Il paraît que le film plaît seulement à ceux qui n’ont pas lu le manga ou vu l’anime. Oh que non! Cette critique ne partira pas avec ce genre de préjugés. Il est important de défendre l’exercice du remake, du reboot, des adaptations. L’anime disait déjà tout ce qu’il y avait à dire de la part d’une adaptation fidèle de l’oeuvre originale. Il n’y a pas de raison de penser qu’une adaptation américaine n’avait pas autre chose à dire en prenant la distance qui sépare le Japon des États-Unis. Cracher sur un film uniquement parce qu’il est la nouvelle adaptation (ou le remake) d’une oeuvre existante, c’est ne pas comprendre l’exercice d’un tel travail et ses enjeux artistiques. Malheureusement, le Death Note de Netflix n’aide en rien la cause.
Trois choses ont fait du manga Death Note un pilier de la bande dessinée japonaise: un concept de feu (un carnet de la mort dans lequel on écrit le nom de la personne que l’on veut voir mourir), le personnage fascinant de Light et l’ultra mystérieux L. De ces trois composantes, Netflix n’en a gardé que la première. En effet, il est évident que le problème principal du film réside avec ses personnages principaux.
Commençons par Light (Nat Wolff, The Fault in Our Stars), le jeune homme qui tombe sur le carnet. À l’origine, c’est un gars brillant à qui tout réussit: les filles, les études, la popularité. À la longue, il se transforme en sale con; mais cela est dû au pouvoir du livre, qui ronge petit à petit son âme. Dans le film cependant, Light est un connard antipathique dès les premières minutes. Le genre de nerd condescendant et prétentieux qui mérite carrément de se faire cogner entre deux cours. À cela s’ajoute un Natt Wolff intenable. L’acteur semble n’avoir jamais appris à utiliser son visage. Il est probable que nous verrons fleurir sur Facebook une tripotée de memes à son effigie tant il grimace tout au long du film — un phénomène particulièrement déconcentrant. Quant à Keith Stanfield (Get Out) qui interprète L, rien ne va non plus. Son surjeu est tellement aberrant qu’il empêche même d’en rire. Stanfield semble avoir pensé que jouer L avec toute la grandiloquence emphatique des personnages d’anime. Malheureusement, c’est le genre de choses qui détonne foncièrement dans une production 100% américaine. Au final, il ne reste de L — le personnage le plus cool de l’oeuvre original — un excentrique névrosé, erratique et fatiguant. Nous ne nous aventurerons même pas à parler de Ryuk, le shinigami (dieu de la mort) joué par Willem Dafoe. Le personnage est si inutile à l’intrigue que l’on pourrait sans problème remonter le film sans le faire apparaître une seule fois. C’est sans nul doute le plus gros gaspillage de budget de la production.
Outre le problème flagrant que posent les personnages principaux, nous pouvons aussi nous arrêter sur celui de la transposition de l’intrigue sur le sol américain. Lorsque l’on adapte une oeuvre, c’est pour en garder l’essence et tenter de lui faire dire quelque chose d’autre, c’est pour montrer une portée nouvelle qui demeurait invisible par la seule existence de l’original. Dans le cas qui nous occupe, il semble évident que transporter l’action aux États-Unis est une réponse au comportement de nos voisins qui ont de la difficulté à l’idée de devoir regarder des héros non-américains. Si Netflix veut toucher à Death Note, la compagnie doit rentrer dans son argent en bout de ligne et proposer un contenu que son public jugera accessible. Fair enough. Là où ils auraient pu faire un effort, c’est en essayant de rendre leur film vraiment américain. Ils auraient pu travailler sur des thématiques politiques, artistiques ou même sociales qui leur sont proches. Quel est l’intérêt de re-raconter la même chose que la série originale (qu’ils ont en plus dans leur catalogue!)? Une bonne adaptation n’est pas qu’un film qui vit pour son original, c’est aussi une oeuvre qui doit se tenir debout d’elle-même. Mais même ce principe de base ne semble pas du tout maîtrisé par Wingard dans sa version de Death Note.
Le film semble être un amoncellement d’erreurs qui empêchent au tout d’être cohérent et qui fatigue le visionnement: les éclairages néon et la musique au synthétiseur 80s sont totalement impertinents, l’animation moche du titre est arriérée, les effets visuels tels que plans débullés (ou dutch angle) sont vraiment de trop, l’effet de vignettage sur les shots du carnet de la mort est kitsch au possible et l’application du silence total sur les scènes dramatiquement «intenses» en slow motion est tout bonnement putassière. En bref, les choix stylistiques du film sont de mauvais goût. À cela s’ajoute le choix très étrange de parsemer le film d’un humour grossier de teen movie par le biais des commentaires insolents venant de Light. Le genre de remarques toujours inappropriées qui brisent une fois encore l’unité de ton déjà branlante du film.
Le dernier problème est celui qui nous intéresse le plus: l’horreur. La saga Death Note est avant tout un thriller veiné d’épouvante. Mais avec Adam Wingard (V/H/S, You’re Next, Blair Witch), sorte de figure montante du cinéma d’horreur, nous serions en droit de nous attendre à voir le film de Netflix basculer dans l’effroi. Malheureusement il n’en est rien. À travers sa narration bien trop épisodique, le réalisateur se permet quelques haltes inutilement (trop) gores. Les amateurs auront peut-être une très légère réminiscence de la saga Final Destination, mais sans plus. L’ultra-violence de certaines scènes manque cruellement de pertinence tant elles sont anecdotiques — presque comme si Wingard tentait mollement de rappeler son background cinématographique à ses quelques fans. Finalement, il n’y a pas assez de scènes violentes pour rassasier le fan d’horreur. Juste assez pour nous décevoir.
Lorsque nous apprenions il y a quelques mois qu’Adam Wingard allait adapter Death Note, nous étions excités. Le réalisateur était de toute évidence quelqu’un à surveiller de près et son adaptation avait quand même de quoi de prometteur — surtout en mentionnant la présence de Dafoe dans le rôle de Ryuk. Malheureusement, après le demi-fiasco qu’était Blair Witch et le ratage total qu’est aujourd’hui Death Note, il est probable que l’intérêt pour le réalisateur se tarisse…
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