Un célèbre compositeur, qui doit traverser le deuil de sa femme et de sa fille mortes dans un terrible accident, décide de louer un vieux manoir victorien. Il y décèle assez rapidement des phénomènes étranges et comprend alors qu’on tente de communiquer avec lui.
Quarante ans après sa sortie, on parle encore de ce long-métrage comme étant l’un des plus terrifiant jamais réalisé. Pourquoi après tout ce temps le film demeure aussi bon, et nous affecte-t-il autant?
La démarcation de The Changeling
Peter Medak nous a offert avec The Changeling l’un des plus puissants films de maisons hantées jamais tourné, à ranger avec The Innocents et The Haunting sur une étagère. Les observations psychologiques jouent certainement un grand rôle dans la qualité du film. En adoptant le point de vue du personnage, l’ouverture du film montrant un homme impuissant face à l’accident mortel impliquant sa femme et sa fille fait du spectateur le témoin du drame au même titre que celui père de famille. C’est comme si dès le départ, on tentait un mécanisme d’identification ou de rapprochement entre le professeur et l’audience.
Cette proximité va trouver sa véritable force lors des scènes saisissantes. À ce stade, le public a développé une grande empathie pour ce professeur. C’est lorsque l’auditoire a envie de lui hurler de courir hors de ce manoir que le récit a l’habilité de nous déconcerter par son courage à lui. Notre comparse affronte ces assauts presque stoïquement. Cette attitude lui nourrit une aura de bravoure qui accentue encore plus notre admiration envers lui, tout en décuplant l’ampleur horrifique.
Voilà un facteur assez différent des autres films similaires. Qu’il s’agisse de Poltergeist ou The Amityville Horror, les protagonistes ont tendance à fuir lorsque se manifestent les phénomènes surnaturels. Ici, cet homme endeuillé, merveilleusement campé par Georges C. Scott, n’envisage aucunement de quitter cette maison, et ce, même s’il y vit seul. Il semble fasciné par le fait qu’on tente de lui parler de l’au-delà. Est-ce que cette étrange réception de sa part peut être en lien avec la disparition de sa fille? Cette possibilité donne un alibi à sa témérité, qui n’est jamais perçue comme une mauvaise décision de ce meneur. Le trauma dont il souffre et sa proximité avec la mort ouvre peut-être cette porte vers un autre monde. Les tourments de son grief trouvent un écho dans celui du spectre où un effroyable incident a semé la mort sur son passage.
Une partie des moments clés du film trouvent appui sur la musique et l’utilisation du son. C’est le cas de plusieurs œuvres d’épouvante, certes, mais la différence provient du fait que The Changeling renferme plusieurs passages sans dialogue. Lors de glaçantes séquences, John Russell explore sa maison. Ponctués par cette absence de dialogues, la musique et les effets sonores en imposent davantage.
La caméra déambule dans la maison, et ses travelings fantomatiques donnent aux plans larges ce statut d’entité surnaturelle. Autrement, elle utilise de longs plans-séquences pour capter la silhouette gargantuesque de l’habitation de l’extérieur et utilise des angles en contre-plongée pour bien capter la prestance colossale du châtelet.
Confiant le premier rôle au grand Georges C. Scott, le cinéaste a eu aussi l’intelligence d’engager l’actrice Trish Van Devere pour le seconder. Formant un couple dans la vraie vie, la complicité entre les deux interprètes fait des flammèches dès le départ.
L’arrivée d’un nouveau support
Difficile de critiquer le visuel offert, quand on sait qu’il s’agit de la meilleure édition disponible, depuis le vieux DVD paru il y a environ deux décennies. Il faut aussi admettre que chaque collectionneur a ses propres standards. Il s’agit d’une restauration 4K d’un film datant de 1980. On pouvait donc s’attendre au visuel plus granuleux, que certains n’approuvent guère, mais la comparaison est si extrême par rapport à l’édition antérieure qu’on pardonne très vite les quelques petits bémols. C’est très souvent les films d’horreur qui misent sur l’ambiance qui sont le plus transformés par une amélioration visuelle puisque le spectateur peut prendre le temps d’errer dans les décors pour leur découvrir une nouvelle vie. Dans un cas comme The Changeling, c’est flagrant. Vu de l’extérieur, les éclairages bleutés sur le manoir sont superbes et plusieurs plans montrant la chambre du petit Joseph proposent une panoplie de tonalités qui augmentent l’étrangeté des scènes. Il pourrait y voir une raison de jouer au Frisbee avec votre copie DVD, si vous n’étiez pas un collectionneur qui vénère le moindre support.
Au niveau du son, vous constaterez que les francophones sont peu de choses pour Severin Films, qui ajoute une version italienne, allemande et espagnol aux deux versions anglaises, mais qui ne propose ni trame et ni sous-titres en français. Les collectionneurs en sont habitués, et plusieurs sont bilingues, mais face à ce catalogue de langues offertes, il y a de quoi sourciller. Si vous choisissez la version anglaise DTS-HD Master Audio 5.1, sachez qu’il y aura peut-être à certains endroits des mots manquants, ce que nous n’avons pas remarqué lors de notre visionnement, mais qu’on mentionne à plusieurs endroits sur le web. Comme Severin a offert une copie avec certaines corrections sonores, difficile d’établir si nous avons regardé la version corrigée ou la première. Peut-être que l’enthousiasme de revoir le film dans un tel format aveugle — ou plutôt assourdi — à un degré trop élevé. Vous pouvez, si vous rencontrez des lacunes sonores et que cela vous agace, vous diriger directement vers la version originale 2.0 stéréo aussi offerte. Les mécontents pourraient même, comme nous l’avons mentionné, se faire échanger leur copie via le site de la compagnie, selon les dires.
Les suppléments
Les extras de cette édition limitée sont assez savoureux puisque le film est souvent passé inaperçu, et très peu de documention existait sur le sujet. Outre la superbe jaquette et la trame sonore incluse (dans cette version seulement), on a donc de quoi s’amuser.
Nous avons droit premièrement une capsule plus divertissante que réellement pertinente, intitulée The House on Cheesman Park: The Haunting True Story of The Changeling, où un expert, le Dr. Phil Goodstein, nous relate une partie de l’histoire authentique ayant inspiré le film. On a l’impression que les propos s’égarent un brin, et c’est surtout le processus de création du long-métrage qu’on voulait voir exposé.
On nous suggère par la suite The Music of The Changeling, un court document de 9 minutes avec le responsable des arrangements musicaux, Kenneth Wannberg. Sans être inintéressant, on se dit que le son et la musique sont si importants dans le film qu’on aurait voulu plus de détails.
Avec le segment Building the House of Horror, on a droit à une portion d’environ 11 minutes avec le directeur artistique Reuben Freed qui nous parle de son bagage en architecture lui ayant permis de travailler sur la demeure lugubre, qui a jadis appartenu aux Carmichael dans le long métrage. On capte certes notre intérêt, mais l’idée qu’on se fait de la construction du plateau reste trop sommaire après l’écoute pour être complètement satisfait.
Le commentaire de 6 minutes que fait le cinéaste Mick Garris dans le supplément nommé Mick Garris on The Changeling se veut des plus intéressants. En quelques minutes seulement, le réalisateur nous parle de sa passion du film, le met en contexte avec les autres films de maisons hantées et nous explique à quel point il a été heureux d’accueillir le cinéaste Peter Medak lors de sa série Masters of Horror.
Le clip The Psychotronic Tourist: The Changeling nous propose un équivalent de ce que Sean Clark offrait avec Horror’s Hallowed Grounds alors qu’il revisitait les lieux emblématiques de nos classiques. La ballade nous est proposée ici par Kier-La Janisse, Michael Gingold, Ted Geoghegan, Ryan Nicholson et Clinton McClung. Beaucoup de noms pour un clip un peu disparate, mais où la passion des intervenants nous garde à bord.
Il est très dommage qu’exception faite du commentaire audio qu’il partage avec Joel B. Michael, l’extra le plus consistant du coffret, le cinéaste Peter Medak ne paraisse dans aucune intervention vidéo.
Cela dit, le film reste inoubliable et si vous êtes encore parmi les chanceux qui ne l’ont pas découvert, une soirée de frissons vous attend.
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