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Motomarine (2023)

De «Motomarine» à «L’écume des orchidées»: plongée dans l’univers absurde et horrifique de Gabriel Auclair-Doucet [Entrevue]

Depuis 2009, Gabriel Auclair-Doucet a réalisé pas moins de neuf courts-métrages, tous entièrement ou en partie financés par ses propres moyens. En débutant avec Panique au vidéo, un classique slasher inspiré de l’époque VHS, l’homme a clairement démontré son intérêt pour le cinéma de genre, et son évolution et sa ténacité l’ont mené jusqu’à l’absurde Motomarine, qui amorce présentement une tournée des festivals.

Horreur Québec était curieux d’en apprendre davantage au sujet du cinéaste québécois, et de lui tirer les vers du nez concernant son prochain court-métrage horrifique prévu intitulé L’écume des orchidées, dont on suivra assurément la progression:

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Horreur Québec: Commençons par la question la plus difficile de l’entrevue: comment décrirais-tu Motomarine en trois mots?

Gabriel Auclair-Doucet: Trip d’acide. Je pense que ça fonctionne, comme le «d’» est considéré comme un mot. [Rires]

HQ: On pourrait également l’utiliser pour décrire tes plus récents courts-métrages qui présentent toujours un univers surréaliste décalé. Avec Motomarine plus précisément, que voulais-tu raconter?

GAD: À la base, c’était vraiment pour me faire plaisir. Mais en creusant plus loin, ça parle de surconsommation. Ce n’est pas nécessairement un film qui porte un message sur le sujet, c’est davantage une thématique que je trouve oppressante. La scène d’ouverture avec la poussette, je l’ai écrite il y a vraiment longtemps et ce sont des images que j’ai toujours dans la tête depuis. C’est un film qui est très libre d’interprétation et c’était mon objectif. C’est aussi le genre de film que j’aime voir. Il s’agit d’une série de tableaux surréalistes où on trouve tout de même une certaine continuité.

Il y avait un deuxième segment au film, mais nous avons eu des soucis de logistique. C’est pour cette raison que le film se termine abruptement, mais finalement je préfère cette option, laissant plus de place à l’interprétation. C’est limite un film dont vous êtes le héros. La deuxième partie sera possiblement tournée un jour, même si le lien entre les deux est mince.

HQ: Outre Panique au vidéo, approches-tu tes films de la même façon, c’est-à-dire un concept de base que tu décortiques ensuite dans un univers tordu?

GAD: On pourrait dire ça en effet! Souvent j’ai un flash pour une scène et après j’essaie d’imaginer le pire qui pourrait se produire. Ça m’aide à trouver de nouveaux angles à explorer et surtout à tracer une suite logique dans mon esprit. Par contre, je ne pourrai jamais vraiment expliquer d’où proviennent nécessairement ces idées, mise à part peut-être à partir de ce que je vois dans la rue en allant travailler ou bien quand un extra-terrestre qui m’envoie du jus créatif par télépathie pendant que je fais une sieste. Un de mes collègues m’a fait remarquer que nos projets semblaient provenir du même univers parallèle et j’abonde en ce sens aussi.

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Gabriel Auclair-Doucet

HQ: C’est vrai qu’on sent que tes derniers films partagent un certain ton similaire. Certains acteurs reviennent également. C’est un peu comme si on trouvait deux parties à ton parcours, avant et après Chimères. Ton premier, Panique au vidéo, était davantage un slasher gore classique. Tes deux films suivants étaient plus expérimentaux.

GAD: Autant j’aime que le spectateur sorte de sa zone de confort, autant j’ai besoin moi aussi de m’en sortir. J’aime plusieurs types de cinéma de genre et j’adore le cinéma expérimental, l’absurde, le cinéma d’horreur… Même dans mes récents films, on trouve toujours un peu d’horreur saupoudrée ici et là, que ce soit une certaine scène dans Brigitte ou même la trame sonore de Motomarine. Dans tous les projets qu’on fait, il y a toujours un aspect plus trash. Il y a toujours une espèce de monstre dans la fumée.

Ce mélange des genres m’intéresse depuis que j’ai vu Army of Darkness quand j’avais six ou sept ans. Je ne comprenais pas pourquoi je pouvais avoir aussi peur de la scène dans le puis, mais qu’ensuite on puisse autant rire avec les singeries de Bruce Campbell. C’est ce que j’aime. Motomarine, personnellement, je ne trouve pas ça drôle. Je trouve ça plus proche du malaise.

HQ: La trame sonore aide beaucoup au malaise, oui! Les trames sonores sont très travaillées dans tes récents films, autant que la réalisation que la direction photo. J’ai compris que tu faisais partie d’un collectif?

GAD: Il y a une quinzaine d’années, j’avais commencé à faire des sketchs trash avec mon collègue Tobie Garceau et notre collectif s’appelait Fantôme et crapaud. Par la suite, on est chacun allés faire nos trucs de notre côté, mais il est, depuis quatre ans, assistant-réalisateur et parfois monteur. Notre collectif se nomme maintenant Le doigt dans l’œil. Le directeur photo, Evangelos Desborough, un véritable prodige grec, collabore sur nos projets depuis le début de l’aventure. Pour la musique, c’est Vincent L. Pratte qui s’en charge, depuis que je l’ai rencontré il y a quelque temps à CISM lorsque je faisais de la radio. Une connaissance du CÉGEP, Kathy Poirier, est maintenant une graphiste professionnelle connue sous le nom d’Eveline machine et a fait le design de nos affiches sur les deux derniers courts qu’on a tournés.

Quand je parle de collectif, c’est surtout pour impliquer que nous sommes un groupe et que j’aime établir une certaine confiance envers des artistes talentueux avec qui j’ai une connexion cosmique. Ça facilite mon travail et tout le monde a une importance capitale en ce qui a trait au processus créatif, peu importe le rôle. Ça me permet aussi de leur donner pratiquement carte blanche pour faire rayonner leur savoir-faire. Ces personnes savent aussi à quoi s’attendre en ce qui concerne mes méthodes de travail, qui sont surtout axées sur la communication ainsi qu’un environnement de travail plaisant.

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Brigitte (2022)

HQ: Tu t’es également joint récemment à l’équipe du Festival Cabane à Sang en tant que programmateur. Pourquoi voulais-tu participer au projet?

GAD: J’adore les films et les courts-métrages. Voir des films, ce n’est pas un travail pour moi. Il y a aussi une belle opportunité à saisir pour rencontrer de nouvelles personnes, qui vont peut-être éventuellement même venir travailler sur nos futurs projets. Ça devient une collaboration plus grande que seulement sélectionner des films. Frank [Appache, président fondateur du festival] donne aussi tellement pour le cinéma de genre et le cinéma underground au Québec. On est allés en Belgique avec le festival récemment! On a rencontré plein de gens. Je prépare même un film pour la prochaine compétition Trash Party Pooper Spectacular du festival. C’est vraiment une belle collaboration.

HQ: Plus personnellement, quand as-tu su que tu voulais être cinéaste?

GAD: Je te parlais d’Army of Darkness plus tôt, mais même quand j’étais jeune et que j’écoutais Total Recall à TVA tard le vendredi soir dans ma chambre parce que je n’avais pas l’âge de le voir, j’ai toujours eu cette petite excitation-là à briser les règles. Aujourd’hui, ça s’est un peu plus démocratisé avec les cellulaires, mais à l’époque, on n’avait pas accès à ce genre de matériel. C’est quand j’ai eu ma première job au secondaire que j’ai pu m’acheter mes premiers films, qui m’ont donné la piqûre. Les Chick’n Swell ont aussi été une grande source d’inspiration à l’époque.

HQ: D’ailleurs, qui t’inspire davantage maintenant?

GAD: Du côté de l’absurde, définitivement Quentin Dupieux. Ça me remet toujours en perspective que tu n’es pas obligé de toujours faire des grosses prises de vues avec grue à la Sam Raimi, mais si tu as un bon scénario et de bons revirements, tu peux faire un truc de grande qualité. Du côté plus de l’horreur, le cinéma plus atmosphérique, mais toujours avec de la substance, de Robert Eggers m’interpelle beaucoup.

HQ: J’ai su d’ailleurs que tu préparais un court d’horreur. Que peux-tu nous dire sur le sujet?

GAD: Ça s’intitule L’écume des orchidées. Ce sera beaucoup plus classique comparé aux derniers films qu’on a faits. J’aimerais faire quelque chose de vraiment terrifiant. On suit une infirmière dans un vieux couvent de sœurs qui s’occupe d’une dame paralysée à la suite d’un grave accident. Un soir, l’infirmière entend la patiente demander de l’aide avec sa cloche, mais lorsqu’elle arrive à son chevet, le lit est vide. C’est tout ce que je peux révéler.

Ce sera un court purement atmosphérique. L’accent sera mis sur la bande sonore et les images. Il n’y aura probablement pas beaucoup de dialogues et de personnages. L’objectif est de faire un film terrifiant, mais avec une dose d’humanité en ce qui a trait au travail d’infirmière auprès de gens paralysés. La ligne entre la fiction et la réalité sera très mince. Le spectateur sera confronté à des peurs primaires comme la noirceur et la claustrophobie.

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Motomarine (2023)

HQ: Tu fais des courts depuis 2009. Tu programmes des courts. Comment se porte la scène du court-métrage au Québec?

GAD: [Rires] Je ne sais pas si je peux te dire tout ce que j’en pense. Il y a un côté très politique dans la production de courts-métrages ici, bien que je ne puisse pas trop comparer avec les autres pays. Il y a énormément de talent dans la scène, mais très peu de places disponibles. Depuis plusieurs années, je remarque qu’il y a une saturation au niveau de ce qui est présenté au public. On met beaucoup l’accent sur les films à caractère social ou les coming-of-age, ce qui est à des années-lumière de ma tasse de thé. À ce sujet, ce n’est pas évident de vendre nos projets étant donné leur nature plutôt décalée. Ça ne nous empêche pas de faire du sociofinancement, de vendre ma collection de films pour pouvoir avoir un peu plus de fonds et de faire la distribution en festival nous-mêmes! On est chanceux d’avoir Fantasia, SPASM et Cabane à Sang pour nous appuyer, même si j’ai l’impression que le cinéma de genre est souvent snobé de manière générale au Québec.

HQ: As-tu des plans pour un éventuel long-métrage?

GAD: Je suis content que tu m’en parles. C’est mon projet de rêve. Ça s’appelle Crabe yéti. C’est un mélange entre Evil Dead II, The Stepford Wives et Les ZAZ. Le pitch de base, c’est une secte de sorcières qui font des soirées de plats Tupperware où elles enferment l’âme de leur mari. C’est vraiment le truc le plus wild que j’ai écrit.


Vous pouvez visionner le court-métrage Brigitte de Gabriel Auclair-Doucet en ligne ainsi que la bande-annonce de Motomarine.

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