Au Québec, le débat sur la moralité de l’aide médicale à mourir a eu lieu il y a quelques années déjà. Il s’est soldé par l’adoption d’une loi permettant l’euthanasie dans certains cadres réglementés, au grand soulagement des personnes principalement concernées par la mesure. Aujourd’hui, on débat des bordures de ce cadre, plus précisément de la définition légale d’une mort «raisonnablement prévisible». «A-t-on ouvert une boîte de Pandore?», lamentent certains éditorialistes locaux. C’est aussi ce que le cinéaste argentin Martin Kraut semble se demander dans un thriller très bien emballé mais un peu creux.
La Dosis raconte l’histoire de Marcos (Carlos Portaluppi), un infirmer d’expérience qui travaille de nuit dans une clinique privée. Il est dédié corps et âme à son travail et à ses patients, mais se trouve parfois aux antipodes avec les décisions prises par les médecins qu’il côtoie. Dans certaines situations, Marcos euthanasie en secret des patients afin de leur éviter des souffrances inutiles. Un jour, un jeune infirmier du nom de Gabriel débarque à la clinique. Très populaire auprès du patron et des autres employés, Gabriel découvre très vite le secret de Marcos. Le nouvel employé n’est toutefois pas très choqué, puisqu’il lui arrive aussi d’euthanasier des gens… Et pas nécessairement par pitié. Les deux infirmiers vont bientôt s’embarquer dans une spirale de manipulation et de confrontation.
Comme c’est souvent le cas avec les thrillers en milieu hospitalier, La Dosis s’intéresse au «complexe de Dieu» présent chez certain.e.s praticien.ne.s du domaine de la santé. Martin Kraut emploie un effet miroir entre Marcos et Gabriel (l’affiche du film est assez éloquente à ce sujet) qui joue sur ce qui les unit et tente d’instaurer une tension homosexuelle entre eux. Ces clichés du suspense psychologique embourbent l’histoire, qui devient une fable assez classique sur les risques de substituer la morale élastique des êtres humains au cour normal de la nature.
Dommage, car la première partie du film s’avère très prenante. Dans le rôle de Marcos, Carlos Portaluppi est exceptionnel. On sympathise instinctivement avec lui et le comédien parvient à porter La Dosis même dans ses moments plus mécaniques. L’environnement médical dépeint par le film est sans fard, nous introduisant de façon très clinique et frontale au travail dans une unité de soins pour personnes en phase terminale. Kraut propose également quelques bonnes scènes de tension avec le personnage de Gabriel, un manipulateur né dont la sociopathie devient de plus en plus apparente et culmine dans une chambre d’hôpital blafarde où le suspense est à son comble.
Lorsque Michael Haneke a réalisé Amour, il nous a amené au plus près de la détresse qui vient avec la perte d’autonomie. Plusieurs films et documentaires nous ont également fait côtoyer des personnes atteintes de maladies dégénératives/incurables. Que ces gens choisissent de s’accrocher à leur vie ou demandent à arrêter de souffrir, ce sont eux qui devraient être écoutés en premier lieu. La Dosis propose une analyse beaucoup trop froide et rationnelle d’un dilemme moral qui a besoin de davantage de chaleur et d’empathie.
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