olivier sabino the passenger entrevue

[Entrevue] Le cinéaste Olivier Sabino fait le point sur l’adaptation de «Le Passager» de Patrick Senécal

Plusieurs années après l’annonce de son adaptation au cinéma, les amateurs d’horreur attendent avec impatience la version cinématographique du roman Le Passager de Patrick Senécal.

bm 10453 563794Horreur Québec a eu envie d’une petite mise à jour sur le sujet et s’est entretenu son réalisateur, Olivier Sabino, à qui l’ont doit également la série Web La Reine Rouge, inspirée de l’univers de l’auteur. S’il est l’homme-orchestre derrière ce projet, le cinéaste s’improvise aussi guerrier pour le genre au Québec et son implication est admirable.


Horreur Québec: En 2013, tu as fondé la compagnie Films Oddity, qui va se spécialiser dans la production de films de genre en anglais, et vous travaillez actuellement sur une adaptation du roman Le Passager de Patrick Senécal. Quelle est la raison de ce choix comme premier film?

Olivier Sabino: Par sa longueur, le roman se prêtait bien à l’adaptation au cinéma. Film Oddity, avec la réalité des choses, ne pourra pas produire autant de projets. On a mis cette boîte un peu de côté, puisqu’il faut bien gagner de l’argent. En ce moment, Marie-Louise Gariépy, ma collaboratrice productrice, travaille avec d’autres producteurs et j’essaie de ramasser de l’argent pour mon film ailleurs également.

Il y a plein de petits projets qui nous restent en tête, comme une suite à La Reine Rouge. Toutes les grosses boîtes ont d’abord montré un intérêt pour ce projet, mais personne n’a fini par le prendre en bout de ligne. On sait qu’au Québec, on a un public pour ces productions, mais à cause de sujets plus tabous, les gens craignent de s’y investir. Ils refusent de se lancer dans quelques choses qui peuvent choquer.

HQ: Penses-tu que le Québec a plus de préjugés ou est plus puritain que d’autres endroits face à l’horreur?

OS: Quand Patrick sort un roman, le contenu est sur papier et n’est censuré par personne. Les images restent dans l’imaginaire des gens. Quand on se lance en télé ou au cinéma, tout ce qui est assez salé pour dépasser la cote «13 ans et plus» est difficile à vendre. La Reine Rouge est «16 ans et plus» et ce n’est pas si pire tout de même.  Personne ne veut être aussi osé que ça à la télévision au Québec. Je ne sais pas pourquoi c’est si compliqué ici: en Europe, il n’y a pas beaucoup de filtres et les américains font des séries violentes comme The Walking Dead. Au Québec, c’est impossible. On produit un film d’horreur tous les deux ou trois ans, environ. Je suis persuadé que ceux qui donnent des subventions en refusent des très bons.

Les Affamés n’a pas eu tant d’entrées que ça en salle, mais le marketing qu’on en a fait n’a pas été si extrêmes non plus. C’est comme si les faibles recettes donnent une raison aux producteurs de dire que ce type de film ne rapportent pas. Sauf que Les Affamés a été par la suite pris sur Netflix et il a gagné une série de prix. Évidemment, leur discours change et ils deviennent subitement fiers d’être associés à cette réussite.

En revanche, les producteurs d’ici font des comédies minables qui ne font pas d’argent, parce qu’elles sont mauvaises justement, mais ils n’arrêtent jamais d’en faire.

HQ: Comme pour La Reine Rouge, vous n’êtes pas passé par les institutions pour le financer: le film a profité d’un sociofinancement. Présentement vous en êtes où dans la création?

OS: Le cinéma c’est un long processus. Ça se constate avec ce film. Nous en sommes toujours au scénario, mais nous avons essuyé quelques refus aussi. Le sociofinancement nous validait également que quelqu’un voulait voir le film et nous avons eu au-delà de ce que l’on souhaitait. Les fans voulaient participer et nous avons fait des concours également. Mais après avoir fini la rédaction du scénario, il nous faudra trouver du financement pour le tourner. Un bon scénario nous aide, c’est certain. Si des gens souhaitent s’impliquer avec nous et qu’ils veulent nous envoyer un chèque, ça nous ferait plaisir [rires]. Je rigole, mais je crois qu’on risque de retourner sur Indiegogo, mais cette fois, pour la production du film et non pas pour le scénario. Il y a aussi la page Facebook et on espère qu’elle va nous aider à conquérir de grandes institutions. J’essaie de mettre la page à jour régulièrement.

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La Reine Rouge (2011)

HQ: Après plusieurs rumeurs, dont Aaron Paul et même Justin Timberlake, peux-tu nous parler de la distribution du film?

OS: J’ai une liste d’acteurs de rêves et je souhaite tout tenter. Ceux que tu mentionnes conviendraient très bien. Cela va dépendre du financement et aussi du type de production qu’on aura.

HQ: Patrick Senécal est lié dans notre tête à Drummondville, comme Stephen King au Maine. Vous allez troquer Drummondville-Montréal pour Montréal-Burlington. N’est-ce pas un peu risqué de perdre des fans lecteurs?

OS: C’est toujours difficile d’adapter. Je sais que tous les fans ne seront pas emballés par certains petits changements. Cela dit, à ma défense, est-ce que varier la ville transforme forcément l’histoire? Ça peut d’ailleurs permettre aux gens à l’étranger de découvrir Patrick Senécal. Les Américains ne regardent pas de films avec des sous-titres, donc ils voudraient en partant le retourner en anglais.

HQ: Ça implique donc que le personnage de l’enseignant devra passer les douanes à chaque fois qu’il va travailler. Allez-vous utiliser la paranoïa qui règne autour des frontières depuis le 11 septembre? Allez-vous utiliser le changement de pays pour amplifier le suspense?

OS: Ça peut ajouter certaines couleurs, en effet. Rien n’est définitif, mais j’ai connu un professeur qui l’a fait. Jouer avec la frontière devenait très intéressant pour moi. Le trajet entre Montréal et Burlington ressemble en distance à celui entre Montréal et Drummondville.

HQ: Le passager est un roman très connu au Québec. Est-ce que c’est plus dur de faire un film en sachant qu’une partie des spectateurs connaissent l’histoire et ses surprises?

OS: Oui, c’est extrêmement difficile. Le côté original devient plus dur à développer. La chute, ou si tu veux le punch du roman, est maintenant connu par bien des lecteurs. Je veux trouver une nouvelle manière de la présenter pour aller rechercher une originalité. Je souhaite quand même rafraîchir le roman avec des nouvelles idées. Comment ne pas trahir la finale du roman et surprendre les gens? Nous irons un peu plus loin; Patrick a écrit ce roman à une période plus douce, disons. Le but est de le rendre plus sombre.


Il sera intéressant d’en apprendre davantage sur le projet dans les prochains mois. Nous espérons, comme vous, voir le film dans les plus brefs délais et souhaitons le meilleur des parcours à Olivier Sabino et son équipe.

Horreur Québec