Le poète et réalisateur Dominique Goneau travaille actuellement sur son premier long-métrage, Le discours des songes, qui est également en socio-financement.
Horreur Québec a voulu démystifier avec le cinéaste ce futur film philosophique, qui mettra en scène une vampire. Cet entretien avec le cinéaste a été des plus captivants, puisqu’il nous a non seulement exprimé sa conviction contagieuse pour son projet, mais nous a laissé anticiper un film d’ambiance intelligent où la réflexion sera de rigueur:
Horreur Québec: Le cinéma d’horreur semble être dur à vendre et à produire au Québec. Comment penses-tu vendre un moyen-métrage? Pourquoi moyen?
Dominic Goneau: Je souhaite faire un film de 90 minutes, que je considère comme un moyen-métrage. Pour certains ce serait un long, mais c’est toujours relatif. J’aime dire moyen-métrage parce que ça fait plus conservateur. On me dit qu’un moyen serait davantage 40 à 45 minutes, donc je m’enligne vers un long-métrage.
Nous avons tourné dans le Vieux-Québec la semaine dernière et nous avons une cinquantaine de minutes pour 30 heures de tournage. Je dirais que ce sera une sorte de «bébitte» à cheval entre le moyen et le long. Ce sera aux festivals de le classer. Je ne me suis pas facilité la vie, car l’action du film se passe dans les années 1600. Le truc que je me suis donné, c’est que l’événement important se déroule dans un huis clos. Oui, c’est un film d’époque et il y aura plusieurs images intéressantes à cet effet, dont du grand déploiement, mais ça nous a permis de diminuer les coûts.
Au maquillage, nous avons Camille Monette, qui est un artiste formidable. C’est un charme de travailler avec lui. Pour l’intensité dramatique du film, nous avons tourné dans une crypte de 375 ans dans le Vieuz-Québec, chez un tanneur de fourrures qui nous a généreusement prêté un local qu’il loue. C’est une ancienne maison seigneuriale.
HQ: Qu’y a-t-il d’intéressant à mélanger notre histoire au mythe du vampire?
DG: On dirait qu’au Québec, on ne se fait pas confiance. Quand je regarde un film d’époque d’ici, j’ai l’impression qu’on me prend par la main. Je crois que c’est dans le film La Bolduc où dès qu’on changeait d’époque on filmait un journal pour nous montrer la date. Il fallait indiquer au spectateur où on était rendu. C’est comme si on est tellement angoissé par notre histoire et comment on la représente qu’on n’ose pas trop extrapoler. On ne pense pas aux gens qui ont plus de certitudes culturelles. Moi, justement, je voulais montrer une Nouvelle-France plus lourde, dégueulasse et crade. La ville est complètement inventée, mais nous avons une assise culturelle.
Le vampire, c’est un peu une excuse. Je me sens un peu un usurpateur de parler de ça avec des fans de films d’horreur. À cette époque, si on regarde les écrits de Voltaire ou du marquis de Sade, il y avait le théâtre philosophique, où deux personnages échangeaient sur deux positions. C’était une façon de présenter un point de vue politique ou philosophique. Je voulais faire la même chose en questionnant sur l’importance de la vie. Est-ce que la vie vaut la peine d’être vécue? Je voulais faire aussi ce qu’Albert Camus a proposé avec son texte Le mythe de Sisyphe. Mon histoire est donc celle d’un chasseur de vampires et d’une vampire elle-même. Elle est prisonnière à cause d’un cercle consacré. Plus le temps avance et plus elle a faim. Le vampire, par sa force et ses faiblesses, me permettait de proposer la joute argumentative que je voulais. Chacun défend sa position et ça reste une créature raffinée. Le vampire est un monstre plus raffiné qui peut se raccorder avec la poésie et la philosophie.
HQ: Le spectateur peut s’attendre à un film qui ressemblait à quoi? À quoi pourrais-tu comparer le film?
DG: La Vénus à la fourrure de Polanski, mais plus anxiogène. Je mise sur l’ambiance. Ça semble vantard, parce que ce sont d’excellents films, mais aussi The Witch ou The Tenant. Je pense aussi au style plus poisseux de certains Ken Russell, comme The Devils. Mais ce sera plus anxiogène que dans le gore.
DG: Dans la vie, j’aime les réflexions. Je pense entre autres au cinéma de Pasolini, qui était poète, mais qui est devenu cinéaste. Il disait qu’il y avait deux trames poétiques dans un film. Il y avait celle du texte et celle de l’image. Sam Raimi disait aussi en entrevue qu’on prend le public pour des imbéciles. Je n’ai pas de problème avec le côté plus intellectuel. À la base, je suis un poète et musicien. Je pense que le public québécois est capable d’encaisser et je souhaite prendre ce pari. Le film a quand même des punchs.
Tarantino a proposé un huis clos de 3h avec 8 acteurs et on ne tenait pas sur nos bancs. Je souhaite lancer une fleur aux quatre comédiens de mon film: Samuel Bleau, Alexandre Malo-Cyr, Marjorie Gauvin et Cédric Minville. J’ai beaucoup de plaisir avec eux. Nos textes sont des mots sur pages et ils prennent vie par des artistes de talent, un montage dynamique et une belle musique qui va les soutenir.
J’aime le cinéma at large et j’aime le cinéma de genre. C’est récent au Québec aussi. Les gens commencent à prendre goût à ce qu’on leur donne.
HQ: Actuellement, à quel stade en est la production?
DG: On a fait trentaine d’heures de tournage en deux jours, qui donnera un bon 40 à 45 minutes. L’un des paris du film est au niveau du texte que nous avons travaillé. J’ai travaillé la mécanique des acteurs et les gros plans. À l’automne prochain, nous espérons tourner des scènes extérieures. Je m’attends à ce que l’on mette des centaines et des centaines d’heures. L’intérêt du huis clos, c’est de contrôler l’environnement et l’intensité. Notre texte est écrit également en vieux français et ça donnera au film un côté intéressant.
HQ: Les spectateurs sont de plus en plus sollicités par le socio-financement. Pourtant devrait-on choisir ton film et non pas un autre?
DG: Nous avons eu 4000$ pour le tournage à Québec. Mais la prochaine étape sera des scènes de village et des scènes avec plus de personnages.
Le cinéma est une question de panique et il semble important de paniquer sur une chose à la fois. On va donc retomber en socio-financement et on tente de créer un buzz et de faire connaître le projet. J’ai la chance d’être entouré de professionnels de grands talents. Je veux prendre le temps de faire les choses avec grand soin. Ce qui permet le grand déploiement, c’est que le film sera tourné par étapes. Orson Welles m’a donné l’idée avec son film inachevé Don Quichotte. Je le fais avec une conviction totale, mais je ne le fais pas juste pour tourner. Rien n’est laissé à la légère. Le cinéma peut être statique, contrairement à un spectacle. Les choses au cinéma sont là pour rester. Dans le pire des mondes, je souhaiterais le film prêt en 2021.
Pour ceux et celles qui souhaiteraient participer au socio-financement, ou en apprendre davantage sur le film, nous vous invitons à consulter la page Facebook de Le discours des songes. Nous avons hâte de vous reparler du projet et espérons que le film sera vite sur les écrans.
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