Depuis la parution du roman Un automne écarlate en 2009, François Lévesque s’est imposé comme une figure de proue de la littérature de genre au Québec.
La Noirceur, son premier roman paru en grand format chez Alire, arrive en format poche le 28 février prochain et Horreur Québec a eu envie de s’entretenir avec lui:
Horreur Québec: La Noirceur est maintenant réédité en format de poche; format de prédilection chez Alire. Est-ce que ça change quelque chose pour un auteur, le format dans lequel il est édité?
François Lévesque: Ce qui a bien fonctionné au départ pour Alire, c’était de publier directement en format poche. Cependant, ils ont changé leur approche. Ils font d’abord paraître un grand format et ils proposent ensuite plus tard un format de poche, pour donner une seconde vie aux romans. Je trouve ça très bien. C’est formidable pour un auteur! La Noirceur a été mon premier roman chez eux paru en grand format, mais mon plus récent roman, Neige Rouge, l’a également été. Je m’attends donc à ce que le prochain, quel qu’il soit, paraisse en grand format au départ.
HQ: Peux-tu nous parler de la genèse du roman?
FL: J’ai toujours été un passionné de films d’horreur. J’ai deux passions dans la vie qui sont l’écriture et le cinéma. J’ai la chance d’écrire sur ce qui me passionne. Je me trouve privilégié. Cela dit, la première passion qui m’est venue a été le cinéma. Mes découvertes ont été des films comme Le Loup-garou de Londres, que j’ai regardé enfant avec mon frère et la gardienne. J’ai développé cette passion très tôt en regardant tout ce qui me tombait sous la main, que ce soit à Super Écran ou au club vidéo. Je suis devenu très tôt un geek d’horreur. Et puis, la passion pour l’écriture est arrivée et mon amour du cinéma s’est élargi. Je voulais écrire un roman ressemblant aux films que je regardais étant enfant. C’est un peu ça, La Noirceur. J’avais écrit un roman fantastique auparavant appelé L’Esprit de la meute que j’aime beaucoup, mais qui est plus onirique qu’horrifiant. La Noirceur se lit comme on regarde un film et ressemble aux films de maisons hantées que j’aimais voir. Je suis donc parti de l’archétype très connu du passé trouble, de la maison, et j’essayais de nourrir de l’intérieur avec des idées plus poussées, ou des twists inédits.
HQ: Tu es édité par Alire, qui est une bénédiction pour les lecteurs de genre, et tu en es devenu l’une des figures marquantes. Comment se passe ta collaboration avec eux?
FL: Je ne sais pas si je suis si marquant. Je les trouve formidables. Je travaille avec Jean Pettigrew qui m’aide depuis le début. On avait beaucoup travaillé sur Un Automne Écarlate, car c’était mon premier roman. Pour moi, c’est une famille et je me compte chanceux d’être dans leurs auteurs réguliers.
HQ: Dans La Noirceur, tu fais un très bel hommage à Patrick Senécal lorsque ton héroïne lit Alyss. Est-ce qu’il y a d’autres écrivains de genre québécois que tu apprécies?
FL: Il y a Patrick Senécal, c’est certain. J’ai aussi beaucoup aimé Salem’s Lot de Stephen King et Ghost Story de Peter Straub. Je relis Salem’s Lot tous les deux ans. C’est la quintessence de Stephen King. Les thèmes de l’écrivain, la petite ville, le mal qui court. Et ce sont des thèmes que j’utilise aussi dans mon propre univers. J’ai souvent du mal avec la définition de genre. Vous me demandiez un écrivain québécois. Un de mes romans préférés à vie c’est Les Fous de Bassan d’Anne Hébert. Je ne sais pas si on peut dire qu’il s’agit d’un roman d’horreur, mais c’est très gothique et l’un des narrateurs est un fantôme. On n’ose pas dire roman de genre, comme si ce n’était pas noble pour une grande auteure comme elle. Mais Anne Hébert en serait une, si étrange puisse sembler la chose.
HQ: Elle a quand même écrit Héloïse, une histoire de vampires se déroulant dans un métro, et Les Enfants du sabbat reste une histoire de possession.
FL: Tu as raison raison. Il y a cette fulgurance onirique, mais cette femme avait une plume absolument sublime.
HQ: Tu as été un critique cinématographique, notamment pour Médiafilm. On a souvent l’impression que l’horreur est boudé par les critiques. Est-ce que c’est difficile pour toi de travailler dans des genres littéraires moins salués par les critiques justement?
FL : Je le dis souvent. Le cinéma d’horreur est probablement le cinéma le plus snobé. En tant que passionné d’horreur, j’essaie de faire ma petite part pour essayer de changer les choses. Il faut mettre en lumière les aspects intéressants du cinéma d’épouvante. J’ai un intérêt particulier pour ça. J’ai la chance aussi de travailler pour Le Devoir qui me laisse de la liberté pour mes sujets. En même temps, comme je suis friand d’horreur depuis toujours, je peux aussi être très critique. Tu sais ce que c’est. On peut aussi être très sévère si, justement, on a un genre de prédilection. Cela dit, j’aime souligner pourquoi, par exemple, ça peut être intéressant, même un non fan d’épouvante, de jeter un coup d’œil à certaines œuvres.
HQ: Ce qui fascine dans tes romans, c’est non seulement ton influence du cinéma, mais aussi le fait qu’on ressent que tu anticipes que le lecteur, possiblement connaisseur, aura du plaisir à reconnaître certains éléments. Dans La Noirceur, il y a un magnifique passage où non seulement tu cites le cinéma italien, mais où lors d’une scène complètement déconnectée du reste dans un aéroport, tu offres un cadeau aux lecteurs. Tu avais proposé jadis une liste de films d’horreur à voir, avant la lecture d’Un Automne Écarlate, pour que le spectateur savoure à sa juste valeur ce qui arrive à ton personnage. Dirais-tu que tu surpasses l’hommage?
FL: (Rires) Tu es la première personne à me parler de cette inspiration italienne et je suis content. Pour moi, c’était évident. J’y tenais beaucoup. Si un lecteur ne perçoit pas l’hommage dans ce segment, ce n’est pas si grave. Ça ajoute tout de même de l’étrangeté déstabilisante. Je voulais me gâter et gâter les fans d’horreur en plaçant de l’ambiance. Pour Un automne écarlate, je trouvais intéressant de suggérer des titres qui ont un rapport avec l’action, mais qui sont aussi ancrés dans une époque. Je l’ai écrit avant Stranger Things, donc avant que les années 1980 soient à la mode. Je me disais que voir ces films pouvaient aider à se placer dans un contexte.
HQ: Dans tes romans, l’enfance et l’adolescence semblent remplies de périls. Est-ce qu’il y a une raison particulière pour laquelle la violence envers les enfants figure toujours comme événement fondateur?
FL: L’enfance et l’adolescence sont des périodes charnières et si un traumatisme survient, il marque. Pour le genre, ça devient intéressant de plonger dans ces zones. Quand je dis intéressant, j’entends au niveau créatif. Moi-même très jeune, j’ai eu ma part de traumatismes et d’intimidation au quotidien. Ça été fondateur pour moi, car c’est devenu une source d’inspiration.
HQ: Tu as souvent ramené des personnages d’un roman à l’autre. Est-ce que ceux de La Noirceur pourraient refaire surface?
FL: J’ai eu du plaisir avec le personnage de Sophie, la meilleure amie de ma protagoniste. J’aimerais savoir ce qu’il va lui arriver dans le futur. J’aimerais adapter La Noirceur pour le cinéma. Comme ça vient de mon amour du cinéma, j’aimerais le faire. Neige rouge est un bon succès, donc j’aimerais aussi continuer avec mes enquêteurs, qui étaient dans Maison de Fumée, auparavant.
HQ: As-tu d’autres projets de romans en cours?
FL: Je viens d’en terminer un qui est chez mon autre éditeur présentement. Alire me suit depuis toujours et je suis avec Tête Première également. J’avais écrit deux courts romans psychologiques assez noirs, publiés chez ce second éditeur. C’est plus poétique dans le style. C’est pour ça que je fais ça en parallèle. Les thèmes se ressemblent, mais la forme est différente. Ce troisième roman va clore un cycle boréal. Les trois romans sont autonomes, mais ils ont des liens entre eux.
Nous encourageons nos lecteurs à découvrir les écrits d’un des plus grands romanciers de genre québécois. Si vous aimez les grands formats, nous vous suggérons l’excellent Neige Rouge, paru récemment, alors que La Noirceur sera la semaine prochaine disponible en format de poche. Nous en profitons également pour souhaiter le plus grand succès à l’auteur, pour ses prochains romans.
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