Valentine Bluffs est un petit village de mineurs où la Saint-Valentin a été marquée au fer rouge. Vingt ans auparavant, alors qu’il avait survécu à une explosion dans une des cavités, un ouvrier devenu fou avait fait des ravages lors de cette journée emblématique de l’amour. Les années ont passé sans que le 14 février ne soit célébré. Alors qu’ils s’apprêtent à festoyer pour la première fois depuis deux décennies, les habitants de cette localité sont systématiquement attaqués par un mystérieux meurtrier.
Plusieurs ont entendu parler de My Bloody Valentine à cause du remake 3D, fort acceptable, que nous avait offert Patrick Lussier en 2009. Mais avez-vous vraiment vu l’original tourné par le Québécois George Mihalka en 1981? Il s’agissait du second film que le cinéaste devait réaliser pour un contrat avec John Dunning. Le premier, faisant alors place à une kyrielle de problèmes, a amené l’homme à tourner le deuxième projet immédiatement. Recevant un synopsis d’une page appelé The Secret, le classique que l’on connaît a été lentement mis en place. On affirme que les trois dernières pages du scénario n’étaient pas fournies aux acteurs et que personne ne connaissait l’identité de l’assassin.
Si l’on regarde la courbe du slasher, on peut constater que 1981 a été l’année la plus prolifique pour ce sous-genre de l’horreur. Un grand nombre de classiques sont donc parus cette année-là, dont The Burning, Hell Night et Deadly Blessing, pour ne nommer que ceux-là. Le film de Mihalka n’a aucunement à rougir en comparaison et sa démarcation particulière lui a nourrit tout un culte à travers les années. Le cinéaste Quentin Tarantino a d’ailleurs mentionné qu’il s’agissait de son slasher favori à vie. Un groupe punk irlandais s’est même baptisé comme le film en son honneur.
Démystifier le culte du long-métrage
Mais pourquoi My Bloody Valentine s’est-il mérité un tel culte? On ne peut jamais savoir avec certitude pourquoi certains long-métrages marquent la mémoire plus que d’autres. Cela dit, on peut s’amuser à spéculer. Bien sûr, le costume du meurtrier n’est rien de moins que terrifiant, avec ce masque noir à la Darth Vader, dont le filtre à air laisse entendre les soupirs. Mais disons-le carrément, l’ambiance est unique et on comprend des décennies plus tard à quel point le film avait cette touche avant-gardiste.
Comme le veut le carcan du sous-genre, l’action de My Bloody Valentine se situe à un moment où l’on célèbre l’anniversaire d’une tragédie sanglante. Un individu traumatisé n’est pas d’accord et des meurtres recommencent. Le long-métrage offre quand même certaines variantes qui affectent le spectateur. Au lieu des traditionnels adolescents fainéants de la classe moyenne, mais aisée, le film met en scène des travailleurs assez matures pour endosser les responsabilités qu’exige le travail de mineurs. Ils tuent leur temps libre au bar du coin ou vont traîner dans un parc à ferrailles. Même s’ils ne sont pas dénudés d’archétypes, les personnages ne correspondent que très peu aux adolescents habituels de ces productions. Ils vivent modestement, sans grande éducation et outre le héros, dont le père possède la mine, ils semblent peu fortunés.
Parallèlement aux meurtres, le long-métrage raconte un triangle amoureux où un mystère demeure. Pourquoi exactement le personnage de Jessie “T.J.” Hanniger a subitement ressenti le besoin de disparaître alors qu’il sortait avec la femme de sa vie et travaillait pour son père? Son retour survient avec le début de cette série noire. Bien sûr, le remake nous a donné des réponses, mais dans ce film original, rien n’est transparent. Milhalka mentionne que T.J. est simplement parti chercher du travail. C’était une réalité fréquente de voir une personne avec moins d’éducation tenter sa chance en quittant l’isolation. Selon l’acteur Paul Kelman qui l’incarne, le jeune homme s’est éloigné pour tenter de faire des études universitaires qui ne sont pas concrétisées. Dans le long-métrage, cette obscurité entourant son départ cause certes une interrogation, mais traduit un peu le tempérament du héros. Difficile pour le spectateur de décider qui est le meilleur parti pour Sarah, avant de connaître la résolution finale. Il est même facile de trouver Axel un peu plus attentionné envers la jeune femme.
Si les meurtres violents bénéficient d’effets morbides réalistes, la réalisation de Mihalka les magnifient habilement par l’aveuglante lumière du casque de mineur de l’assassin qui dissèque le visage et la peur des victimes. Même s’il est toujours sage de ne pas se mettre à couvert d’un courant passé quand on analyse un film, la superbe cinématographie de Rodney Gibbons démontre certaines caractéristiques esthétiques qui s’apparentaient à l’expressionnisme allemand du cinéma muet: ce jeu omniprésent entre les ténèbres et la lumière, par exemple, mais aussi les nombreux angles de caméra plus incongrus. L’ouverture se fait d’ailleurs sur un superbe plan incliné, déformant la réalité des lieux.
Le petit village isolé, qui devrait être chaleureux, est filmé de manière oppressante. Quand il n’y a pas de brume entourant Harry Warden, le rouge criard des décorations de St-Valentin et du sang n’est pas sans rappeler certains excès blafards des films de la Hammer. La plupart des acteurs ont le charisme de transformer des personnages typés en comparses fort sympathiques. C’est notamment le cas du regretté Alf Humphreys, qui permet à Howard d’être plus grand que nature.
La contribution de Scream Factory
Ce nouveau Blu-ray du film est de loin supérieur à la Special Edition précédente, parue chez Lionsgate il y a une dizaine d’années. Il livre les deux versions différentes du film, sur deux disques, et nous offre un scan 4K du film pour les deux moutures. On a toutefois nettoyé au possible les nombreux ajouts gores que la censure n’avait pas toléré autrefois. Rappelons-nous que le précédent support nous y donnait accès pour la toute première fois en les incorporant dans le long-métrage, mais que la piètre qualité de ces ajouts gâchait un peu le résultat final. Cette fois, il devient presque difficile de faire la différence.
Au niveau des extras, on nous propose de nouvelles entrevues du cinéaste et des acteurs Paul Kelman, Lori Hallier, Neil Affleck, Helene Udy et Rob Stein. Les commentaires sont à la fois pertinents et tristes, puisqu’ils se rappellent tous de leur compatriote Humphreys, décédé en 2018. Dommage toutefois que le comédien Karl Marotte, interviewé sur la précédente édition, n’y figure pas.
Le premier disque comprend également une entrevue avec Tom Burman, qui a travaillé sur les maquillages du film, ainsi qu’une capsule comparative des deux versions du film inclues. Sur le second Blu-ray, quelques extras accompagnent aussi la version non censurée, dont une nouvelle piste audio de commentaires de Mihalka, mais aussi un intéressant panel anniversaire célébrant le 35ième anniversaire du long-métrage, qui a eu lieu en Floride à la The Bay Of Blood Convention. Provenant toujours de cette même convention, Thomas Kovacs nous chante The Ballad Of Harry Warden en compagnie de Peter Cowper et Jim Murchison.
Cette nouvelle édition est une excellente façon de découvrir ou redécouvrir ce classique.
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