Attention: cette critique contient un lot important de ce que nos voisins appellent du name-dropping. Nous préférons vous en avertir.
D’emblée, impossible de ne pas affirmer que ce film est parfait pour Fantasia. Et ce, pour plusieurs raisons. Clapboard Jungle, c’est un riche et solide documentaire sur comment (essayer de) faire du cinéma de genre dans cette ère connectée, en forme de «making of» décomplexé, mettant en vedette une trâlée de personnalités bien connues des festivaliers. Aussi intéressant qu’authentique, le film est également très pratique tant il documente de façon chronologique les grandes étapes de la production d’un long-métrage: soit développement (du pitch au scénario, en passant par la souvent pénible recherche de financement), production (du casting au tournage, en passant par les effets spéciaux), postproduction (du montage aux projections-test) et tout le reste.
À l’affiche, on retrouve des cinéastes émérites comme Guillermo del Toro, George A. Romero, Paul Schrader et Richard Stanley, des acteurs cultes comme Michael Biehn et Barbara Crampton, et tellement d’autres, dont le Canadien Justin McConnell, réalisateur et «star» de Clapboard Jungle. Normal que vous ne le connaissez ni d’Ève ni d’Adam, comme sa feuille de route est, disons, plutôt courte. Mais peu importe, car sa passion est plus que contagieuse, alors qu’on suit volontiers son histoire, de ses débuts bricolés à son quotidien qu’il passe à jongler avec différents projets.
Au final, le thème de son film est universel: croire en ses rêves. Même si c’est loin d’être simple et facile de se faire une place dans cette business artistique (quel beau paradoxe!). Avec la démocratisation des outils, la concurrence est féroce. Cependant, les nombreux interviewés sont souvent éloquents lorsque vient le temps de donner des conseils éclairés à McConnell, qui a clairement le cinéma dans le sang.
On ne peut faire autrement qu’acquiescer en se désolant lorsque del Toro critique le discours actuel en lien aux plateformes: «les gens utilisent des termes comme “contenu” et “pipeline” pour décrire des histoires, alors que ce c’est le langage des égouts ou du pétrole». Même chose chez Biehn, lorsqu’il dit que «ce n’est rien qu’une question d’argent», en parlant des innombrables suites de films comme Terminator et Alien, franchises qui l’ont fait connaitre. Quant à Brian Trenchard-Smith (BMX Bandit), faire du cinéma, «c’est un éternel jeu d’échecs», où l’on doit tenter de faire avancer toutes ses pièces en espérant de réussir de bons coups.
Si certains de ces lucides constats sont moins roses, le spectateur non-cinéaste se réjouira cependant en suivant McConnell dans les coulisses de l’industrie. On se balade dans les marchés internationaux du film jusqu’aux plus grands festivals (dont Cannes, Fantastic Fest et Fantasia), où — en plus de se pointer dans les partys et karaokés — on donne la parole à plusieurs artisans du circuit, membres de médias spécialisés (Rue Morgue, Fangoria) et beaucoup beaucoup d’acteurs, producteurs et cinéastes, qui s’expriment sur toutes sortes de sujets liés de près ou de loin au 7e art.
En vrac, on retrouve aussi des indécrottables indépendants (Lloyd Kaufman, Charles Band, Larry Fessenden, Frank Henenlotter), des femmes fortes (les réalisatrices Gigi Saul “Culture Shock” Guerrero et Jovanka “Riot Girls” Vuckovic, les productrices Anne-Marie “Turbo Kid” Gélinas et Heather “The Ranger” Buckley), des figures cultes (Brian Yuzna, John McNaughton, les papas de Chucky Tom Holland et Don Mancini) et des grands, aujourd’hui disparus (Romero, Larry Cohen, Dick Smith, Sid Haig).
Bref, ce film (et par extension, faire du cinéma), c’est comme des montagnes russes: remplies de hauts et de bas, de déceptions et d’espoir, de belles rencontres et (de petites et grandes) victoires. Comme cette convoitée et espérée tournée des festivals, suivant la première mondiale d’un film. Parce que oui, le film de McConnell a une belle fin, presque hollywoodienne. Du bonbon pour les cinéphiles fanas de genre que vous êtes.
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