On parle du film depuis déjà un million d’années (un an et demi), avant que le monde bascule dans une foutue pandémie. En juin dernier, on annonçait qu’il avait été acheté par la prestigieuse maison Blumhouse et serait distribué par Universal à travers le monde. Après sa première mondiale au Festival de Cannes, nous arrive enfin The Deep House, qui cartonne depuis sa sortie en France à la fin juin. Après Kandisha (lisez notre critique dithyrambique), on n’en pouvait plus d’attendre le dernier film d’Alexandre Bustillo et Julien Maury. Doit-on vraiment rappeler que le duo de scénaristes/réalisateurs français possède une feuille de route de ouf (À l’intérieur, Livide, Aux yeux des vivants, Leatherface 2017), comme on dit de l’autre côté de l’Atlantique? C’est ce qu’on croyait.
L’inédite prémisse tient en 8 mots : un film de maison hantée sous l’eau. On y suit Tina (Camille Rowe) et Ben (James «fils de Mick» Jagger, vu dans la série Vinyl), un couple de youtubeurs fanas d’histoire(s), affectionnant particulièrement celles impliquant des lieux dits hantés. Après un stressant prologue en Ukraine, on retrouve les amoureux new-yorkais (elle est Française par sa mère, il est évidemment Britannique) dans un motel et en Westfalia au fin fond de la France. Rapidement, ils font la rencontre de Pierre, un barbu du coin (Eric Savin, vu dans le Elle de Paul Verhoeven), leur proposant de les amener à un lac isolé, où il y aurait une étrange maison engloutie et parfaitement préservée. Lors de leur enquête aquatique, le couple découvrira qu’il s’est jadis passé des choses pas très catholiques dans la maison des Montegnac (d’inspiration gothique), avant d’être en proie à des apparitions fantomatiques…
D’emblée, la profession du couple et l’intro du film suggèrent qu’on sera en territoire found footage à la Blair Witch (influente saga, arrivée 20 ans après l’ignoble Cannibal Holocaust). Utilisant à bon escient les technologies d’aujourd’hui (caméras GoPro, téléphones intelligents, drones), il y a en effet bon nombre de plans en mode FPS avec une caméra juste assez nerveuse. On a aussi droit à de magnifiques images terrestres (en contre-plongée (!) à la The Shining) et surtout sous-marines, qu’on doit à un pro de la plonge filmée, Jacques Ballard — qui a notamment dans son CV un clip de Beyoncé! Avant la baignade, on se croirait près de 50 ans auparavant dans la forêt luxuriante de Deliverance, avant de revenir de nos jours lorsque Ben fait retentir de la tonitruante musique dark wave tendance indus’ en s’immergeant dans l’étang. Or, ne cherchez pas les requins, on n’est pas dans Open Water ici, même si d’immenses poissons risquent de vous faire sursauter.
Une fois à l’intérieur (!) de la maison, on se retrouve en terrain familier, alors qu’on explore les lieux à la lampe-torche, nos amoureux commentant ce qu’ils voient tels des astronautes d’eau douce. Tranquillement, la tension et le stress montent, au fur et à mesure qu’on découvre divers éléments de plus en plus inquiétants (nous renvoyant à des classiques de l’épouvante comme Poltergeist et The Texas Chain Saw Massacre). Lorsqu’on pénètre dans une pièce secrète par une porte dérobée, on bascule soudain dans l’occulte, un moment inspiré d’Hellraiser (du bonbon sachant que Maury et Bustillo devaient réaliser une refonte du film de Clive Barker, avant que le projet ne tombe à l’eau…!).
Ensuite, c’est la panique alors que surviennent des apparitions, on tente de fuir la maison, ça devient étouffant, suffocant… et visuellement trouble et confus pour le spectateur, le poussant à vivre la (presque) même chose que les protagonistes. Cependant, ça se gâte un peu dans le dernier acte, principalement à cause de Ben/Jagger qui, après s’être caché sous un lit sous l’eau (really?), livre une performance manquant un peu de consistance/crédibilité (on restera évasif afin de ne pas divulgâcher, mais sachez qu’on peine à croire ce qu’il va ultimement lui arriver). Finalement, on a droit à une belle finale, bien crade et gore qui boucle joliment cette boucle found footage, avant un fondu au noir sur la pénombre des profondeurs.
Un peu comme Tarantino avant eux, ce duo d’indécrottables cinéphiles que forment Maury et Bustillo semble se plaire à référencer (que ce soit intentionnel ou non) leurs/nos films préférés. À vous d’identifier quelles scènes ou plans évoquent les classiques susmentionnés, de même que les Alien, A Nightmare on Elm Street, Evil Dead et autres péloches italiennes bien louches comme Demons. Si on doit encore une fois le dynamique montage du film à Baxter, le fidèle monteur du duo (dont on avait discuté lors de notre entrevue vidéo avec Maury), l’entraînante musique est une gracieuseté d’un autre fréquent collaborateur, soit Raphaël Gesqua (c’est leur cinquième projet ensemble depuis leur premier long métrage). Aux effets spéciaux pratiques, costumes, véhicules et décors, on retrouve l’équipe qui a bossé sur l’incroyable Mandy (Oriane De Neve, Alice Eyssartier, John Lambrechts, Hubert Pouille et Ilse Willocx). Pas surprenant que ça look aussi bien. Bien qu’au final on aurait aimé TDH plus terrifiant, il est toujours réjouissant que chaque nouveau film de Bustillo/Maury propose encore et encore du beau, du fun et du salissant!
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