vivants qui reviendront de l’au-delà pour refaire les mêmes rites?
L’une des seules touches optimistes du film se retrouve dans ce vieil ermite refusant de se faire avaler par le système. Ce sans-abri survivaliste pourrait très bien être une manière subtile du cinéaste de s’inclure lui-même dans son propre long-métrage comme observateur de cette zombification. Refusant la technologie, le vagabond se voit enchanté lorsqu’il découvre au sol une vieille copie du roman Moby Dick. Ce n’est pas le fruit du hasard: le baleinier de Melville présente un microcosme des archétypes sociaux, à l’image de la ville de Centertown, et l’histoire prévient l’homme qu’il ne faut jamais jouer à Dieu avec la nature. Le réalisateur a toujours su imposer des références littéraires, mais dans The Dead Don’t Die, celles-ci sont plus d’ordre cinématographique.
Dès le départ, on plonge dans la métafiction quand les personnages prennent le temps de philosopher sur le film dans lequel il se trouve. Ils sont conscients d’être des personnages et réagissent de manière stoïque et avec détachement à une grande partie du cauchemar qui lève son voile sur eux. Avec ce jeu, le cinéaste signale au spectateur qu’il a conscience de son savoir. Le public des films de Jarmusch est assez érudit pour comprendre qu’un long-métrage est un outil de marketing et le metteur en scène en détaille l’envers.
Pointue à souhait, la réalisation embrasse le ton farceur avec l’agilité d’une araignée tissant sa toile. Jouant tantôt la carte du film d’horreur d’exploitation qui répète les mêmes plans grands-guignolesques, Jarmusch inclut aussi certaines techniques plus recherchées comme le plan fixe, lors d’une discussion. Lentement, ces cadres se meuvent souvent en travellings latéraux ou en plans-séquences pour nous faire découvrir ce petit patelin par l’errance, comme il l’avait notamment fait dans Stranger Than Paradise et Down By Law, pour ne nommer que ceux-là.
La distribution complète joue avec le ton exigé par le mandat du cinéaste. Si Bill Murray et Adam Driver nous proposent une fois de plus l’étendue de leur registre, il en est de même pour Tilda Swinton.
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