Ce n’est plus un secret: les années 90 sont les nouvelles années 80. Alors qu’hier encore Stranger Things rendait hommage à la décennie Amblin, nous voilà maintenant nostalgiques du mouvement riot grrrl, des souliers plateformes et… des slashers post-Scream.
Lorsqu’on pense à Scream et à son effet sur le genre, ce qui nous vient à prime abord est l’aspect métatextuel appuyé du film. Mais son auteur, Kevin Williamson, avait davantage à apporter. Avec des scénarios comme ceux de The Faculty ou I Know What You Did Last Summer, Williamson a perfectionné une forme de film d’ado bien de son temps, ironique et crépusculaire, ne craignant pas d’investir les univers émotionnels tourmentés de ses protagonistes.
Vous l’aurez deviné, c’est à cela que There’s Someone Inside Your House (Killer Game, en français) rend hommage… Tout en prenant en compte les préoccupations des adolescent.es de maintenant et de leur existence en ligne.
Adapté d’un roman de Stephanie Perkins, le récit prend place dans une petite ville du Nebraska où sévit un tueur. Peu enclin à se suffir de poignarder ses victimes adolescentes, il le fait masqué de copies 3D de leur visage… En s’assurant aussi de ruiner leur réputation en exposant au monde des traces numériques de leurs secrets les plus compromettants. L’intrigue met l’accent sur un groupe d’amis, marginalisés au sein de leur high school, dont Makani (Sydney Park) qui a déménagé d’Hawaï avec sa grand-mère l’année précédente. Makani possède elle-même un passé trouble qu’elle souhaite à tout prix éviter d’ébruiter. Alors que le tueur se rapproche d’elle, notre protagoniste soupçonne qu’il puisse déjà faire partie de sa vie…
C’est donc vraiment à une variation moderne sur le thème d’I Know What You Did Last Summer qu’on a affaire, tant sur le fond que la forme. Les personnages sont hantés par le poids d’un passé qui ne se trouve souvent qu’à une recherche google de distance. A-t-on encore droit à l’oubli dans un environnement numérique qui se souvient de tout?
Alors que les premières victimes du meurtrier, homophobes et racistes, suscitent peu de sympathie de la part du spectateur, celles qui viennent ensuite semblent beaucoup moins méritantes de leur sort. On devine un commentaire esquissé à gros traits sur les dérapages de la cancel culture.
La plupart des personnages sont définis par une ou deux caractéristiques dominantes, excepté Makani qui devient notre fenêtre sur ce monde de faux semblants. Le spectateur sait qu’elle joue un rôle auprès de ses amis. Il n’y a qu’avec un personnage qu’elle puisse entretenir une relation honnête: Ollie Larsson (incarné par le québécois Théodore Pellerin), qui connait son secret mais que tout le monde soupçonne d’être le tueur… Le tandem navigue à vue dans un environnement où règnent rumeurs et apparences trompeuses.
Si le scénario ne fait pas toujours dans la nuance, le cinéaste Patrick Brice (Creep et sa suite, The Overnight) tente d’en apporter par sa mise en scène. Le réalisateur parvient à créer l’ambiance pesante, voire apocalyptique, si particulière à un petit univers adolescent duquel on ne peut s’échapper. Brice est appuyé par une direction photo qui travaille magnifiquement la pénombre ainsi qu’une excellente bande-sonore de Zachary Dawes. Les multiples scènes de meurtres ne font pas dans la dentelle, bénéficiant de la tolérance de Netflix pour les excès sanglants. Elles sont construites comme un face-à-face entre les deux soi de chaque victime, qui meure dans la terreur d’avoir été exposée.
On a l’impression que There’s Someone Inside Your House aurait pu bénéficier du traitement Fear Street de la mini-série, ou tout simplement d’un meilleur scénariste. L’aspect expéditif du troisième acte nous laisse sur une note ambigüe. Un film qui n’atteint pas son plein potentiel, donc, même si dans son incarnation actuelle il mérite bien une petite place parmi vos soirées horrifiques d’octobre.
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