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Denis Côté célèbre la sexualité des femmes avec «Un été comme ça» [Entrevue]

Denis Côté est l’un de nos plus importants cinéastes indépendants québécois. La plupart de ces films ont connu une reconnaissance sans pareille à l’étranger, dans le circuit des festivals, et l’artiste se réinvente d’un film à l’autre.

En 2019, avec Répertoire des villes disparues, il déconstruisait les règles du cinéma d’horreur pour aborder le repli social. Cette année, il nous propose le long-métrage Un été comme ça, qu’Horreur Québec a eu la chance de découvrir en première nord-américaine lors de la dernière édition du festival Fantasia. Sans être un drame d’horreur à proprement parler, le film renferme tout de même quelques séquences de rêve assez glauques.

Un été comme ça raconte l’histoire de trois femmes dites hypersexuelles invitées à venir dans une retraite pour discuter et mieux comprendre leur fixation sexuelle. Le public pourra avoir la chance de le découvrir en salle dès le 19 août.

Un été comme ça affiche film

Horreur Québec: Lors du Q&A, suite à la projection du film à Fantasia, vos actrices nous disaient que vous leur aviez montré des ouvrages de photographes et que vous leur aviez fait des listes de films à voir pour comprendre l’ambiance que vous recherchiez. Quelles étaient donc vos plus grandes inspirations pour le film?

Denis Côté: Je dois avouer que j’ai une assez mauvaise mémoire pour ça. Je n’ai pas gardé ces notes et je n’ai jamais interrogé les actrices à ce sujet. J’ai fort probablement proposé des films qui n’ont rien à voir avec notre projet, la seule intention étant de tester leur curiosité, de voir si elles me reviendraient avec des réactions. Je me souviens que Philippe Garrel a fait partie des discussions. Dans mes notes d’intentions, j’ai évoqué son approche très intime et souvent chuchoté des conflits. J’aime aussi le rapport au temps dans ses films. C’est toujours très diffus avec un art de l’ellipse qui confronte. Je suis assez certain d’avoir proposé aux filles de regarder des films de Joanna Hogg et de Hong Sang-soo. Dans mes notes, j’évoquais aussi le travail photographique de Francesca Woodman.

HQ: Comment avez-vous trouvé les actrices parfaites pour jouer les rôles? Était-ce difficile de leur expliquer les rôles?

DC: Comme pour mes autres films, l’aventure du casting ressemble à des coups de tête et à des caprices. Je pense à quelqu’un et je mise sur cette personne, sur ce visage. Sans audition. J’ai vu le visage tragique d’Anne Ratte Polle dans une soirée, il y a quatre ans à Berlin et je me suis dit: «je veux ce visage dans un de mes films». Je lui ai demandé d’apprendre le français et elle a relevé le défi. C’est ma troisième collaboration avec Larissa Corriveau. Laure Giappiconi est moins connue, mais je savais qu’elle serait une superbe alliée pour ce projet. Elle a réalisé des courts-métrages érotiques et a une expérience personnelle assez impressionnante autour des thématiques qui sont explorées dans le film. Pour le personnage de Geisha, Aude est Montréalaise et j’avais envie de découvrir une jeune actrice jamais vue dans un long-métrage. Samir Guesmi est très connu dans le cinéma d’auteur français. Sa voix et sa présence sont très réconfortantes.

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HQ: La thérapie à laquelle on assiste dans Un été comme ça est volontairement invraisemblable. Par exemple, il y a un homme sur place, une seule thérapeute, de l’alcool et aucune vraie sanction contre la possession de drogue. Qu’est-ce que la construction d’une thérapie fictive vous a apporté versus une thérapie plus rationnelle?

DC: Oui, la thérapie n’est qu’un cadre invraisemblable. J’en suis conscient. Elle n’est que prétexte pour démarrer une histoire et observer des êtres humains complexes. Si j’avais abordé le même film par un prisme réaliste, avec l’obsession d’obéir à un schéma psychologique et thérapeutiquement étudié, ça n’irait nulle part. J’essaierais de montrer mes connaissances ou de me placer au-dessus d’un sujet que j’aurais trop étudié. Je ne suis pas un thérapeute et ce film ne se propose pas de guérir des gens ou de trouver des solutions à des problèmes. C’est tout le contraire. Je prends la chose à contre-pied en posant des questions. Par exemple, est-ce que ces femmes ont réellement besoin d’une thérapie? Que vaut la science et pourquoi doit-elle encore placer la sexualité des femmes sous le microscope? Qui est vraiment le plus malade dans cette maison? C’est un film qui avance dans le noir sans aucune certitude. Je déteste approcher mes sujets en connaisseur.

HQ: Vous avez mentionné avoir travaillé avec des femmes pour le film. Vous aviez une conseillère à la scénario, en plus d’y avoir impliqué beaucoup vos actrices, en plus d’une sexologue et d’une monteuse. Je me demandais s’il y avait des choses supplémentaires que vous auriez pu aborder, si vous aviez été une réalisatrice.

DC: Ah, je ne sais pas du tout. Je suis conscient qu’une femme aurait apporté quelque chose d’autre au sujet, mais je ne saurais vous dire. Je serais déçu qu’on me dise que c’est un film d’homme, que le male gaze y fait des ravages, que le film est comme ceci ou comme ça parce que je suis un homme. Je reste assez confiant d’avoir fait un film ambigu, mais bienveillant et délicat, avec des femmes, en écoutant les femmes de mon équipe.

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HQ: Vous faites en moyenne un film par année, alors à quoi faut-il s’attendre pour l’an prochain?

DC: Je dois prioriser ma santé qui est très mauvaise. Les choses vont ralentir. Mais comme je suis assez monomaniaque, je développe quand même quelques idées pour d’autres projets. Pour le moment, je m’intéresse au concept des espaces liminaux. J’essaie de voir comment en tirer une idée pour un film.


Nous vous suggérons fortement d’aller voir Un été comme ça et de vous plonger dans la filmographie sans pareille de ce véritable maître du cinéma québécois.

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