Ce qu’on peut les aimer, ces faux requins mangeurs d’humains. Et c’est la faute à Steven Spielberg. Fêtant ses 45 ans cette année, son Jaws a fait beaucoup, beaucoup de petits depuis sa sortie. Oh oui, les amis. On parle notamment de The Jaws of Death (1976), Orca (1977), Tintorera (1977), Cyclone (1978), Monster Shark (1984) et plus récemment du solide «huis clos» Open Water (2004). Bien sûr, on n’oublie pas non plus tous ceux qui, avec leur mauvais CGI, font mal aux yeux, comme Deep Blue Sea et tous les Mega-Sharknado de ce monde. Et on pense aussi, évidemment, au très fun Piranha (1978), cette petite série B parodique du bon Joe Dante (d’ailleurs, Spielberg est producteur de son classique Gremlins), de même qu’aux suites de l’original, soit Jaws 2 (1978), Jaws 3-D (1983) et Jaws: The Revenge (1987). Et il y a eu Jaws 5. Genre.
Quoi, vous n’étiez pas au courant qu’on a jadis tenté de sortir Cruel Jaws (1995) en le faisant passer comme étant une authentique suite? Ouin, ils faisaient ça souvent les Italiens dans le temps. De plus, apparemment que le fourbe réal’ italien Bruno Mattei (qui signe le film sous le pseudo ‘américain’ William Snyder) avait poussé l’audace jusqu’à utiliser sans le demander des images tirées de la susmentionnée franchise, mais aussi des petits bouts des ersatz transalpins de Jaws que sont Deep Blood (1990) et Great White (1982, alias The Last Shark).
Pas surprenant que le film n’ait pu être distribué de ce côté-ci de l’Atlantique. Jusqu’à maintenant du moins, car Severin Films vient tout juste de sortir enfin le film sur format DVD et Blu-ray, avec des beaux suppléments en bonus.
Les dentiers (l’édenté?) de la mer
Mais d’abord, est-elle seulement écoutable cette récupération éhontée, que vous devez vous demander en ce moment? En fait, le titre de cette dissection aurait aussi très bien pu être «bien se marrer avec Les Dents de la Méditerranée» tellement le film est inintentionnellement amusant, notamment grâce à des acteurs plus qu’amateurs et un montage risiblement déficient. Oui, certaines scènes et personnages (le shérif, le maire, l’océanographe), de même que la prémisse, sont directement calqués sur le film de Spielberg. Or, le fun n’est pas (tout) là.
En fait, il est partout. Comme en se rendant compte qu’on a aussi pigé dans le Roméo et Juliette de Shakespeare, ou en entendant le thème musical calqué sans vergogne sur celui que composa John Williams pour Star Wars (hallucinant). C’est évident d’emblée qu’on va bien rigoler, dès l’apparition de ce premier cadavre bien mastiqué par un squale affamé, digne des meilleurs films de Lucio Fulci. Évidemment, la caméra s’y attarde longuement à l’aide de gros plans typiques de l’horreur spaghetti, sous les commentaires peu convaincants de personnages on ne peut plus colorés.
Théâtre d’été sur la plage
Ça se passe dans le petit Marine Land d’un Joe Exotic pris dans les 80s. Sérieux, le patron du monétisé lagon, Dag Soerensen (seul crédit de Richard Dew), est ni plus ni moins qu’une copie moins musclée de ce cher blond moustachu de Hulk Hogan (Dew aurait même déjà été la doublure de ce dernier!). On y retrouve également un élancé sosie du prince Adam d’He-Man, le cousin de Flipper le dauphin (et ses amis loutres, raies et pieuvres), plusieurs autres ginos aussi bien coiffés que grossiers (leurs répliques sont incroyables!), de même que pas mal de bimbos bronzées et bien roulées. Entre deux furtifs et confus meurtres sous-marins, on se croirait pendant un Week-End chez Bernie ou dans un vieux clip des Beastie Boys, réalisé par un gros fan de Michael Bay, genre (y’a aussi une grosse explosion à la con).
Avec sa distribution 100% américaine, ce délicieux nanar a été tourné en Floride au parc marin Theater of the Sea par le prolifique réalisateur Mattei (aussi connu sous le nom de Vincent Dawn et d’innombrables autres alter egos), à qui l’on doit aussi de délectables navets comme Hell of the Living Dead (1980, aussi connu sous le nom de Virus cannibale), Rats: Night of Terror (1984, aussi appelé Les mutants de la 2e humanité) et Zombi 3 (1988, co-réalisé par Fulci). Bref, un pro du rutabaga confit.
Extras pas ordinaires!
En guise de suppléments, en plus de deux versions du film (une remastérisée en HD, ainsi que le montage japonais, qui dure deux minutes de plus avec un transfert plus chaud et contrasté) et d’une bande annonce montée pour cette réédition, on retrouve These Things Got Made!, une très candide entrevue conduite via Skype avec Jay Colligan, l’acteur interprétant cet enfoiré de Tommy, qui se remémore avec plaisir le tournage sur les dorées plages de la Floride, confirmant n’avoir JAMAIS vu de requin — ni vrai ni faux — sur le plateau.
Or, le supplément le plus intéressant est ce documentaire de 21 minutes intitulé The Great White Way, avec Rebekah McKendry (Fangoria, Blumhouse). Cette dernière analyse avec enthousiasme, éloquence et brio ce sous-genre qu’est le sharksploitation, cette sanglante vague de films de requins sévissant depuis près d’un demi-siècle, discutant de Jaws et de ses suites jusqu’à ses pâles redites (oubliant de mentionner Cruel Shark, étrangement), en passant par ses dérives les plus ridicules (Ghost Shark!) ou monstrueuses (Alligator!), d’hier à aujourd’hui (The Meg).
Bref, une galette parfaite pour amateurs de requins les plus faméliques.
P.S. Les plus maniaques seront heureux de savoir que Severin offre aussi une novélisation du film (par Brad Carter), de même qu’un bandana en mode Hulk Hogan (Sharkamania!).
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