John Carpenter. Qui était là en 1998, lorsqu’il est passé au festival, en chair et en os, présenter son western Vampires? Bande de chanceux! Moi, je vivais hélas toujours dans mon Saguenay natal, alors qu’un pote à moi m’avait fait parvenir par voie postale le programme dudit festival, dont j’ai tant feuilleté son papier glacé.
Plus de deux décennies après, les gens du festival ont réinvité la légende vivante du cinéma de genre pour une présentation spéciale en direct sur le web intitulée John Carpenter Masterclass & Lifetime Achievement Award. Évidemment, on eut droit d’entrée de jeu à un excellent montage d’images tirées de tous les films du réalisateur sur un mix de ses meilleures musiques et dialogues. De l’épeurant, de la baston, de l’hémoglobine, des durs à cuire, des explosions, des bagnoles, de la violence, de la folie… Bref, un buffet tout garni, monté avec brio par Éric Lavoie.
En cinq minutes, on réalisa une fois de plus à quel point Carpenter est un artiste aussi total qu’inclassable. Évidemment à cause des mises en scène innovantes, mais aussi grâce à ses musiques et à la façon dont il crée ses ambiances en jouant avec brio autant avec l’audio que le visuel. Et que dire de son éclectisme, ayant touché à presque tous les genres, du biopic musical à la comédie, du fantastique à la science-fiction, en passant par le western et le film d’action, pour revenir presque toujours à l’horreur? Il est indéniablement l’un des plus grands maîtres du cinéma de genre contemporain, et clairement l’un des plus influents de sa génération.
Froid comme dans The Thing?
Comme cette remise de prix (et la présentation de type Q&A qui suivit) se faisait à travers la froideur de nos ordinateurs, la distanciation physique a évidemment miné un peu l’ambiance de ce moment passé avec le maître; car non, pianoter des questions dans le chat ce n’est pas comme applaudir et crier notre amour à tout rompre dans une vraie de vraie salle remplie de fans en délire.
Qui plus est, ça a pris un peu de temps pour que Carpenter, du haut de ses 72 Halloweens bien sonnées, se délie la langue. Le bonhomme n’était initialement pas trop jasant, préférant répondre de façon succincte au maître de cérémonie, Tony Timpone (ex-rédac en chef du magazine Fangoria, aujourd’hui chez Fantasia), qui n’en était pourtant pas à sa première entrevue. Ça m’a rappelé lorsque j’ai pu moi-même interviewer le maître après avoir eu la chance immense de le rencontrer à son concert montréalais en novembre 2017… non, ça n’avait pas été facile (un jour, je vous raconterai).
De son premier passage à Fantasia en 1998, il en gardait de bons souvenirs, ayant trouvé Montréal fort jolie. Il se souvenait avoir adoré y visionner The Stendhal Syndrome de Dario Argento. D’ailleurs, il a étonné en avouant un peu plus tard s’être inspiré de la folie d’Inferno de ce dernier surPrince of Darkness (1987).
On aurait aimé qu’il soit moins avare de commentaires sur sa collaboration avec de solides acteurs comme Donald Pleasance (sur Halloween et Escape from New York), Kurt Russell (sur The Thing, Big Trouble in Little China, Elvis, les deux Escape), Jeff Bridges (sur Starman) et le défunt Roddy Piper (sur They Live). Tout comme lorsque Timpone l’a interrogé à savoir s’il est intéressé à produire du contenu de type série télé pour les nouvelles plate-formes comme Hulu et Netflix. «Je ne vais pas te le dire; je dois garder le tout secret». Intrigant.
Il a également préféré ne pas parler des difficiles tournages de The Fog (1980) et de Memoirs of an Invisible Man (1992). «Je préfère ne pas regarder en arrière, mais plutôt vers le futur», a par ailleurs lassé tomber le collectionneur d’items de science-fiction des années 50 et 60 et autres lobby cards (il cherche encore celles du western Rio Bravo de 1959).
Le futur?
Il a un peu jasé de son travail avec la maison de production Blumhouse (de Jason Blum) sur l’Halloween de 2018, notamment sur son travail au niveau de la musique (et qu’il put leur donner quelques commentaires, sans plus), ainsi que les deux suites (il est resté très discret là-dessus), échappant que la compagnie travaillait sur une refonte (un reboot, dans ses mots) de The Thing. D’ailleurs, lorsqu’un fan l’a interrogé sur son film dont il est le plus fier, il a nommé le puissant et si sombre film polaire de 1982.
Parmi les projets qu’il aurait aimé réaliser, il a mentionné une adaptation du roman The Stars My Destination (1956) d’Alfred Bester, qui ne s’est jamais concrétisé. Saviez-vous qu’il a travaillé quelques semaines sur la préprod’ d’Exorcist III? C’était avant que son auteur William Peter Blatty ne décide de le réaliser lui-même – Carpenter le trouvait d’ailleurs un peu trop accaparant (tout comme William Friedkin d’ailleurs, qui devait initialement le réaliser).
En plus d’avouer qu’il trouve aujourd’hui le processus d’écriture incroyablement douloureux (il préfère de loin faire du montage, et composer de la musique pendant cette étape), il semblait également se trouver trop vieux pour réaliser; il a mentionné avoir trouvé épuisant le tournage du clip de son thème de Christine (2017).
Jouer (musique et jeux vidéos)
De nos jours, ce qu’il préfère faire par-dessus tout est de regarder du basket à la télé et jouer à des jeux vidéo: il a passé beaucoup d’heures sur Fallout 76 en confinement et il a bien hâte de jouer au prochain Crash Bandicoot et à Assassin’s Creed Valhalla.
Il a aussi parlé de Storm King Comics, la maison d’édition qu’il opère avec sa femme, de même que de sa nouvelle carrière de prog rockeur. On a également appris que son père était musicien et professeur de musique, et que de son vivant, il avait été fier de son fils, car comme ce dernier était également compositeur, c’était comme s’il avait fait une carrière en musique. Carpenter a mentionné que son prochain album de musique originale (avec son band, incluant son fils, son filleul et la section rythmique de Tenacious D) sortira en février 2021. On a bien hâte d’écouter Lost Themes III (même si YouTube n’a pas voulu qu’on en écoute une pièce en primeur).
Vous pouvez visionner la présentation ici:
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