Jef Grenier n’est pas un nouveau venu dans le panorama d’épouvante québécois. Le réalisateur de Sandman et Bonbons rouges avait gagné le prix du public dans la catégorie court métrage D.I.Y. à Fantasia 2004 pour Killer Cup 2: Les gobelets qui tuent r’attaquent.
Il présentera son dernier Killer Cup 3D: les gobelets qui tuent de la troisième dimension lors de cette édition 2019 de Fantasia, un film qu’il prépare depuis une dizaine d’années.
Horreur Québec a voulu s’entretenir avec lui pour en savoir davantage:
Horreur Québec: Premièrement, d’où t’es venu l’idée de verres en styromousse tueurs?
Jef Grenier: Quand j’étais au cégep en cinéma, dans les années 1990, je me souviens qu’il n’y avait pas grand chose de bon qui sortait en matière de films d’horreur pour nous, les fans hardcore. Il y avait beaucoup de trucs du genre «le lutin qui tue», «le docteur qui tue», etc. Ou sinon, les titres français se terminaient la majeure partie du temps par «de l’au-delà».
Alors un soir, fixant le plafond de ma chambre sur mon lit, et dans un élan de frustration contre le fait que des niaiseries pareilles arrivaient à se faire et se fassent distribuer, je me suis juré à moi-même de trouver la chose la plus ridicule au monde et de la twister de manière démoniaque, au point où je pourrais en faire un court film. Je voulais, à la base, uniquement me moquer de ceux qui se prenaient trop au sérieux avec leur concept bidon.
Résultat: j’ai créé les Killer Cups en 1997. J’ai fait mon premier court-métrage avec eux en 1998. Les fans en ont vite demandé plus alors on a fait une suite en 2003 avec Second Attack et là, en 2019, on arrive au troisième avec Killer Cup: les gobelets qui tuent de la troisième dimension, cette fois en long-métrage.
HQ: Qu’est-ce qui t’a donné envie de te lancer dans un long-métrage avec ces petits monstres?
JG: Un mélange de force des choses et de suites logiques, je dirais. J’avais déjà fait un moyen-métrage en 2008 [Bonbons rouges] et l’expérience m’avait surtout appris que pour les festivals, c’était plutôt difficile à dealer avec un format pareil, étant donné que ça devenait trop long pour leur bloc de courts et pas assez long pour le passer avec les features.
Alors, l’idée de faire un long-métrage avec mon prochain projet a probablement germé dans ma tête à partir de là. Et aussi, face au fait que mon scénario avait pas mal de pages pour raconter l’histoire que je voulais faire à ce moment-là.
HQ: Plusieurs cinéastes indépendants font appel au socio-financement pour réussir à produire leurs films. Comment ça s’est passé pour toi? Tu as mis plusieurs années à le réaliser?
JG : Je travaille dessus depuis maintenant 10 ans, oui. L’écriture du scénario a débuté en 2009. Tout le film est un grand collage de talents bénévoles. Sans eux, le film n’existerait pas.
J’ai ramassé du «cash» sur mes payes de job pendant environ un an et avec ça, j’ai monté un semblant de budget servant surtout pour la bouffe les jours de tournage, le gaz pour le transport, la location d’une toilette bleue portable pour accommoder les petits besoins du staff et des figurants et l’achat de matériel pour la fabrication des effets spéciaux.
Le reste des dépenses est venu au fur et à mesure que le temps de la production s’éternisait, face aux nombreux problèmes que nous avons rencontrés en court de route.
HQ: Les deux premières aventures de tes monstres présentaient une série de gags visuels recherchés et comme tu écris aussi tes films, comment se passe le brainstorming avant d’aboutir aux méfaits des verres?
JG: Le brainstorming n’est jamais pareil d’un projet à l’autre. La recherche d’idées et de gags prend du temps et l’écriture du scénario ne se fait qu’à partir du moment où le squelette de l’histoire est pas mal complet.
Lorsqu’une bonne idée passe, je la prends en note, je l’ajoute aux autres, j’essaie de la jumeler avec quelque chose que j’ai déjà en stock, je modifie. Ainsi de suite.
HQ: Combien de temps a duré le tournage, et ayant un travail plus régulier comme nous tous, tu as forcément mobilisé ton équipe lors de tes disponibilités. Comment ça se déroulait?
JG : La grande partie du tournage de KC3D a été faite sur une période de huit fins de semaine consécutives, entre les mois d’août et septembre 2011. On partait tôt le vendredi soir pour se rendre au lieu du tournage et on revenait tard les dimanches soirs.
HQ: Il y a tout un découpage de plans et un montage étrangement élaboré pour nous donner l’impression que ces gobelets sont animés. Dans le deuxième, il y avait aussi de l’animation numérique. Peux-tu nous parler de ton expérience face à ce que tu as accompli au niveau des effets spéciaux pour le troisième, puisqu’en plus d’être plus long, il est en 3D?
JG: Tous les trucs sont bons pour donner l’illusion que les créatures sont vivantes et vraies.
Dans certains cas, surtout à des moments où l’animation était impossible à faire en effets réels, les créatures sont numériques, mais le moins possible, car j’aime garder le feeling du vrai et du présent.
Sinon, je suis fan d’effets spéciaux depuis toujours et j’adore me donner des défis. J’ai peut-être déjà fait 25 têtes coupées depuis le temps, mais à chaque fois, je design l’effet de manière différente pour me donner un challenge qui n’est pas juste répétitif. Et si possible, j’y ajoute une twist bien gore pour repousser les limites de ce à quoi le monde s’attend et est habitué de voir.
HQ: Tu as aussi opté pour l’ancien 3D avec les lunettes en micas bleus et rouges. Avais-tu un raison pour ce choix?
JG : Avec les Killer Cups, on a toujours trouvé le titre avant de savoir ce que l’histoire du scénario serait.
En 2004, au moment où Killer Cup 2: Second Cup Attack faisait la tournée des festivals, un ami m’avait demandé si le prochain allait être celui en 3D. Du coup, j’avais trouvé ça génial, car en 2004, la mode du 3D était morte depuis Jaws, Amityville et Friday the 13th. Pour Freddy, ça été l’épisode 6. Selon moi, dans une série, le 3 est celui qui devrait toujours être en 3D.
Avatar n’existait pas et le Reel D des cinémas non plus. De plus, je n’ai jamais eu la prétention de vouloir faire du 3D comme Avatar. Je n’ai pas leurs millions non plus.
C’était donc l’idée parfaite pour l’épisode suivant: essayer d’avoir une belle et bonne vieille gimmick de lunettes 3D old school, comme dans le temps. Du jamais vu pour un ambitieux projet DIY.
HQ : Quelle réaction tu espères que ton film va susciter lors de sa première?
JG : Je sais que je n’ai pas fait le meilleur film au monde, j’en aurais pas la prétention non plus. En 2011, ma nouvelle caméra était super à jour… mais en 2019, on est rendu au 4K, donc…
Je pense bien avoir fait un fichu bon film de party que les gens aimeront voir et revoir. Et dans dix ou vingt ans, ils en parleront encore. Un truc assez débile que tu n’oublies pas. Je déteste l’expression «film de genre». J’ai fait un film d’horreur, bourré de comédie. Point. Je ne me cacherai pas en disant que j’ai fait un film expérimental humoristique pour me donner des airs.
De plus, le film a été filmé en français, car c’est ma première langue et je lui trouve un potentiel très commercial. Pour le cinéma au Québec, je trouve que c’est un très bon exemple de guts qui démontre bien que c’est possible de faire des films «le fun» et trippants. Si on y arrive avec peu de moyen, imaginez ce que ça serait avec de l’aide et des millions!
Alors le jour de la grande première mondiale à Fantasia, samedi le 20 juillet prochain à 16h, je m’attends à un véritable cirque et à un party pas possible de rires et de délires!
Dix ans in the making! C’est «the ultimate in D.I.Y. movie making experience!»
Venez en grand nombre. Il faut que ça soit sold out, car ce film est exactement ce à quoi vous voudriez que le cinéma d’ici ait l’air un jour, si vous le soutenez comme du monde!
Nous encourageons donc nos lecteurs à ne pas manquer la première de Killer Cup: les gobelets qui tuent de la troisième dimension à Fantasia.
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